Les crèmes solaires maison sont dangereuses

crème solaire
La majorité des recettes de crème solaire faites maison ne sont pas suffisamment efficaces pour protéger des rayons du Soleil. Photo: iStock.com/Marko_Marcello
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Publié 04/09/2024 par Kathleen Couillard

Plusieurs recettes de crème solaire à faire soi-même à la maison ont circulé sur Internet ces derniers mois. La mode tire son origine d’une crainte quant aux crèmes solaires traditionnelles, mais on constate que ces produits artisanaux comportent plusieurs risques.

En juin dernier, la créatrice de contenu Nara Smith proposait sur sa chaîne TikTok une recette à base d’huile de noix de coco, de beurre de karité, d’huile de jojoba et d’oxyde de zinc. Celle-ci a été vue plus de 2 millions de fois.

Rumeurs sur les crèmes commerciales

Elle n’était qu’un exemple parmi beaucoup d’autres. Dans une étude sur l’efficacité et la sécurité des crèmes solaires maison publiée en février dernier, des chercheurs turcs ont constaté que les recherches Google de recettes de crèmes solaires maison étaient en hausse depuis 2020.

La popularité de ces recettes est souvent alimentée par des rumeurs sur la nocivité des crèmes solaires commerciales. Dans un communiqué publié le 19 juin 2024, l’Ordre des chimistes du Québec sentait le besoin de réagir: «Des influenceurs et influenceuses propagent des informations erronées et mensongères concernant la crème solaire, prétendant que ses ingrédients seraient nocifs pour la peau.»

De fait, la sécurité des crèmes solaires commerciales est bien démontrée, comme le résumait plus tôt cet été la journaliste Valérie Borde, et comme en avait parlé l’Agence Science-Presse en 2019. Le 19 juillet dernier, Santé Canada publiait un avis mettant en garde «contre les risques potentiels liés à l’utilisation d’écrans solaires faits maison».

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Le Cancer Council de l’Australie ne recommande pas lui non plus ces crèmes solaires artisanales. Dans un texte publié en 2021, il rappelle que ces recettes ne sont soumises à aucun test permettant de garantir leur efficacité pour protéger contre les effets nocifs des rayons UV du Soleil. Effets qui, eux, ont été démontrés par des décennies de recherches en biologie.

Des huiles qui offrent peu de protection

En 2019, des chercheurs de la Floride avaient analysé différentes recettes de crème solaire maison trouvées sur Pinterest. Il en ressortait que les ingrédients les plus souvent recommandés étaient l’huile de noix de coco, les huiles essentielles comme celle de lavande et de framboise, le beurre de karité et la cire d’abeille.

Les chercheurs avaient constaté la grande popularité de ces recettes, mais n’étaient pas allés jusqu’à en analyser l’efficacité.

Cependant, plusieurs études l’ont fait, et ont démontré que les huiles utilisées dans ces recettes offrent peu de protection contre le soleil. Par exemple, dès 2010, des chercheurs de l’Inde ont déterminé le facteur de protection solaire (FPS) de différentes huiles végétales. Les deux huiles les plus efficaces, l’huile d’olive et l’huile de noix de coco avaient un FPS entre 7 et 8.

À titre de comparaison, l’agence américaine responsable d’approuver aliments et médicaments (la FDA) recommande de privilégier des crèmes solaires avec un FPS supérieur à 15. Aux États-Unis, les crèmes solaires avec un FPS inférieur doivent même inscrire sur l’étiquette qu’elles ne peuvent pas prévenir le cancer.

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Les résultats obtenus par les scientifiques indiens avaient été confirmés en 2016 par des chercheurs américains qui avaient mesuré la capacité de différentes huiles à bloquer les rayons UV. Ils ont conclu que l’aloe vera, l’huile de canola, l’huile de citronnelle, l’huile de noix de coco, l’huile d’olive et l’huile de soya absorbaient très peu les rayons UV. C’est la raison pour laquelle elles ne peuvent pas protéger efficacement contre les rayons du Soleil.

Quelle quantité d’oxyde de zinc?

Parmi les recettes trouvées sur Pinterest par les chercheurs de la Floride, 35% contenaient de l’oxyde de zinc, une substance reconnue pour bloquer les rayons UV. Toutefois, la quantité à utiliser était indiquée dans seulement 17% des cas.

Dans un document publié en 2012 sur les écrans solaires, Santé Canada expliquait que l’oxyde de zinc, à une concentration de 25%, présente un FPS maximum de 7. Et cette valeur diminue à 3 lorsque la concentration est de 10 %. De plus, l’oxyde de zinc doit être bien réparti dans la préparation, rappelle le Cancer Council australien.

Qui plus est, l’oxyde de zinc dans les produits cosmétiques est considéré comme sécuritaire seulement jusqu’à une concentration maximale de 25%, peut-on lire dans un document de l’Union européenne datant de 2016. La concentration utilisée dans certaines recettes testées par l’équipe française pouvait toutefois atteindre 35%.

Pour éviter de dépasser la valeur maximale de 25%, Santé Canada recommande aux fabricants d’écrans solaires d’ajouter d’autres ingrédients comme le dioxyde de titane.

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Des allégations qui ne passent pas le test

Le tiers des recettes sur Pinterest analysées par les chercheurs de la Floride mentionnaient un FPS, généralement entre 30 et 40. Ces allégations ne sont pas soutenues par la recherche.

En effet, des chercheurs français ont testé 15 recettes de crème solaire trouvées sur Internet en 2020, dont neuf contenaient de l’oxyde de zinc. Leurs résultats ont révélé que trois recettes n’offraient aucune protection solaire et que les 12 autres avaient un FPS inférieur à 6.

Les chercheurs turcs ont pour leur part testé 12 recettes maison de crème solaire en 2024. Le FPS de ces crèmes variait de 2 à 34. Cependant, la majorité était de moins de 15 et trois présentaient un FPS inférieur à 5 — une protection de loin insuffisante.

Plusieurs de ceux qui, ces dernières années, ont recommandé la prudence quant aux crèmes de fabrication maison, rappellent que les chercheurs qui testent ou préparent les écrans solaires ont accès à des instruments de laboratoire beaucoup plus précis que ce à quoi ont accès les amateurs chez eux.

Auteurs

  • Kathleen Couillard

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

  • Agence Science-Presse

    Média à but non lucratif basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada.

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