Les jeunes ont la piqûre de la radio web

Les radios étudiantes des années 1980, 1990 sont maintenant chose du passé. Aujourd’hui, dans les écoles, on se tourne vers l’interphone ou YouTube. Le conseil scolaire Viamonde, pour sa part, a décidé de lancer une radio web à diffusion continue. À l’occasion de la Journée mondiale de la radio, soulignée le 13 février, L’Express s’est intéressé aux liens entre la radio et la jeunesse.

«On s’est rendu compte que les écoles avaient l’habitude de diffuser de la musique en français à différents moments de la journée», explique le directeur des communications de Viamonde, Steve Lapierre.

Cependant, elles étaient laissées à elles-mêmes pour la recherche musicale, notamment pour trouver des chansons appropriées pour les différents groupes d’âge.

Ce besoin a fait vibrer une corde chez Steve Lapierre, qui a commencé sa carrière à la radio. «On s’est dit que la technologie est là pour offrir un service à toutes les écoles.» Radio Viamonde a ainsi été lancée en septembre 2023.

Depuis, la radio est alimentée par un catalogue de plus de 1000 titres en rotation, variés dans le style et la provenance. «Il y a du Franco-Ontarien, il y a du Québécois, il y a du Français, il y a du Belge, d’autres pays de la francophonie.» Il cite Karim Ouellet, Marie-Mai, 2 Frères, Corneille, Charlotte Cardin, Maheva, Rori, Koriass, Louane, Radio Radio, Hopiho…

Des identifiants et des capsules promotionnelles lui donnent un air de radio plus que de liste de lecture.

Selon Viamonde, c’est la toute première webradio initiée par un conseil scolaire francophone au Canada. Depuis, d’autres sont nées: l’une en Saskatchewan, une autre en Nouvelle-Écosse.

Une radio décloisonnée

Lorsque Steve Lapierre était au secondaire, il y avait une radio intramurale, active pendant la pause du midi. «Le lundi c’était country, le mardi c’était heavy métal… Il y avait de tout. On prenait des CD et on les faisait jouer.»

Généralement, au fil du temps, ces radios étudiantes se sont butées à divers obstacles: besoin de surveiller les contenus, dérangement suscité par la diffusion dans les espaces communs et goûts musicaux bigarrés de l’auditoire.

Le directeur général de la radio communautaire CHOQ FM à Toronto, Guillaume Lorin, a observé que les initiatives scolaires se décloisonnent. Il a entendu des balados, «ou simplement des annonces sur les intercoms, réalisés par les jeunes.»

C’est une pratique qui s’observe dans bien des écoles.

Radio Charbo

Chaque matin, à l’école secondaire catholique Monseigneur-de-Charbonnel, dans le Nord de Toronto, deux élèves font jouer une chanson de langue française, l’hymne national, récitent la prière, assurent la reconnaissance des territoires avant de procéder aux annonces internes, décrit le directeur de l’école, Eddy Wambo.

Il y a deux ans, cette pratique s’est structurée autour du club Radio Charbo. «Pour démocratiser la chose», ajoute le directeur. Une trentaine d’élèves de la 7e à la 12e année y prennent part.

«Ce qui nous réjouit, c’est qu’on a des élèves qui, en d’autres circonstances, ne parleraient peut-être pas dans l’école», avance Eddy Wambo. Des élèves qui ont des besoins spéciaux, par exemple.

«Il peut y avoir un peu de gêne à s’exprimer, à défendre ses idées. La radio est un peu un exutoire pour eux, témoigne-t-il. C’est une fierté pour eux de savoir que, dans une école, ils peuvent avoir une tribune.»

Un médium qui fascine

Si la radio a changé, l’intérêt pour le micro demeure, estime Guillaume Lorin, directeur général de CHOQ FM, la radio communautaire de langue française de Toronto. «Les jeunes sont intéressés, fascinés par les équipements radio et les studios, et la possibilité de prendre la parole en ondes. C’est quelque chose de très précieux et qui continue d’être valorisé. »

Chaque année, la radio CHOQ-FM reçoit quelques élèves des programmes d’éducation coopérative offerts aux élèves de 11^e et 12^e années, partage Guillaume Lorin. «Les jeunes que l’on reçoit sont souvent très intéressés par la création de contenus d’une manière générale. Beaucoup de jeunes se voient futurs youtubeurs.»

Des ateliers d’initiation au journalisme radio et de formation technique au montage audiovisuel «que ce soit pour Instagram, TikTok, les choses comme ça», sont proposés dans les écoles par la radio communautaire.

«Si tu vas chercher leur intérêt, ils se développent, renchérit Marie-Gaëtane Caissie, directrice générale du Mouvement des intervenants et des intervenantes en Communication radio de l’Ontario (MICRO), un organisme qui regroupe cinq radios communautaires de langue française de la province — les radios du MICRO offrent aussi des formations en milieu scolaire.

«Il y a des jeunes qui deviennent bénévoles dans les radios parce qu’ils ont eu la piqûre.»

Les jeunes prennent la parole

Steve Lapierre convient que les annonces du matin ont leur place. «Ça permet aux jeunes aussi de parler dans un micro, et tout», souligne Steve Lapierre

Il souhaite que cet intérêt déborde sur Radio Viamonde. Des contenus parlés en provenance du Conseil scolaire Viamonde ou de partenaires communautaires se sont déjà ajoutés à la programmation de la radio, il souhaite que les élèves prennent la parole à leur tour et produisent des émissions — une recette qui connaît son lot de défis, en matière de coordination.

Surtout, il espère que cet amour de la radio se dissémine, avec Radio Viamonde, par la musique, comme par les contenus mettant de l’avant la voix de la relève.