Entrepreneuriat des jeunes: «le bilinguisme est un atout incontestable»

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La Franco-Ontarienne Mira Barrette participe au programme C’est moi l’boss! du Conseil scolaire du Grand Nord. Grâce au programme, la jeune fille a pu développer son entreprise de création de bijoux en perle. Photo: Julien Cayouette, Francopresse
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Publié 12/07/2025 par Marine Ernoult

Les jeunes entrepreneurs contribuent à la vitalité du français et de l’économie des communautés francophones en situation minoritaire. De plus en plus d’organismes les aident à sortir de leur isolement et à accéder à du financement. Les écoles s’investissent également pour donner le goût de l’entrepreneuriat à leurs élèves.

«Les jeunes entrepreneurs francophones sont une richesse. Ils font du bien à leur communauté en contribuant positivement à l’économie et à la vitalité de la langue», affirme la conseillère en développement durable pour le Conseil de développement économique de la Nouvelle-Écosse (CDÉNÉ), Réanne Cooper.

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Mégane Visette. Photo: courtoisie

L’Acadienne parle également des «valeurs différentes» des nouvelles générations, davantage soucieuses des enjeux sociaux et environnementaux: «Il y a de plus en plus une conscience durable dans les idées d’entreprises qui émergent.»

«Les jeunes entrepreneurs mettent de l’avant leurs valeurs tout en assurant la vitalité économique de leurs communautés, souvent rurales et éloignées, moins bien desservies que les grands centres urbains», abonde dans le même sens la gestionnaire bilingue chez Futurpreneur, Mégane Visette.

Depuis 1996, Futurpreneur a aidé plus de 20 000 entrepreneurs et entrepreneuses de 18 à 39 ans à lancer quelque 15 600 projets aux quatre coins du pays.

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L’organisme bilingue à but non lucratif offre un accompagnement personnalisé et du mentorat durant les deux premières années de vie des organisations. Il propose par ailleurs des prêts sans garantie allant jusqu’à 75 000 dollars, étalés sur cinq ans maximum.

«Rester à l’écoute de ma communauté, de sa réalité»

En Nouvelle-Écosse, Réanne Cooper a elle-même créé une compagnie d’impression en sérigraphie sur des chandails lorsqu’elle était encore étudiante au baccalauréat. Elle a consacré quatre ans de sa vie à cette «entreprise sociale» dont elle a réinvesti les revenus dans des initiatives d’énergie renouvelable au Cameroun.

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Réanne Cooper. Photo: courtoisie

À cette époque, le CDÉNÉ l’a aidée dans ses démarches et orientée parmi les ressources existantes. Sa mère, artisane à son compte, a également joué un rôle de mentor.

L’été dernier, à l’occasion du Congrès mondial acadien, la trentenaire a ouvert une nouvelle petite boutique artisanale saisonnière à Comeauville dans la baie Sainte-Marie, en Nouvelle-Écosse.

«Ces expériences m’ont appris à rester à l’écoute de ma communauté, de sa réalité, à bien identifier ses besoins pour y répondre le mieux possible», explique-t-elle.

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Avec le soutien de plusieurs mentors, dont Futurpreneur, Justin Morrow a lui aussi fondé en 2021 l’organisme à but non lucratif Jeunesse canadienne pour le français pour répondre aux besoins des personnes anglophones qui parlent français et qui sont aux études postsecondaires.

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Justin Morrow. Photo: courtoisie

«Il n’y avait rien qui correspondait à leur réalité. J’ai vu un gap dans le système et depuis je fais tout ce que je peux pour faire avancer le français dans les universités et les collèges au Canada anglais», partage celui qui a appris le français à l’âge de 23 ans.

Grâce à des fonds du ministère fédéral du Patrimoine canadien, Jeunesse canadienne pour le français organise des clubs de français dans les universités, des soirées jeux et films, des comités de discussion virtuels autour de sujets de société.

Le défi du financement

Selon Réanne Cooper, de plus en plus d’organismes, comme le Réseau de développement économique et d’employabilité (RDÉE Canada), appuient les jeunes entrepreneurs francophones: «Plus qu’on imagine. Mais il faut s’assurer que les jeunes savent que ça existe, les inclure davantage dans le réseautage.»

