Les travailleurs étrangers temporaires «ne volent pas les jobs»

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Des travailleurs mexicains ramassent des framboises sur une ferme de l'Île d'Orléans, au Quebec. Photo: iStock.com/PierreDesrosiers
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Publié 29/09/2025 par Inès Lombardo

Selon le Parti conservateur, il faudrait supprimer le Programme des travailleurs étrangers temporaires, car cette main-d’œuvre «vole» des emplois aux Canadiens, notamment aux jeunes. Un point de vue «erroné», selon un employeur du secteur du homard et une organisation syndicale.

Le sujet est revenu dans le débat parlementaire depuis que le Parti conservateur de Pierre Poilievre a annoncé vouloir supprimer le Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET), le 3 septembre dernier.

Dans un communiqué, le parti affirme que ce programme «fait baisser les salaires et prive les jeunes Canadiens d’opportunités».

Pour Nathanaël Richard, directeur général de l’Association des transformateurs de homard des Maritimes, au Nouveau-Brunswick, qui représente 25 entreprises de transformation, Pierre Poilievre surfe sur «le discours ambiant» anti-immigration et le fait que le taux de chômage est monté à 7,1% en août.

Il s’agit du plus haut niveau depuis 2016 hors pandémie, alors que l’économie canadienne a perdu 66 000 emplois, selon Statistique Canada.

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Le taux de chômage a grimpé à 7,1% en aout. C’est le plus fort taux depuis 2016, en dehors de la période exceptionnelle de pandémie. Photo: Statistique Canada 2025

Double discours

«C’est un peu étrange de voir qu’on accuse ces travailleurs de voler les emplois quand ils ont été aussi essentiels pendant la pandémie», remarque la conseillère aux communications à la Confédération des syndicats nationaux (CSN), Julie Lampron-Lemire.

Celle-ci était présente à une conférence de presse pour demander la réforme des visas des travailleurs étrangers au Parlement le 23 septembre. En réponse à une question de Francopresse, elle a affirmé que ces personnes ne volent pas d’emplois; elles pourvoient des postes vacants faute de main-d’œuvre locale.

Le resserrement de l’an dernier pour les visas des travailleurs étrangers temporaires «oblige par exemple des résidences pour aînés à fermer des étages», ajoute Julie Lampron-Lemire.

À ses yeux, avec ce genre de décision, le gouvernement canadien ignore «les besoins réels du Canada et les compétences de ces employés», et «fragilise des secteurs déjà en pénurie».

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Pendant une campagne commune, des intervenants comme Julie Lampron-Lemire, de la CSN, ont appelé le gouvernement à réformer le système pour les travailleurs étrangers bénéficient des mêmes droits que les Canadiens. Photo: Inès Lombardo,  Francopresse

«Potentiel de fermeture»

Nathanaël Richard, de son côté, n’est pas «surpris» par l’annonce conservatrice, mais il reste «très inquiet».

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«On est en sous-capacité chronique de main-d’œuvre, malgré tous les efforts que les usines de transformation déploient pour embaucher plus de Canadiens.»

«En très grande partie, les Canadiens déconsidèrent ce genre de travail» et choisissent de ne pas occuper des postes qui demandent un travail manuel, poursuit-il.

Le directeur affirme aussi que le vieillissement de la population canadienne fait qu’il «n’y a pas de remplacement pour beaucoup de nos travailleurs».

«Mais il est clair qu’il y a des milliers de travailleurs internationaux qui viennent épauler nos travailleurs canadiens», nuance-t-il. «Je ne pense pas que c’est exagéré de parler de potentielles fermetures d’usines dans un scénario où on n’aurait plus accès à ces travailleurs. Certainement, on verrait une capacité de transformation qui s’effondrerait.»

Pénurie de travailleurs

Le Nouveau-Brunswick a eu un aperçu d’un scénario où le nombre de travailleurs étrangers était limité lorsque l’ancien premier ministre de la province, Blaine Higgs, a interdit aux entreprises de recruter des travailleurs de l’étranger, pendant la pandémie en 2020.

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Nathanaël Richard. Photo: Daniel St-Louis

Il affirme que d’après le raisonnement du gouvernement Higgs, les Néo-Brunswickois allaient remplacer les travailleurs étrangers temporaires à leur poste.

«Ça a été un désastre, témoigne Nathanaël Richard. Cette année-là, toutes les usines du Nouveau-Brunswick étaient à court de travailleurs. La capacité de production avait diminué, selon l’usine, entre 30 et 50%. Ça a été extrêmement difficile.»

Infractions aux droits de la personne

En marge de la conférence de presse du 23 septembre, un intervenant pour les droits des migrants a expliqué à Francopresse, que, lorsqu’une personne est poussée par la pauvreté, elle «n’a parfois pas le choix d’immigrer et de travailler ailleurs».

Sa perception et celle de ses collègues présents à la conférence de presse, c’est que l’objectif des entreprises reste d’abord de se faire du profit sur le dos des immigrants dans des conditions indignes et inhumaines.

Garder le programme oui, mais pas tel quel, défendent d’une même voix plusieurs organisations, dont Amnistie internationale Canada, cette semaine au Parlement. Elles réclament un statut de travail semblable à celui des Canadiens et Canadiennes, «dans des conditions dignes».

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Les permis de travail qui lient actuellement des travailleurs étrangers à des employeurs peuvent mener à des abus voire à des violations des droits de la personne. Les médias ont rapporté des cas d’employeurs qui ont maltraité des travailleurs étrangers, qui les ont logés dans des conditions inhumaines ou qui les ont exploités en les payant insuffisamment.

La raison d’être du permis fermé

Quant à la possibilité d’accorder aux travailleurs de l’étranger le droit de changer d’emploi, Nathanaël Richard rappelle que ce permis temporaire fermé, qui lie les travailleurs à l’employeur, a été créé pour des emplois saisonniers, ce qui est la nature même de son industrie.

De fait, selon lui, ces personnes préfèrent souvent avoir un permis de travail fermé pour venir travailler une saison et rentrer chez elles.

Avec un processus «lourd d’un point de vue administratif», qui débute six mois avant la saison, le directeur estime que les permis de travail ouverts comportent le risque que les personnes recrutées laissent tomber leur employeur à la dernière minute en arrivant sur le territoire canadien.

Selon lui, les discours des organisations qui militent pour des permis ne liant pas les travailleurs étrangers à des employeurs précis sont «déconnectés de la réalité».

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Préparation du homard fraîchement pêché au Nouveau-Brunswick. Photo: iStock.com/docksnflipflops

«Fort taux de rétention»

Nathanaël Richard affirme qu’il y a un fort «taux de rétention» des travailleurs étrangers dans les usines qu’ils représentent.

«Beaucoup de ces travailleurs recrutent des amis, des membres de leur famille, demeurent avec le même employeur d’année en année. Donc, si les conditions de travail étaient aussi mauvaises que certains critiques laissent entendre, pensez-vous vraiment que ces travailleurs feraient ce choix?»

Si Nathanaël Richard appelle à «beaucoup plus de nuances», il concède toutefois qu’il «peut y avoir de mauvais employeurs».

«Là-dessus, il faut être absolument intraitable : s’il y a des employeurs qui ne se conforment pas au règlement, ils ne devraient pas participer au programme, ils devraient en être exclus. On a vu quelques exemples de ça dans notre secteur et dans d’autres.»

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