À l’embouchure de la rivière Don: un quartier et un parc en devenir

Port Lands, rivière Don
Travaux d'aménagement des berges de l'embouchure de la rivière Don. Photo: Dominique Guillaumant, l-express.ca
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Publié 10/10/2024 par Dominique Guillaumant

Si vous avez récemment visité le secteur près du lac à hauteur des rues Cherry et Commissioners, vous avez sûrement remarqué tous les changements incluant des grues, des chantiers et trois superbes nouveaux ponts. La naturalisation de l’embouchure de la rivière Don fait partie intégrante du développement du quartier des Port Lands. Un projet en marche depuis plus de trente ans.

Un vaste quartier sous-utilisé

Les Port Lands de Toronto couvrent environ 356 hectares (880 acres). Ils s’étendent du port intérieur à l’Ouest jusqu’à la rue Leslie à l’Est, et du boulevard Lake Shore au Nord jusqu’au lac au Sud.

Port Lands, rivière Don
Le futur quartier Port Lands à l’embouchure de la rivière Don. Carte: Google

Le secteur connu jusqu’à tout récemment pour sa vocation industrielle a été créé au début du XXe siècle en remplissant la baie d’Ashbridges afin de répondre aux besoins d’une ville en pleine croissance.

De nos jours, plusieurs des industries ont déménagé ailleurs, et le secteur est connu pour ses nombreux studios et autres entreprises connexes qui soutiennent le secteur cinématographique de Toronto.

Plusieurs terrains sont vacants et sous-utilisés, mais aussi pollués par les activités industrielles du siècle dernier.

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Cependant, à cause de sa proximité avec le centre-ville, le secteur Port Lands offre une occasion de revitalisation unique alors qu’on y retrouve tant des espaces naturels et patrimoniaux que des possibilités de construire des logements dont Toronto manque cruellement.

Depuis une bonne vingtaine d’années, plusieurs initiatives de planification et de consultation sont en cours pour préparer le terrain à la rénovation urbaine.

Port Lands, rivière Don
Vue du chantier du futur quartier des Port Lands. Photo: toronto.ca

La rivière Don, une préoccupation citoyenne

La rivière Don a longtemps été surexploitée et polluée par les secteurs industriel et agricole qui étaient établis sur ses berges, par les activités portuaires qui ont progressivement pris de l’ampleur au point de complètement détourner son flot naturel. La nature n’est jamais rectiligne!

Port Lands, rivière Don
John Wilson. Photo: courtoisie

De nombreux organismes communautaires militent depuis plus de trente ans pour une meilleure appréciation du rôle essentiel des rivières, et leur préservation, leur assainissement et leur revitalisation. Le projet de renaturalisation de l’embouchure de la rivière Don était l’un des plus porteurs et rassembleurs.

John Wilson, qui est l’ancien président du groupe citoyen Bring back the Don, peut en témoigner. «À l’époque, nous tentions d’atteindre plusieurs objectifs, comme la réintroduction de la nature pour rendre notre ville plus résiliente, la restauration du territoire pour le développement humain, contribuer à la sauvegarde de la moraine d’Oak Ridges et à l’amélioration de l’état de l’eau dans le lac Ontario, alors que Toronto était considérée comme un secteur préoccupant.»

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Un marais où les premières nations venaient pêcher

À l’origine, la région située à l’embouchure de la rivière Don était le plus grand marais du lac Ontario – une terre humide fertile, un lieu de pêche et de vie sauvage. Ainsi qu’un important lieu de rassemblement et de passage pour les peuples autochtones qui vivaient et voyageaient dans la région.

Avec le projet de revitalisation entrepris, ceux-ci ont été impliqués dans les consultations, comme l’explique John Wilson. «La naturalisation de l’embouchure du Don a impliqué une importante participation communautaire dans le cadre de l’évaluation environnementale. Incluant les Mississaugas du Credit, que j’ai invités à participer en tant que consultant communautaire, et qui sont maintenant considérés comme la nation hôte du projet.»

Il y a quelques semaines, un des derniers barrages de la rivière a été éliminé pour permettre à l’eau de s’écouler. On a commencé à remplir une partie de la Don avec l’eau du lac afin qu’éventuellement le niveau soit égal des deux côtés du barrage. Bientôt, le dernier barrage sera éliminé, permettant à la rivière de rejoindre le lac.

Port Lands, rivière Don
La rivière Don est redirigée dans le futur quartier. Photo: Dominique Guillaumant, l-express.ca
Port Lands, rivière Don
Aménagement de l’embouchure de la rivière Don dans le futur quartier Port Lands. Photo: François Bergeron, l-express.ca

Réintroduction de plantes locales

Tout en permettant à la Don de retrouver une partie de son lit naturel, on a entrepris de replanter plusieurs plantes adaptées aux milieux humides.

Plusieurs d’entre elles ont été développées par l’Université de Toronto à partir de graines retrouvées après la démolition des édifices industriels. Les graines des plantes d’origine ont ainsi été préservées pendant plus de cent ans.

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Une ville plus résiliente aux inondations

Un des objectifs majeurs de la naturalisation de la rivière Don est de rendre Toronto plus résiliente en cas de pluies torrentielles. En juillet dernier, une bonne partie de la ville, incluant tant la gare Union, le métro que l’autoroute Don Valley, a été inondée, provoquant des crues soudaines, submergeant des automobiles et semant le chaos.

