Le Bentway ou les piliers d’une communauté 

Ces 13, 14 et 15 septembre, le Bentway accueillait la 19e édition du festival de musique Francophonie en Fête. Il s’agissait, pour plusieurs participants, d’une initiation à cet espace urbain inusité, établi sous l’autoroute Gardiner et voisin du site historique Fort York.

Le mandat de l’organisme sans but lucratif The Bentway, initié en en 2015, était simple: transformer une zone sous-utilisée sous l’autoroute Gardiner en une vision audacieuse d’un nouvel espace public dans le centre-ville de Toronto.

Sa première attraction gratuite, lancée en janvier 2018, fut un coup de coeur instantané auprès du grand public: un superbe sentier de patinage en huit de 220m avec service de location de patins.

Depuis, The Bentway n’a cessé de livrer la marchandise.

En été, le sentier de glace cède la place à une piste de patins à roulettes. L’amphithéâtre reçoit des spectacles de tout acabit. Des installations habillant les lieux se succèdent.

Des fêtes de quartier et autres rencontres ludiques de la communauté s’organisent. Des ateliers sont offerts sous l’autoroute ou à l’intérieur du Bentway Studio (55 Fort York Boulevard).

Deux événements à surveiller prochainement: Dominoes (22 septembre, dès 13h), pour lequel plus de 8 000 dominos géants seront assemblés sur un parcours de 2,5 km, et la chaîne activée à 16h30; et Nuit Blanche (5 octobre dès 19h jusqu’au 6 octobre à 7h).

Un bon plan

«Les rues, les trottoirs et les espaces publics de la ville ne sont pas seulement des liens entre les destinations, mais aussi des lieux à apprécier en tant que tels.» Cet extrait est tiré du rapport complet du Under Gardiner Public Realm Plan, publié par The Bentway en 2022.

Il est divisé en cinq sections, chacune avec sa propre identité, couvrant les espaces sous l’autoroute entre Dufferin et la rue Yonge: Exhibition West Anchor, Bentway-Fort York, Under Gardiner Islands, Toronto Terrace et Glass Gardiner. Le projet planifie en un deuxième temps le développement de trois autres sections allant jusqu’à la rivière Don.

La Ville de Toronto approuvait le développement urbain proposé dans ce rapport en avril 2024 et les travaux sont déjà amorcés.

La nature de l’urbanisme

En janvier 2023, l-express.ca assistait à la première journée porte ouverte pour présenter ce rapport au public. C’était une excellente occasion de comprendre les efforts bien rodés de concertation de la communauté qui font la force de l’organisme.

Un urbanisme sain permet de concevoir un développement à l’échelle d’un quartier, d’une communauté. La consultation des premiers intéressés est donc vitale dans le processus.

Les amateurs d’urbanisme seront très intéressés par la section 3.2 du rapport sur les opportunités de développement mis à jour en mars 2024: Vision and Opportunity Report.

On y voit comment les idées ont été regroupées en quatre champs de considérations pour faciliter la discussion: Sécurité et confort, Orientation et identité, Écologie productive et Aménagements prévisibles. Les opportunités identifiées lors de consultations avec les partenaires communautaires et des individus y sont listées.

The Bentway a profité de ses Portes ouvertes pour recueillir d’autres sons de cloche d’une façon ludique et visuelle. Il a présenté au public trois à quatre idées potentielles par thème, chacune représentée par son propre autocollant designer.

Nous étions invités à choisir l’autocollant de l’idée qui nous tenait le plus à cœur et à l’afficher sur un pilier à proximité. Ils fournissaient également des «post-its» vierges pour ajouter nos commentaires. Les visiteurs pouvaient ainsi visualiser les tendances dans les priorités.

La bonne voie

Ce plan arrivait à point nommé, alors que la Ville de Toronto se lançait dans un réinvestissement massif pour maintenir et adapter l’autoroute Gardiner, datant de 1955.

Les Torontois auront sans doute remarqué les grands travaux en cours un peu partout sous le Gardiner. Selon le rapport du Bentway, c’était «une occasion unique de réaliser un nouvel avenir à la fois au-dessus et au-dessous de la route».

Certains regardent d’un oeil critique ce développement urbain, présumant qu’ils ne profitent qu’aux propriétaires de condos de luxe et aux touristes.

À ceux-là, David Carey, codirecteur exécutif du Bentway, répond: «Nous opérons dans l’une des zones les plus denses de Toronto (et même de tout le pays). Plus de 100 000 personnes (et 15 000 chiens!) vivent dans un rayon de 10 à 15 minutes de marche de la phase 1 de Bentway.»

«On vit à l’étroit dans les copropriétés en hauteur, un défi encore plus marquant pour les jeunes familles! Les espaces publics comme le Bentway sont essentiels à la vie urbaine. Le site sert en quelque sorte de cour arrière à tous ces gens», ajoute-t-il.

Selon le codirecteur, les résidents locaux représentent seulement 30% des gens qui profitent du Bentway.

«Notre impact ne se limite pas à cela. En moyenne, 30% viennent des autres quartiers du centre-ville de Toronto, 25% arrivent d’autres quartiers de Toronto et 15% proviennent de l’extérieur de la ville. Les autres arrivent de bien plus loin pour découvrir de nouveaux projets artistiques, pour explorer un site urbain unique et pour se laisser surprendre.»

Ce fut l’expérience de Pascale Chapdelaine, une résidente de Cabbagetwon, cet été.

«Le Bentway fut une belle découverte, pour moi qui passait régulièrement au-dessus sans le savoir. Non seulement il connecte des quartiers de la ville coupés par l’autoroute, le Bentway met en relief l’exceptionnelle beauté architecturale qui se trouve sous l’autoroute, qu’on aurait autrement tendance à oublier ou même mépriser. Une destination en soi, cela vaut le détour.»

Bon à savoir

• Le projet The Bentway a eu le vent dans les voiles grâce à un don privé de 25 millions $ de la Fondation Judy & Will Matthew.

• Une fois ses quatre enfants scolarisés, Judy Matthews a obtenu une maîtrise en urbanisme à l’Université York et a développé son expertise professionnelle dans les services d’urbanisme de Metro Toronto, de la ville de Toronto et de l’Université de Toronto.

• Judy et son mari ont abdiqué le droit de donner le projet à leur nom. Ils estimaient que la communauté devrait avoir la possibilité de lui trouver un nom. En 2016, les organisateurs ont fait un appel à tous pour nommer l’espace public sous le Gardiner.

• Un panel de 12 artistes, experts en politique et responsables communautaires, a tiré une liste de quatre noms finalistes parmi plus de 800 suggestions: The Artery, The Bentway, The Canopy et Gathering Place. C’est le vote public qui a décidé.

• Le Bentway doit son nom aux structures de poteaux et de poutres en béton armé appelées bents, qui soutiennent le Gardiner.

• En juillet 2022, on estimait la population de la Ville de Toronto à 3,025,647 citoyens, et la population totale du Grand Toronto à 6,471,850.

• En 2021, le centre-ville de Toronto (core Toronto) comprenait 275,931 habitants, soit 12% de la population de la ville de Toronto.

• Près de la moitié des ménages de Toronto sont locataires. Et 40% de ces ménages utilisent plus de 30% de leur revenu avant impôts pour payer leur loyer.