Monia Mazigh écrit pour humaniser l’Autre

Monia Mazigh, Histoires de racines
Monia Mazigh, Histoires de racines, abécédaire, Ottawa, Éditions David, 2024, 192 pages, 19,85$.
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Publié 12/10/2024 par Paul-François Sylvestre

Les abécédaires s’adressent le plus souvent à un très jeune public. Dans Histoires de racines, Monia Mazigh utilise cette formule pour explorer diverses expériences humaines et pour réfléchir au gré de son inspiration.

Née en Tunisie, Monia Mazigh a appris le français à l’âge de quatre ans. C’est une langue avec laquelle l’autrice a grandi. «La langue de mes chansons préférées, la langue de mes histoires préférées, mais aussi une langue […] qui me rappelle constamment mon altérité.»

Pour chaque lettre de l’alphabet, l’autrice choisit un mot et le présente d’abord tel qu’il figure dans une citation littéraire. Dans M pour mort, elle cite Les cartes du temps, de José Cabanis. «Pourquoi dire que la mort viendra comme un voleur? Tout nous y prépare.»

Doux en dedans…

Il arrive parfois que la lettre renvoie à deux mots: E pour éternel ou éphémère; T pour tête ou tombeau. Les textes sont très courts, entre deux et cinq pages. Chaque lettre de l’alphabet génère une histoire où «l’autre» n’est autre que nous-mêmes.

Dans C pour cercle, on voit Mazigh traverser l’Atlantique par les cieux (autre C). Vue du ciel, sa nouvelle ville paraît bien ordonnée. «Des blocs d’immeubles quadrillés à l’horizontale et à la verticale par des rues et des boulevards. Rien à voir avec les cercles concentriques et les labyrinthes de ma ville natale.»

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Dans F pour figue de barbarie, elle cite un proverbe berbère. «L’homme est comme une figue de barbarie, doux en dedans et plein d’épines en dehors.» Suit un texte où on apprend que tout le monde traite la jeune Monia d’être toujours sensible.

Je suis l’autre

Toute le monde réfère à ses amis d’école, à ses collègues de bureau, aux gens dans la rue ou dans l’autobus. «Ceux qui n’avaient pas la peau basanée comme moi et les cheveux frisés. Ceux qui n’étaient pas comme moi. Je ne me suis jamais sentie comme les “autres”. En fait, je suis “l’autre”».

Sous R pour retourner, les premiers mots sont «Retourne chez toi». Mais ce chez toi est où exactement? Le pays de sa naissance, celui qui l’a vue grandir? «Ou le pays que j’ai choisi, une fois adulte, pour faire mes études universitaires, me marier, avoir mes enfants.»

La lettre S pour souk m’a rappelé mon premier voyage à l’étranger en 1968. Je participais à une rencontre internationale de la jeunesse francophone en Tunisie et nous avions visité ce fameux marché à Sfax (autre S).

Je suis revenu au Canada le 30 décembre, jour de mes 21 ans. J’avais déjeuné en Afrique (Tunisie), dîner en Europe (Paris) et souper en Amérique (Montréal). Avec le décalage horaire, la journée avait duré 30 heures un 30 décembre.

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W pour woke

Sous W pour woke, Monia nous donne une bonne définition de ce mot de plus en plus populaire. «Ça veut dire être éveillé… Être conscient des injustices sociales, de la discrimination, du racisme systémique.»

Seulement deux lettres renvoient à des noms propres: Q pour Qassioun et Y pour Ya… Allah. Qassioun désigne une montagne surplombant la ville de Damas, en Syrie; elle est parfois connue sous le nom de montagne sacrée.

Cet abécédaire permet à l’autrice de réfléchir sur ses origines, sur son identité, sur sa place dans une société en ébullition. Il est sa «contribution littéraire pour humaniser “l’autre”».

Auteurs

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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