À cet égard, Mégane Visette estime que les jeunes entrepreneurs francophones en situation minoritaire souffrent d’un plus grand «isolement» que leurs pairs québécois ou anglophones.

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Maryse Gingras. Photo: courtoisie

«Ils ont tendance à ne pas s’identifier comme francophones, alors que le bilinguisme est un atout incontestable», ajoute la vice-présidente, communautés entrepreneuriales, de Futurpreneur, Maryse Gingras.

Réanne Cooper fait part de son côté des difficultés de financement des francophones, «de plus en plus ressenties dans le contexte économique actuel, surtout s’ils ont besoin d’un gros montant de fonds à l’avance.»

«Quand on lance son bizness, il y a toujours des défis, mais ce sont plus des leçons qui permettent de s’améliorer. En revanche, débloquer des financements reste le plus grand problème», confirme Justin Morrow, qui travaille bénévolement pour Jeunesse canadienne pour le français.

Titulaire d’un baccalauréat en administration des affaires, il a essayé sans succès de concevoir un modèle d’affaires qui ne dépend pas des subventions gouvernementales. «Il faut en permanence convaincre les gens que c’est un investissement positif et pas une dépense. Il y a beaucoup de préjugés.»

«Créer des ponts et forger une identité commune»

Pour inverser la tendance, Futurpreneur commence un tout nouveau programme d’accélérateur de croissance réservé aux entrepreneurs francophones, acadiens et québécois grâce à un financement du ministère de la Langue française du Québec.

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«On a constaté qu’il y avait un manque après deux ou trois ans de lancement, que les jeunes avaient besoin d’aide pour passer à la prochaine étape», observe Maryse Gingras.

«C’est aussi l’idée de créer des ponts et de forger une identité commune, d’avoir une communauté de fiers ambassadeurs francophones, poursuit Mégane Visette. On veut partager des histoires à succès et montrer que c’est légitime de grandir son entreprise en français.»

À partir d’août, quinze jeunes entrepreneurs suivront pendant six semaines des ateliers et des séminaires en ligne sur le financement, le marketing, la communication ou encore la santé mentale.

En octobre, ces jeunes se retrouveront tous à Montréal pour deux jours de rencontres et d’échanges. Les chefs d’entreprise en devenir participeront enfin à un concours où chaque personne devra présenter son plan de croissance. Les lauréats et lauréates recevront des prix en argent.

Cours d’entrepreneuriat à l’école

En Ontario, le Conseil scolaire du Grand Nord veut, lui, développer le goût pour l’entrepreneuriat le plus tôt possible. Grâce à un financement du ministère ontarien de l’Éducation, le conseil scolaire a lancé le programme C’est moi l’boss! il y a trois ans.

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Les élèves de la 7e à la 12e année qui le désirent peuvent participer à une quinzaine d’ateliers par an consacrés à la gestion financière, à l’élaboration d’un plan d’affaires, au service à la clientèle, au marketing ou encore à la vente.

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Luce Lepage. Photo: journal Le Voyageur

Ces élèves bénéficient du soutien de mentors et peuvent obtenir un financement afin de démarrer leur projet, que ce soit le pelletage de la neige, la tonte du gazon, la fabrication de produits de beauté, de bijoux, de vêtements ou le nettoyage de véhicules.

«Ils acquièrent de nombreuses compétences super importantes qui peuvent s’appliquer à leur vie de tous les jours, dans le monde du travail, même s’ils ne poursuivent pas d’études dans le bizness», souligne la conseillère pédagogique, responsable du projet, Luce Lepage.

Près de 30 adolescents et adolescentes ont pris part au programme cette année, contre douze lors de la première édition. Parmi eux figure Mira Barrette, 14 ans. La jeune fille fabrique des bijoux en perles qu’elle vend sur des foires et des marchés.

«C’est moi l’boss! m’a vraiment aidée pour créer mon site internet, ma carte d’affaires, mon logo. J’ai eu aussi de l’argent pour acheter plus de billes, raconte-t-elle. Ça m’a donné envie d’agrandir mon bizness.»

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