Alerte internationale pour sauver l’église Sainte-Marie, joyau du patrimoine acadien

église Sainte-Marie, Nouvelle-Écosse
L’église Sainte-Marie, en Nouvelle-Écosse, est le plus grand édifice en bois d’Amérique du Nord. Ce bâtiment a une valeur patrimoniale unique qui dépasse les frontières canadiennes, assure ICOMOS Canada. Photo: Katya Kovalenko
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Publié 16/05/2025 par Marine Ernoult

Ce jeudi 15 mai, le Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS) a lancé une alerte patrimoine inédite au Canada pour sauver de la démolition l’ancienne église Sainte-Marie à la Pointe-de-l’Église, en Nouvelle-Écosse. L’édifice, construit il y a 120 ans par les Acadiens, se distingue par son architecture unique et son importance culturelle.

«La destruction entraînerait une perte irrémédiable en termes d’histoire. Ce bâtiment a une valeur patrimoniale unique qui dépasse les frontières canadiennes», souligne le président du Conseil international des monuments et des sites Canada, Mathieu Dormaels.

église Sainte-Marie, Nouvelle-Écosse
L’église Sainte-Marie a été construite entre 1903 et 1905 avec l’aide de près de 1500 bénévoles. Elle mesure 56 mètres de hauteur et 58 mètres de long, avec un transept de 41 mètres. Photo: Musée église Sainte-Marie

Unique au monde

Il évoque l’«exceptionnalité» du style architectural de l’édifice Sainte-Marie, de sa taille et des matériaux utilisés pour sa construction. «Il n’existe qu’un seul exemplaire de cette dimension au niveau international.»

église Sainte-Marie, Nouvelle-Écosse
Mathieu Dormaels. Photo: courtoisie

À la fin de l’automne 2024, l’archidiocèse d’Halifax-Yarmouth a soumis une demande de retrait de l’église de la liste des biens patrimoniaux enregistrés de la Nouvelle-Écosse, afin d’entamer des travaux de démolition. ICOMOS a été averti de la situation par la communauté locale à ce moment-là.

Mathieu Dormaels parle d’un monument acadien emblématique, ayant une «valeur culturelle et sociale» incomparable.

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Un long combat

La bataille pour l’église Sainte-Marie ne date pas d’hier. Dès 2013, une première société de préservation voit le jour et cherche à récolter les 8 à 10 millions de dollars nécessaires pour restaurer l’édifice.

En septembre 2023, la société de préservation met finalement fin à ses discussions avec l’archidiocèse d’Halifax-Yarmouth, qui repoussait la démolition en attendant qu’une solution émerge. En février 2024, la mise en vente de l’église n’attire aucun acheteur.

En octobre de la même année, après que les inspecteurs de la municipalité de Clare jugent que l’état de la structure la rend dangereuse, l’archidiocèse décide d’entreprendre des démarches en vue de la démolir.

En janvier 2025, un groupe de citoyens décide de créer l’Association Sainte-Marie héritage et développement pour éviter le pire.

église Sainte-Marie, Nouvelle-Écosse
L’église Sainte-Marie est un cas unique de mélange architectural. «Il fusionne les traditions de conception ecclésiastique françaises avec l’artisanat local enraciné dans l’héritage de la construction navale», selon l’architecte Rosa Milito. Photo: Musée église Sainte-Marie

«Un positionnement assez fort»

La coinstigatrice et coprésidente de l’Association Sainte-Marie héritage et développement, Stéphanie St-Pierre, salue la décision d’ICOMOS, qu’elle qualifie de «très bonne nouvelle, réfléchie et étudiée».

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église Sainte-Marie, Nouvelle-Écosse
Stéphanie St-Pierre. Photo: Vanessa Wilson

«Ça attire l’attention, ça met de la pression sur nos décideurs publics, sur nos gouvernements.»

«C’est un positionnement assez fort, de dernier recours, confirme Mathieu Dormaels. Mais il ne s’agit pas de désigner un coupable. L’objectif est de favoriser une prise de conscience des acteurs locaux, nationaux et internationaux, toujours sous l’angle de la collaboration.»

Aux yeux de Stéphanie St-Pierre, l’église Sainte-Marie constitue un cas unique de mélange architectural. Pensé initialement par l’architecte français Arthur Regnault pour une structure en pierres, son plan a été revu pour répondre aux exigences d’un édifice en bois, la spécialité des Acadiens.