En quelque trois heures, Toronto a reçu, dans certaines zones, plus de 100 mm de pluie, battant alors un triste record établi en octobre 1954 par l’ouragan Hazel qui avait déversé 183 mm de pluie en 24h et fait plus de 80 morts dans la région du Grand Toronto.

Les rivières Humber, Don et Credit, ainsi que plusieurs ruisseaux étaient sortis de leur lit.

Hazel, Port Lands, rivière Don
Une partie du quartier Weston, dans le Nord-Ouest de Toronto, inondé après le passage de l’ouragan Hazel en 1954. Photo: TRCA

Les leçons tirées de l’ouragan Hazel

Selon John MacKenzie, PDG de la Toronto and Region Conservation Autority, «l’ouragan Hazel a été un moment crucial et tragique dans l’histoire de Toronto qui a refaçonné l’approche de l’Ontario en matière de protection contre les inondations et de gestion des inondations, entraînant d’importants changements dans la façon dont les offices de conservation opèrent à travers la province.»

Depuis, bien des progrès ont été faits pour à la fois mieux cartographier les zones à risque, faire l’acquisition de certaines terres inondables et améliorer les systèmes d’alerte.

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John MacKenzie. Photo: ccranews.com

L’élargissement de l’embouchure de la Don et la naturalisation de ses berges sont une autre initiative majeure pour gérer les risques d’inondation pour des milliers de Torontois.

Car, comme le note John MacKenzie, «les récents événements météorologiques extrêmes, y compris les inondations estivales à Mississauga et à Toronto et d’autres partout au Canada, nous rappellent tristement l’importance cruciale de veiller à ce que notre région soit bien préparée pour les futures inondations».

Le projet de la Don est en cours de réalisation depuis plus d’une décennie, et a bénéficié d’un budget de 1,25 milliard $ en provenance des trois paliers de gouvernement. Cela représente à peu près le coût des dommages matériels causés par l’ouragan Hazel en dollars d’aujourd’hui.

Le parc Villiers

Une fois naturalisée, l’embouchure de la Don fera partie d’un grand parc ouvert à tous. On y retrouvera des sections protégées et d’autres avec des terrains de jeux pour les enfants et les familles.

Selon John Wilson, si la cohabitation entre la nature et le développement urbain n’est pas toujours évidente, «à long terme, nous devons faire des compromis».

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«Nous essayons de trouver un équilibre entre la nature et les activités humaines. Par exemple, nous ne cherchons pas à avoir un environnement urbain parfait, mais à favoriser la migration des oiseaux en leur donnant un chemin migratoire.»

Port Lands, rivière Don
Des escaliers qui ne mènent nulle part pour l’instant. Photo: Dominique Guillaumant, l-express.ca
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Un des ponts du futur quartier Port Lands. Photo: François Bergeron, l-express.ca

Un futur nom amérindien

Pour l’instant, les plans réfèrent au parc ou à l’île Villiers. Tout comme il y a une rue Villiers donnant sur la rue Cherry, nommée en l’honneur du Major Villiers Sankey (1854-1905) du Queen’s Own Riffles of Canada, qui a été l’arpenteur de Toronto pendant de nombreuses années.

Cependant, dans le cadre de son Plan d’action pour la réconciliation, la Ville de Toronto, en collaboration avec la firme de consultants LURA et l’organisme MinoKamik Collective, compte engager la communauté amérindienne pour identifier et recommander de nouveaux noms pour l’île Villiers et les rues avoisinantes.

Un quartier qui pense à l’environnement

Quant au secteur habitation, il ne pourra commencer qu’une fois que les travaux de naturalisation et de gestion des inondations seront complétés. On parle d’un horizon de 2031 pour la première phase qui comptera plus de 9 500 logements.

De plus, le Conseil municipal vient d’augmenter de 30% le nombre de logements afin d’inclure plus de logements à loyer modique.

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Le quartier compte déjà trois nouveaux ponts qui ont été conçus en pensant au transport en commun et aux cyclistes, avec des voies réservées. Le reste des plans prévoit des rues piétonnes et une vie de quartier avec une présence automobile minimale.

C’est que dès sa conception, le projet de quartier, qui va accueillir des milliers de résidents et de visiteurs, se veut carboneutre. Et même si possible, «carbopositif» comme le mentionne John Wilson.  «Le but de Waterfront Toronto est de rendre les Port Lands carboneutre et, si possible positif. Une façon [d’y arriver] est de l’orienter vers le transport en commun. Pour cela, nous devons engager tous les niveaux de gouvernement».

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Le restaurant Cherry Street Bar-B-Que près du vaste chantier des Port Lands. Photo: Dominique Guillaumant, l-express.ca

Ouverture en 2025

L’ouverture du nouveau parc est annoncée pour le printemps ou l’été 2025. Chaque jour des curieux se promènent pour apprécier les progrès réalisés.

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Paul Overy. Photo: regentoronto.org

Paul Overy, qui est impliqué avec plusieurs organismes communautaires dont Lost Rivers, se montre optimiste et même enthousiaste après une récente visite. «Ce n’est pas encore fini et c’est déjà inspirant et excitant. Ce que j’ai vu dépassait mes attentes.»

Quant au projet encore plus complexe et d’envergure du nouveau quartier Port Lands, il est clairement vu comme une opportunité de répondre à de nombreux problèmes en matière d’environnement, de changements climatiques, de relation avec les peuples autochtones, d’habitation et de mobilité urbaine.

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