Jean-Pierre-Charland: autopsie d’un crime de col blanc

Jean-Pierre Charland, Le bien d’autrui tu ne prendras
Jean-Pierre Charland, Le bien d’autrui tu ne prendras, roman, Montréal, Éditions Hurtubise, 2025, 416 pages, 27,95 $.
Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 04/06/2025 par Paul-François Sylvestre

Encouragé par plus d’un million de lecteurs au Canada et en Europe, Jean-Pierre-Charland puise de nouveau dans les Commandements de Dieu pour nous offrir Le bien d’autrui tu ne prendras, sixième enquête d’Eugène Dolan, inspecteur de police à Montréal en 1912.

Ce roman historique s’ajoute à Père et mère tu honoreras (2016), Un seul Dieu tu adoreras (2018), Impudique point ne seras (2019), Homicide point ne seras (2022) et L’œuvre de chair ne désireras (2023).

La justice avance lentement

L’inspecteur Dolan doit enquêter sur deux crimes, l’un impliquant un homme disparu et l’autre, plus compliqué, portant sur un détournement de fonds. Le romancier nous conduit dans les bas-fonds de la ville, d’une part, et dans le monde des affaires, des banquiers et d’autres gros bonnets pour qui la discrétion est une vertu cardinale, d’autre part.

Dans un cas comme dans l’autre, la justice avance prudemment, donc lentement, ce qui autorise Charland à noircir facilement 400 pages. Il nous montre Dolan qui, pour fouiller l’âme d’un suspect, a tantôt recours à une voix onctueuse, tantôt à une voix d’inquisiteur. Afin d’obtenir des informations essentielles, l’inspecteur n’hésite pas à interroger des mauvais garçons.

Anglos-Francos

L’enquête principale porte sur Henri Lamoureux, comptable à la Banque d’Hochelaga. Il est poursuivi pour fraude, pour avoir rédigé de faux chèques d’un gros montant, puis de les avoir encaissés dans une autre banque en se présentant sous une identité d’emprunt.

Publicité

Le romancier écrit: «Se faire voler par les Anglais, ça, tout le monde s’y attend. Mais par d’autres Canadiens français, c’est vécu comme une trahison.» Les relations entre francophones et anglophones sont subtilement auscultées dans Le bien d’autrui tu ne prendras.

Autre dichotomie: un fils de bonne famille peut purger trois ans dans la très moderne prison de Bordeaux après avoir volé 35 000 $; un autre, né dans un logement d’arrière-cour, peut y croupir pendant dix ans pour en avoir subtilisé 50 $.

La messe incontournable

Dans le Québec des années 1910, la messe est une obligation incontournable chaque dimanche matin. Henri Lamoureux sait que se soustraire à «ces simagrées ridicules» entraînerait «sa mise au ban de la société».

Quelques chapitres nous conduisent chez le bijoutier Birks. Ceci permet à l’auteur d’écrire que ces «maudits Anglais arrivaient sans trop se forcer à donner des complexes d’infériorité à n’importe quel Canadien français».

Dans ce roman, certains personnages portent des prénoms aujourd’hui fort inusités comme Achille, Perpétus, Rédempteur, Pacifique, Zéphire et Gabélius. On passe d’une vieille masure dans une ruelle plutôt infecte à un logis sale et délabré pour découvrir que «certains milieux ne peuvent produire autre chose que des criminels».

Publicité

Le Montréal de 1912

Il y a une référence à Ottawa, ville décrit comme un endroit où on meurt d’ennui à moins de se passionner pour la politique. Charland mentionne la nouvelle gare Union (1911), le poste de police de la rue Elgin et le marché By. En face, à Hull, il y l’usine de la E. B. Eddy.

À travers les yeux d’Eugène Dolan, inspecteur perspicace qui enquête sur un crime de col blanc, nous découvrons le Montréal tour à tour prolétaire, bourgeois, familier ou insolite de 1912.

Auteurs

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

  • l-express.ca

    l-express.ca est votre destination francophone pour profiter au maximum de Toronto.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur