Bandes dessinées en français: l’envers des bulles

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Capitaine Acadie, créé par Dany et Daniel Bouffard, est un superhéros acadien dont les lecteurs peuvent suivre les aventures depuis 2019. Photo: courtoisie
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Publié 14/08/2025 par Marine Ernoult

Faire de la BD en français en situation minoritaire est loin d’être une partie de plaisir. Les maisons d’édition manquent de temps et d’argent pour soutenir les auteurs de bandes dessinées, qui peinent à trouver leur public. Malgré tout, des bédéistes émergent et des superhéros franco-ontariens et acadiens voient le jour.

«Le plus gros défi, c’est les ventes, c’est vraiment très dur de rejoindre le public, les jeunes en particulier», confie l’illustrateur de bande dessinée, Martin Deschatelets, également dessinateur pour des studios d’animation et des créateurs de jeux vidéos.

Entre 2018 et 2023, le Franco-Ontarien a publié avec Kevin Montpellier deux tomes de la série L’Ordre de Jacques-Cartier, commandée par le Réseau du patrimoine franco-ontarien.

«J’aime ça raconter une histoire en images, jouer avec les différentes couleurs, les éclairages, les ombres, ça donne beaucoup de vie, ça transmet les émotions avec beaucoup de subtilités», partage Martin Deschatelets.

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«Il n’y a pas de maison d’édition en Ontario pour publier de la BD en français, et le marché québécois est très fermé», déplore le bédéiste Martin Deschatelets. Photo: courtoisie

Des «petites parutions à droite, à gauche»

Entre l’écriture du script, la création des dessins, la scénarisation des pages, la commercialisation de la bande dessinée, «ça demande énormément de travail», souligne Martin Deschatelets.

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«On doit faire la promotion nous-mêmes, on va voir les magasins pour leur proposer. Ce n’est pas possible d’en vivre. Les deux premières semaines après la sortie, ça se vend bien et après plus rien», poursuit-il.

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«Créer une BD prend beaucoup de temps et l’impression en couleurs coûte très cher», explique Paul Roux. Photo: courtoisie

Paul Roux, bédéiste et chargé de cours à l’Université du Québec en Outaouais, confirme les difficultés de la bande dessinée franco-canadienne à se faire une place sur la scène littéraire nationale.

Selon lui, malgré la volonté de plusieurs maisons d’édition francophones en situation minoritaire de développer le neuvième art, les éditeurs «n’ont pas le temps d’investir dans des créateurs» et encore moins «les moyens financiers de les soutenir».

«Aujourd’hui, les éditeurs veulent des séries courtes pour passer à autre chose alors qu’avant on suivait l’aventure des personnages sur le long terme», ajoute-t-il.

L’auteur de L’égout du risque, roman jeunesse illustré et republié aux éditions du Pacifique Nord-Ouest, évoque quelques tentatives dans la francophonie minoritaire, «des petites parutions à droite, à gauche», très peu de «publication soutenue».

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Paul Roux a écrit et illustré L’Égout du risque, l’histoire d’un garçon qui aime ce qui empeste et rêve de visiter les égouts de la ville. Photo: courtoisie

Défi de «tenir dans la durée»

«Une BD coûte très cher, car c’est très long à faire, c’est minimum un an de travail pour les illustrations et plusieurs mois pour écrire le script, observe Paul Roux. Les avances aux auteurs ne suffisent pas et il n’y a pas suffisamment de bourses.»

Dans ce contexte, les jeunes auteurs ont du mal à émerger et, surtout, à «tenir dans la durée», estime celui qui illustre aussi la série de romans jeunesse Les Trois Mousquetaires, publiés par Bouton d’Or Acadie.

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Parmi les sources d’inspiration de l’auteure Camille Perron-Cormier figure le bédéiste Dano LeBlanc, créateur du premier superhéros acadien, Acadieman. Photo: courtoisie

La maison d’édition du Nouveau-Brunswick publie également les bandes dessinées de l’Acadienne Camille Perron-Cormier.

«En tant que bédéiste francophone, on est assez isolé. Alors l’une des choses les plus précieuses, c’est d’avoir le soutien d’une maison d’édition. Ça nous aide dans le processus de création et d’écriture, ça permet de se faire connaître», affirme l’auteure de la série pour enfants Crapaud et Romarin, une quête identitaire inspirée de l’univers des sorcières.

L’illustratrice indépendante a mis trois ans à réaliser chacun des deux tomes de sa série. «Il faut travailler son univers, ses personnages pour construire un scénario solide, prendre du temps pour les dessins au crayon, la coloration, la révision à l’ordinateur.»

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Camille Perron-Cormier a publié les deux premiers tomes de la série Crapaud et Romarin: SOS Sorcières et Maude et le spectre. Elle espère publier le prochain épisode de la série au début de 2026. Photo: courtoisie

Démystifier le travail de bédéistes

Les frères jumeaux Daniel et Dany Bouffard ont, eux, imaginé les aventures de Capitaine Acadie. En 2019, ils ont créé leur propre maison d’édition, Bedecomics. Depuis, ils ont sorti huit albums du superhéros aux dizaines de super pouvoirs acadiens.

Ils ont vendu en moyenne 3000 exemplaires de chaque album. Un nouvel épisode, qui se déroule à l’Île-du-Prince-Édouard, sera lancé en décembre prochain.

«On veut partager notre passion pour les superhéros et notre identité acadienne. On adapte les scénarios à chaque région», explique Dany Bouffard, fils d’une famille acadienne et né aux Îles-de-la-Madeleine, au Québec.

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Les frères Dany et Daniel Bouffard ont inventé le superhéros Capitaine Acadie en 2019. Photo: courtoisie

Quel que soit leur parcours, tous les auteurs veulent démystifier leur travail et transmettre leur passion aux jeunes générations.

Camille Perron-Cormier donne des ateliers scolaires, Paul Roux participe à des tournées scolaires et à des salons du livre aux quatre coins du pays. Il crée par ailleurs des webzines pour le Centre franco-ontarien de ressources pédagogiques.

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Les frères Bouffard font appel aux enfants et aux adolescents dans leurs projets grâce à des concours de dessins qui permettent de choisir des œuvres gagnantes et de les publier dans les albums de Capitaine Acadie.

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Martin Deschatelets et Kevin Montpellier ont créé le superhéros sudburois Big Nick, dont les aventures sont publiées par la maison d’édition qu’ils ont fondée ensemble: Expired Comics. Les trois albums de la série se sont vendus à 1000 exemplaires. Photo: courtoisie

Martin Deschatelets conçoit lui aussi des bandes dessinées pédagogiques pour les conseils scolaires, mais depuis deux ans les demandes se raréfient.

«C’est triste et frustrant, car tout le monde a sauté sur l’intelligence artificielle, beaucoup de monde préfère payer zéro plutôt que de payer un artiste. La quantité prime sur la qualité», regrette-t-il.

Le Franco-Ontarien espère tout de même terminer et publier les derniers tomes de L’Ordre de Jacques-Cartier et de Big Nick, le superhéros de Sudbury qu’il a créé avec Kevin Montpellier.

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