Pierre Karch nous fait planer au-dessus du destin d’autrui

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Publié 22/11/2011 par Paul-François Sylvestre

Pierre Karch écrit régulièrement, mais l’urgence de publier un livre ne l’habite pas. Son dernier ouvrage, un roman, remonte à plus de douze ans. Cet automne il a décidé de nous gâter en nous offrant un recueil intitulé Nuages. À l’image des cirrus, cumulus ou nimbus, les vingt-sept contes et nouvelles de Nuages sont parfois sombres, parfois radieux.


L’ouvrage est divisé en trois parties comportant chacune neuf nouvelles ou contes. «Cirrus» regroupe des textes où dominent l’angoisse et les inquiétudes face à un avenir incertain, mais peu prometteur. «Cumulus» présente des textes sur le bonheur de voir briller le merveilleux comme une consolation. «Nimbus» réunit des textes marqués par la solitude, la mélancolie, le désespoir de ne pas voir une fin aux tempêtes, aux orages, aux steppes hostiles.


Dix-huit des vingt-sept textes ont d’abord paru dans des revues telles que Virages, XYZ, Liaison ou
 Le Sabord. J’aurais personnellement choisi un titre plus exotique que Nuages. Je crois que j’aurais plutôt opté pour Cirrus, cumulus, nimbus.


Une citation est placée en exergue de chaque conte ou nouvelle. Ces petites perles proviennent d’auteurs d’ici et d’ailleurs: Robert Dickson, Andrée Christensen, Gabrielle Poulin, Gabrielle Roy, Baudelaire, Shakespeare, La Rochefoucauld, Kowalczyk.


«Le noir, comme le blanc, n’est qu’un pas vers la lumière.» Telle est la citation d’Andrée Christensen qui coiffe la nouvelle «Le tunnel». Le texte met en scène un couple qui voyage entre Paris et Laon.


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À un moment donné, «le train disparaît dans la gueule d’un tunnel. Les lumières de notre wagon ne s’allumant pas, rien n’apprivoisa la noirceur. Le silence se fit.» Manière de dire que le silence fait figure de lumière.


Nuages est un recueil au contenu subtil et tout en nuances. Une nouvelle peut aussi bien nous parler d’une personne devenue saoule d’une passion imaginaire que d’un rêve qui conduit au crime. L’auteur a longuement réfléchi à ce qu’il devait écrire et à comment l’écrire. Soudain le déclic a surgi, sorte de cumulus grondant rempli de mots magiques.


Dans un conte, Blanche-Neige peut avoir la peau noire… «pourvu que sa robe fût blanche». Dans une nouvelle, «une femme qui ne se fait plus d’illusions est rarement prête à en entretenir chez les autres». Un des textes nous conduit à l’angle des rues Jarvis et Carlton, «où les putains ont quitté une dernière fois leur poste et les mendiants n’occupent pas encore le leur.»


Seul un homme cultivé comme Pierre Karch peut écrire qu’un «toit est capricieux comme un air de Paganini». Seul un écrivain aussi observateur que Pierre Karch peut écrire que, «malgré les nuages… un homme prend ses verres fumés, écran contre le regard cancérogène de l’autre».


Ces nouvelles de Pierre Karch sortent des sentiers battus. L’action cède le pas à la réflexion. Rares sont les intrigues se terminant de façon inattendue. Le style semble nous placer au-dessus de la mêlée et fait de nous des observateurs ou des jurés guidés par une philosophie de grand-prêtre planant au-dessus du destin d’autrui.


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Pierre Karch, Nuages, contes et nouvelles, Montréal, Lévesque éditeur, coll. Réverbération, 2011, 164 pages, 23 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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