ICOMOS, qu’est-ce que c’est?

ICOMOS, le Conseil international des monuments et des sites, est une organisation non gouvernementale qui œuvre à la conservation et à la protection des sites du patrimoine culturel dans le monde entier.

Il regroupe plus de 12 000 experts à travers la planète et 175 au Canada. Son secrétariat général est basé à Paris.

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Modèle architectural

«Cette conversion-là a mené à plusieurs aspects super ingénieux à l’intérieur de l’édifice», explique Stéphanie St-Pierre. «Il y a des architectes et des gens qui enseignent le design dans les universités qui l’utilisent comme un cas d’espèce d’une méthode hybride pour la transformation d’un plan architectural.»

église Sainte-Marie, Nouvelle-Écosse
Rosa Milito. Photo: courtoisie

Selon les recherches de l’Association, il s’agit également de la plus grande structure en bois d’Amérique du Nord.

«Ce monument se distingue non seulement par sa structure imposante, mais aussi par son incarnation de l’identité, de la résilience et du savoir-faire acadiens», ajoute l’architecte conservatrice et membre de l’Association, Rosa Milito.

«Il fusionne les traditions de conception ecclésiastique françaises avec l’artisanat local enraciné dans l’héritage de la construction navale.»

«Valeur culturelle universelle»

Elle estime également que la «reconnaissance internationale» d’ICOMOS apporte à l’église «une visibilité et une crédibilité mondiale».

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«Ça montre sa valeur culturelle universelle. Ça nous permet d’intensifier les conversations avec les bailleurs de fonds et ouvre la voie à de nouveaux partenariats.»

Dans le cadre de l’alerte internationale, ICOMOS a d’ores et déjà envoyé des lettres à l’ensemble des acteurs impliqués. L’organisation leur a soumis des propositions et offert son expertise sur la manière de préserver et rénover le bien.

«On reste là pour les accompagner dans la gestion de l’après, trouver des solutions et donner un nouvel usage à l’église qui couvrira les frais d’entretien et de réparation», assure Mathieu Dormaels.

L’Association a aussi lancé une pétition pour demander aux gouvernements d’investir dans la protection de l’édifice.

église Sainte-Marie, Nouvelle-Écosse
L’église Sainte-Marie a été imaginée par l’architecte français Arthur Regnault, connu pour avoir conçu plusieurs châteaux dans la vallée de la Loire, en France, mais aussi l’église Saint-Cœur-de-Marie à Québec. Photo: Musée église Sainte-Marie

«Un catalyseur pour le tourisme durable»

Du côté de l’Association, si l’objectif premier est de rendre la démolition de l’église «quasi impossible», la réflexion pour sa remise en valeur a déjà commencé, rapporte Stéphanie St-Pierre.

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«On veut que ça puisse devenir un point de rassemblement important pour l’Acadie de la Nouvelle-Écosse», dit-elle. «On y voit un potentiel énorme. On parle souvent de musée, mais nous, on voit aussi ça comme étant une destination patrimoniale où les gens vont pouvoir en apprendre davantage sur les Acadiens qui sont revenus en Nouvelle-Écosse après la déportation.»

Que l’église devienne un lieu culturel, un centre d’interprétation ou un espace communautaire, Rosa Milito y voit avant tout «un catalyseur pour le tourisme durable, l’éducation au patrimoine et la revitalisation régionale, tout en honorant les racines historiques acadiennes».

L’archidiocèse attend les plans

Pour l’heure, en dépit des discussions, Stéphanie St-Pierre ne sait pas où en sont les démarches de l’archidiocèse sur le statut de l’église.

«Le discours a un peu changé. Au lieu de dire : “La démolition va avoir lieu cet été”, c’est devenu: “La démolition va avoir lieu aussi tôt que possible.” Donc ça peut vouloir dire qu’ils attendent de voir si on a du succès.»

La personne responsable du dossier au sein de l’archidiocèse n’étant pas disponible pour une entrevue avant publication, une porte-parole a simplement confirmé que des discussions avec l’Association sont en cours, dans l’attente d’étudier leurs plans.

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Stéphanie St-Pierre confirme que l’Association espère pouvoir présenter ses plans au début du mois de juin, mais qu’une rencontre publique aura lieu avant.

Avec des informations de Julien Cayouette.

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