Audiences publiques sur les licences de Radio-Canada

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Publié 20/11/2012 par Stéphanie Marin (La Presse Canadienne)

à 19h11 HNE, le 19 novembre 2012.

GATINEAU, Qc – La controverse au sujet des journalistes de Radio-Canada qui ont fait le saut en politique a rebondi lundi aux audiences du CRTC sur le renouvellement de ses licences, le président demandant si la société d’État ne craint pas que cela entache sa crédibilité.

Le vice-président du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), Tom Pentefountas, a même dit y voir «un fléau».

Il a qualifié d’«alarmant» le «rythme auquel Radio-Canada perd ses chefs de bureau de Québec pour la sphère politique».

Les cas de l’ex-journaliste Bernard Drainville et, plus récemment, de son collègue Pierre Duchesne, devenu ministre au sein du gouvernement du Parti québécois (PQ) après les dernières élections provinciales, semblent avoir ramené le débat à l’avant-scène. D’autres anciens de Radio-Canada, Christine St-Pierre et Raymond Archambault, ont aussi joint les rangs de partis politiques.

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La situation est une préoccupation qui nécessite réflexion, estime pour sa part Hubert Lacroix, le président de Radio-Canada – CBC. Il a toutefois défendu les actions de la société d’État lorsque son ancien chef de bureau, Pierre Duchesne, a récemment rejoint le PQ.

Une réunion au sommet a eu lieu et le journaliste s’est fait questionner sur ses intentions. Son récent travail a été évalué pour voir s’il y avait eu parti pris en faveur d’une formation politique. L’encadrement est de très haut niveau, a fait valoir M. Lacroix, et permet d’assurer qualité et impartialité au service de l’information.

Le président du CRTC, Jean-Pierre Blais, a aussi demandé si une période de «purgatoire» pouvait être utile ou nécessaire entre l’emploi de journaliste et le travail comme élu. Il s’agit d’une question de crédibilité, mais aussi de perception du public, a-t-il avancé, disant aborder ce sujet avec «une certaine hésitation».

Les journalistes sont syndiqués, a alors fait remarquer Louis Lalande, vice-président principal des services français de Radio-Canada, ajoutant que les contrats ne sont pas négociés individuellement.

«On ne peut pas les empêcher de faire autre chose de leur vie», a ajouté Hubert Lacroix après la première journée d’audience. Il ne croit pas que le gouvernement devrait légiférer à ce sujet, pas plus qu’il ne croit qu’une période de purgatoire devrait être imposée aux journalistes.

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M. Pentefountas a réagi aux commentaires portant sur les syndicats.

«Ça contribue à vous rendre presque impuissants face à ce fléau qui touche au coeur des questions d’intégrité et de crédibilité du département des nouvelles de Radio-Canada?» a alors demandé M. Pentefountas.

«Vous appelez cela un fléau, a répondu M. Lalande à M. Pentefountas lors de l’audience. Radio-Canada n’est pas unique au monde avec cette possibilité. À peu près toutes les grandes organisations de presse ont eu à faire face à des journalistes qui sont devenus politiciens.»

Quant à Pierre Duchesne, questionné sur Twitter à ce sujet, il a eu ce commentaire sur les «changements de carrière»: «Cherchez à savoir ce que faisait Monsieur Pentefountas avant d’arriver au CRTC».

Ces questions sur les «transfuges» ont eu l’effet «d’une bombe», a commenté le professeur de communications de l’Université d’Ottawa Pierre Bélanger. Il juge les questions du CRTC pertinentes, même si elles ne font vraiment partie de son mandat.

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Cela fait 12 ans que Radio-Canada – CBC ne s’est pas présentée devant le CRTC pour renouveler ses licences de radio et de télévision.

Le paysage médiatique a tant changé depuis le dernier renouvellement que le diffuseur public demande au CRTC de lui accorder plus de flexibilité pour accomplir son mandat et pour engranger des revenus.

Pour accomplir son mandat avec qualité, la société d’État demande notamment de pouvoir diffuser de la publicité sur ses chaînes Espace musique et Radio 2. Hubert Lacroix se dit confiant que les auditeurs vont l’accepter pour maintenir la qualité de ces chaînes musicales.

Radio-Canada veut aussi des conditions de licence plus flexibles pour pouvoir, par exemple, diffuser des émissions jeunesse sur le Web uniquement, sans diminuer la quantité de contenu créé.

Hubert Lacroix demande une «approche réglementaire simplifiée et rationalisée».

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«Le changement perpétuel est à l’ordre du jour», a-t-il dit.

Radio-Canada veut pouvoir diffuser des contenus sur la plateforme qui satisfait le mieux aux besoin des auditeurs — télé, radio ou Web — sans devoir retourner devant le CRTC à chaque changement.

La société d’État ne veut pas non plus s’engager à des heures fixes de radio et de télédiffusion dans un contexte de compressions budgétaires si cette obligation n’est pas financièrement réalisable.

Le président du CRTC, Jean-Pierre Blais, semble craindre que la société d’État n’utilise Internet au détriment des autres plateformes.

M. Lacroix a pour sa part fait valoir que seulement cinq pour cent du budget est pour le Web. À son avis, il faut rejoindre les Canadiens là où ils veulent voir le contenu de Radio-Canada.

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Et parfois, c’est sur Internet qu’ils préfèrent le voir, a-t-il ajouté. «Mais le Web ne sera là que pour appuyer les plateformes traditionnelles», a-t-il précisé.

Les audiences publiques du CRTC ont débuté lundi à Gatineau et dureront deux semaines. Elles visent notamment à s’assurer que Radio-Canada respecte ses conditions de licence, notamment en ce qui concerne la production de contenu canadien, le service pour les minorités linguistiques et la production en région.

Toute la question du financement du diffuseur public — un sujet hautement politique — ne fait pas partie de ce que le CRTC va évaluer au cours des audiences, sauf indirectement. Mais il va sans dire que la réalisation du mandat de Radio-Canada a un lien intime avec les ressources dont il dispose, des ressources qui lui sont accordées par Ottawa.

Le dernier budget fédéral prévoyait des compressions à Radio-Canada de 115 millions $ sur trois ans, auxquelles se sont ajoutées en octobre dernier des coupes budgétaires de 28,4 millions $. Au total, la suppression d’emplois devrait atteindre les 650 postes à la société d’État.

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