Le bâtisseur franco-ontarien Bernard Grandmaître est décédé

Bernard Grandmaître
L’ancien ministre Bernard Grandmaître, «père» de la Loi sur les services en français de l'Ontario. Photo: Étienne Ranger, archives Le Droit
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Publié 29/10/2025 par Sébastien Pierroz, Émilie Gougeon-Pelletier, Marc-Olivier Bisson

L’ancien ministre Bernard Grandmaître, figure franco-ontarienne majeure, est décédé ce mardi 28 octobre à l’âge de 92 ans.

Né en 1933 à Vanier, enseignant de formation et homme politique respecté, il s’est d’abord illustré comme maire de Vanier de 1977 à 1984, période durant laquelle il a favorisé la reconnaissance du caractère francophone de la ville.

Il a ensuite fait le saut en politique provinciale sous la bannière libérale en étant élu député d’Ottawa-Est (renommé Ottawa-Vanier en 1999). Pendant ses 15 années à Queen’s Park, il a été ministre des Affaires municipales, puis du Revenu, tout en conservant pendant toutes ces années le poste de ministre délégué aux Affaires francophones.

Durant sa longue carrière en politique, Bernard Grandmaître a été de toutes les luttes pour l’épanouissement de la langue française en Ontario.

Bernard Grandmaître
Bernard Grandmaître. Photo: rogers.com

Bâtisseur de l’Ontario français

Il est surtout connu pour avoir fait adopter la Loi sur les services en français en 1986, garantissant l’accès aux services gouvernementaux en français dans plusieurs régions de l’Ontario — une avancée majeure pour les droits linguistiques.

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«Depuis l’adoption de la Loi 8, on a accompli plusieurs choses. Le progrès qui s’est fait grâce à cette loi m’impressionne au plus haut point», avait-il confié au chroniqueur du Droit, feu Denis Gratton, lors d’une entretien en 2013.

La Loi sur les services en français avait notamment permis la préservation de l’Hôpital Montfort, menacé de fermeture par le gouvernement conservateur de Mike Harris à la fin des années 1990. Bernard Grandmaître s’était alors rangé aux côtés de Gisèle Lalonde et du mouvement SOS Montfort.

Gisèle Lalonde
Gisèle Lalonde. Photo: courtoisie Université d’Ottawa

Son nom est désormais associé à plusieurs initiatives, dont le Centre des services francophones Bernard-Grandmaître à Ottawa, l’École élémentaire catholique Bernard-Grandmaître ainsi que le prix Bernard-Grandmaître.

Cette distinction remise annuellement par l’Association des communautés francophones d’Ottawa (ACFO Ottawa) honore les personnes et organismes qui se sont démarqués au sein de la francophonie ottavienne,

Reconnu comme un bâtisseur franco-ontarien, il a côtoyé et inspiré des figures comme Gisèle Lalonde et, plus tard, Madeleine Meilleur. En 2013, il a été nommé membre de l’Ordre du Canada pour son engagement exceptionnel envers la francophonie ontarienne.

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M. Grandmaître a aussi reçu au cours des dernières années un doctorat honorifique de l’Université d’Ottawa et un autre de l’Université Laurentienne, à Sudbury.

«Héritage immense», selon Caroline Mulroney

En soirée, la ministre aux Affaires francophones de l’Ontario Caroline Mulroney a réagi à la mort de son prédécesseur.

«En tant qu’ancien ministre des Affaires francophones et ancien député provincial de la circonscription d’Ottawa-Est, Bernard Grandmaître a joué un rôle essentiel dans la reconnaissance et la promotion de la francophonie en Ontario. Il restera à jamais reconnu comme le père de la Loi 8, une législation historique qui a marqué un tournant majeur dans la reconnaissance et la protection des droits linguistiques en Ontario. Son héritage est immense», a-t-elle écrit sur X.

TFO
La ministre Caroline Mulroney. Photo: courtoisie TFO

Son collègue conservateur à Queen’s Park, Stéphane Sarrazin, lui-même député provincial de Glengarry-Prescott-Russell, y est aussi allé de son hommage.

«À l’image de sa communauté, M. Grandmaître a fait preuve de ténacité et de résilience tout au long de son parcours politique, lui qui a piloté l’adoption et la mise sur pied de la Loi sur les services en français. Il y a une partie de ce grand homme derrière les services en français que nous recevons, ici, chez nous.»

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À l’annonce du décès de M. Grandmaître, vers 15 h ce mardi, les réactions avaient afflué.

Une force tranquille

À commencer par Mona Fortier, la députée fédérale d’Ottawa–Vanier–Gloucester.

«C’est un homme qui a tellement donné à la communauté, je suis triste de voir un autre grand qui est parti. C’est une figure emblématique de la communauté francophone. Un ardent défenseur de nos droits francophones. Le fait qu’il avait une voix, une présence continue, et je dis aussi une force tranquille de la francophonie ontarienne.»

Mona Fortier. Photo: archives l-express.ca

«Je l’ai visité récemment pour lui donner un autre mérite — il en avait tellement. Je lui ai remis la médaille du roi Charles III. J’étais avec lui, je lui tenais les mains, et je lui disais que c’est tellement incroyable, tout ce qu’il a accompli», ajoute-t-elle en entrevue avec Le Droit.

«J’ai grandi avec Bernard Grandmaître dans ma vie. Comme élue, j’ai bien regardé comment il a travaillé pour la communauté. Souvent, je me suis demandé ce que Bernard Grandmaître ferait aujourd’hui.»

