Fin 1999, j’invitais des amis à la maison pour un dîner avec pour thème le vinaigre balsamique. Avec la crêpe farcie aux oignons et aux pommes, le magret de canard et son foie gras poêlé, le fromage et les fraises, j’ai servi des vins provenant de ma réserve.
Ces vins d’origines française et italienne portant les dates 1988, 1989 et 1990 ont été conservés dès leur acquisition, au moment de leur mise en vente, dans un modeste environnement non climatisé et sans contrôle de l’humidité. La température fluctuait entre 19°C l’été et 12°C l’hiver pendant ces dix ans de conservation.
Que ce soit le riesling alsacien 1990, ce Cahors 1985 payé 13$ il y avait déjà belle lurette, ou ces prestigieux crus de Pomerol, du sud du Rhône ou du Piémont, ils avaient merveilleusement bien conservé leur vigueur d’antan. Mieux, certains vins semblaient en meilleure condition ou plus jeunes que ceux dégustés récemment par un convive possédant des conditions de conservation dites parfaites.
J’ai lu, il y a quelques années, les résultats d’une expérience démontrant que deux séries identiques de 36 bouteilles de vins différents, conservées dans une cave champenoise et dans un appartement parisien pendant cinq ans, n’avaient pu convaincre quiconque du bien-fondé à court terme de la nuisance des fluctuations graduelles de température sur le vin. Évidemment, on ne parle pas ici de vin à consommer deux ou trois ans après sa mise en marché, mais de vins dits «de garde». Dégustés à l’aveugle en comparative, tous les participants n’y avaient vu que du feu.
Loin de moi l’idée de renier ce que prônent tous les professionnels en matière de conservation des vins. Sauf que le vin n’est pas si fragile qu’on le croit; son pire ennemi demeure son propriétaire. Considérant que la production de grands vins dits «de garde» équivaut à une goutte d’eau dans l’océan du vin produit annuellement dans le monde et que la grande majorité du vin est consommée et est vinifiée pour être bue jeune (dans les deux ou trois ans suivant sa commercialisation), l’utilité d’un cellier d’appartement me semble futile pour conserver ces derniers types de vin.