Les promesses électorales: combien tout cela va-t-il coûter?

promesses, Jagmeet Singh (NPD), Mark Carney (Libéral), Pierre Poilievre (Conservateur).
Jagmeet Singh (NPD), Mark Carney (Libéral), Pierre Poilievre (Conservateur).
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Publié 09/04/2025 par Geneviève Tellier

La présente campagne électorale est exceptionnelle à plus d’un titre. Les prédictions actuelles des sondages vont à l’encontre de celles d’il y a à peine quelques mois. Une partie des sujets sont dictés par ce qui se passe aux États-Unis. Les divers partis politiques semblent faire des promesses aveuglément.

Le Parti libéral du Canada, qui se dirigeait tout droit vers une cuisante défaite, a fait une remontée spectaculaire dans les intentions de vote en un temps record. Ce retournement de situation s’explique par un ensemble de facteurs: un nouveau chef, un nouvel enjeu de campagne et des leaders d’autres partis qui sous-performent.

Un autre élément exceptionnel dans cette campagne électorale est la prodigalité manifestée par tous les partis. Le message que l’on entend depuis le premier jour de la campagne est le suivant: le Canada fait face à une crise existentielle qui ne pourra se résoudre que si on dépense. Que si on dépense beaucoup, devrait-on préciser.

Aucune idée

Combien? C’est peut-être la question à 100 milliards $…

Car on n’a aucune idée du coût de l’ensemble des promesses faites jusqu’à maintenant par chacun des partis.

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Certes, certaines estimations ont été présentées. Mais c’est plus l’exception que la règle.

Par exemple, les Libéraux promettent de créer un programme d’aide à l’industrie automobile qui sera doté d’une enveloppe de 2 milliards $.

Les Conservateurs s’engagent à mettre en place un programme de prêts pour les entreprises frappées par les tarifs douaniers américains d’une valeur de 3 milliards $.

Les Néo-Démocrates proposent d’offrir des subventions et des prêts à faibles taux d’intérêt pour encourager la rénovation énergétique résidentielle à hauteur de 1,8 milliard $ par année pendant 10 ans.

Sur les 41 engagements faits par les trois principaux partis qui ont été recensés par le Toronto Star à ce jour, il y en a seulement 9 pour lesquels les partis ont jugé bon de fournir eux-mêmes une estimation de coûts: 5 par le Parti libéral, 2 par le Parti conservateur et 2 par le Nouveau Parti démocratique.

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Pourtant, les promesses faites jusqu’à présent vont coûter cher: réductions d’impôt, programmes d’aide aux entreprises, projets d’infrastructure, etc. On parle de dizaines de milliards de dollars pour chacun des partis.

Sans compter la perte de revenus qui risque de se produire si une récession se produit. Ce qui semble de plus en plus probable.

Une élection différente

Ce peu d’informations tranche avec les élections passées.

En 2021, chacun des trois principaux partis avait présenté une plateforme chiffrée détaillée. Le coût de toutes les promesses était présenté.

Ainsi, on savait que la valeur totale des promesses libérales s’élevait en moyenne à 16 milliards $ par année pour les cinq prochaines années, celle des conservateurs à 10 milliards $ et celles des néo-démocrates à 43 milliards $.

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La même chose s’était produite à l’élection de 2019. Tous les partis avaient présenté une plateforme présentant l’ensemble de leurs promesses accompagnées d’un cadre financier détaillé.

À vrai dire, il semblait désormais acquis que le dévoilement de cadres financiers était devenu incontournable en campagne électorale.

Il y a de bonnes raisons pour cela. En chiffrant chacune de leurs promesses, les partis politiques peuvent ainsi convaincre les électeurs qu’ils ont un plan réfléchi et réaliste. Ils montrent aussi qu’ils ont bien fait leurs devoirs et qu’ils acceptent de se soumettre à la critique. On pourra examiner, commenter, critiquer leurs propositions.

Bref, les partis qui présentent un cadre financier font preuve à la fois de sérieux et de transparence.

De nouvelles règles depuis 2017

Les parlementaires ont même voulu aider les partis politiques à entreprendre cet exercice en leur offrant des ressources supplémentaires.

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En 2017, la Loi sur le Parlement a été modifiée afin de permettre au directeur parlementaire du budget d’évaluer les promesses électorales. Tout parti qui le voulait pouvait lui demander d’entreprendre une évaluation indépendante du coût financier de ses promesses.

Chaque parti était libre de choisir quelles promesses il voulait soumettre à l’analyse du directeur parlementaire du budget et quelles promesses chiffrées il voulait rendre publiques.

L’élection générale de 2019 a été la première à se tenir avec ces nouvelles dispositions. Ce fut un succès. Le directeur parlementaire avait publié sur son site Web le coût de 115 promesses électorales.

En 2021, le nombre de promesses évaluées par le directeur parlementaire avait été plus faible, soit 72. Il faut dire que l’élection avait été déclenchée deux ans avant la date prévue par la loi. Les partis politiques n’ont peut-être pas pu se préparer adéquatement pour élaborer un ensemble de propositions.

Cette fois-ci, en 2025, la situation est complètement différente. Aucune estimation n’a encore été publiée par le directeur parlementaire du budget. C’est comme s’il n’existait plus.

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Par ailleurs, seul le Bloc québécois a présenté une plateforme jusqu’à maintenant. Nous sommes pourtant dans la troisième semaine de campagne. Il commence à se faire tard.

Y aura-t-il des plateformes chiffrées?

En fait, il ne serait même pas surprenant que les autres partis dévoilent leur plateforme et leur cadre financier pendant la dernière semaine de campagne seulement, soit après les débats des chefs. Certains partis pourraient même décider tout simplement de ne pas présenter de cadre financier.

Est-ce un point de vue trop cynique? Peut-être pas, puisque c’est exactement ce qui s’est produit il y a quelques semaines en Ontario lors de l’élection provinciale.

Les partis ontariens ont promis des milliards de dollars supplémentaires en raison de la crise commerciale qui se dessinait avec les Américains, mais n’ont pas jugé nécessaire de fournir des données financières détaillées (à l’exception du Parti vert).

Le déficit mystère

Le directeur parlementaire du budget a quand même profité de la campagne électorale pour mettre à jour les perspectives financières du gouvernement fédéral. Il estime que le déficit pourrait atteindre entre 42 et 47 milliards $ cette année, sans tenir compte du coût des promesses électorales.

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En incluant ces dernières, nous dirigeons-nous plutôt vers un déficit de 60 milliards? 80 milliards? 100 milliards?

Ces chiffres ne sont pas si farfelus. Rappelons que le déficit avait été de 140 milliards $ en 2021 en raison d’une autre crise: celle de la COVID-19.

C’est peut-être celle-là, la question à 100 milliards $…

Auteurs

  • Geneviève Tellier

    Professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. Ses recherches portent sur les politiques budgétaires des gouvernements canadiens. Elle commente régulièrement l’actualité politique et les enjeux liés à la francophonie dans les médias.

  • Francopresse

    Le média d’information numérique au service de la francophonie canadienne, qui travaille de concert avec les journaux membres de Réseau.Presse.

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