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Il a changé la donne pour les Franco-Ontariens

Son homologue au provincial, dans la même circonscription, la députée Lucille Collard, abonde dans le même sens.

«C’est une bien triste journée. Bernard Grandmaître était une figure illustre qui a véritablement changé la donne pour les Franco-Ontariens. C’était un homme engagé, ouvert, un Franco-Ontarien de cœur et de conviction jusqu’à la toute fin.»

»J’habite sur la rue Grandmaître, à quelques maisons de celle où il vivait avant d’être transféré en foyer de soins de longue durée.»

«Mes premières levées du drapeau franco-ontarien, je les ai faites à ses côtés, à Vanier, alors que j’étais conseillère scolaire», fait-elle savoir au Droit.

Lever du drapeau franco-ontarien 2023
Lucille Collard (au centre), avec d’autres députés libéraux à l’Assemblée législative de l’Ontario et Fabien Hébert, le président de l’AFO, le 25 septembre 2023. Photo: archives l-express.ca

Ancien PDG de l’Hôpital Montfort de 2010 à 2013, Bernard Leduc est probablement l’un des derniers à avoir rencontré Bernard Grandmaître.

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«J’ai pu le visiter en septembre, où nous avons discuté de toutes ses réalisations, et il était modeste, comme d’habitude. Il était lucide et en paix avec sa maladie. Il avait un souhait: que la jeunesse continue de faire la demande active des services en français», écrit-il sur Facebook.

L’hommage de David Peterson

L’ancien premier ministre ontarien David Peterson a aussi partagé sa tristesse à notre média.

«Il était courtois, aimable et agréable à côtoyer. C’était un politicien expérimenté qui a apporté une contribution concrète aux francophones, notamment en Ontario. Son œuvre restera gravée dans l’histoire comme porte-parole de la francophonie, pour l’unité canadienne et pour la construction de communautés fortes. Il a donc un héritage très fort et puissant.»

David Peterson
David Peterson. Photo: archives l-express.ca 2016

Bernard Grandmaître avait raconté au Droit il y a deux ans, que c’est David Peterson, avant qu’il ne devienne premier ministre ontarien, qui l’avait convaincu de faire le saut en politique provinciale.

«Nous étions très heureux d’accueillir Ben», se souvient l’ex-premier ministre Peterson.

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«Il a apporté beaucoup de forces et une vaste expérience à Queen’s Park. J’essayais toujours de recruter les meilleurs candidats pour venir travailler à Queen’s Park, et Ben était l’un d’eux.»

«Monument de la francophonie»

Au-delà du cercle des actuels élus, les déclarations se sont faites tout aussi nombreuses.

Dans une note écrite, l’actuel commissaire aux services en français au sein du bureau de l’Ombudsman, Carl Bouchard, rappelle que la Loi sur les services en français, votée en 1986, «a donné une place légitime à la langue française en Ontario et permis à la francophonie de notre province de s’épanouir grâce à des services protégés par des obligations linguistiques».

Au téléphone, l’ancien commissaire aux services en français, François Boileau, paraissait, lui, ému. «C’est un monument de la francophonie qui vient de tomber. Je suis très peiné. Tous les un ou deux ans, j’allais lui rendre visite. Il avait toujours de bons mots, de bons conseils. Il restait à l’affût. C’était définitivement quelqu’un.»

François Boileau Ombusdman des contribuables
François Boileau. Photo: archives l-express.ca

Jean-Marc Lalonde, ancien député provincial de Glengarry–Prescott–Russell (1995-2011), se souvient avant tout de Bernard Grandmaître comme «un grand homme» dont l’héritage «se manifeste dans chaque service offert aujourd’hui en français en Ontario.»

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«Je me souviens qu’il était venu à l’Association des municipalités de l’Ontario présenter cette avancée historique lors d’un colloque, afin d’obtenir l’appui du milieu municipal. Il m’avait demandé un jour: “Quels services en français veux-tu voir se concrétiser?” Grâce à son leadership, nous avons obtenu le poste de commissaire aux services en français, ainsi que de nombreuses initiatives structurantes en développement économique pour la francophonie.»

Siéger là où se prennent les décisions

Tout comme Jean-Marc Lalonde, Amanda Simard, qui a aussi représenté la circonscription de Glengarry-Prescott-Russell à Queen’s Park de 2018 à 2022, se souvient d’avoir grandi «en entendant son nom partout».

«Sans même m’en rendre compte à l’époque, j’ai suivi un parcours à la fois municipal et provincial, comme lui, avec la conviction que l’on peut faire une différence en siégeant là où se prennent les décisions.»

«Comme ancienne députée à Queen’s Park, je sais à quel point il est difficile de faire adopter une mesure aussi structurante lorsque l’on siège du côté de la minorité. Je pense beaucoup à tout le travail qu’il a dû accomplir pour mener ce projet à terme.»

Queen's Park
Amanda Simard (à droite) avec la ministre Caroline Mulroney, la lieutenante gouverneure Elizabeth Dowdeswell, le président de l’AFO Carol Jolin, parmi les «arbres» du monument Notre Place à Toronto, Photo: archives l-express.ca 2018

Du côté de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), le président Fabien Hébert met en avant l’héritage de la Loi sur les services en français.

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«M. Grandmaître, c’est grâce à lui si la francophonie est ce qu’elle est aujourd’hui. Il a contribué à la Loi sur les services en français, adoptée en 1986, lorsqu’il était ministre délégué aux Affaires francophones. C’était un grand architecte de notre francophonie.»

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