Cancer: les crèmes solaires sont pas mal moins dangereuses que… le soleil

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Face au soleil.
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Publié 21/08/2019 par Catherine Crépeau

La crème solaire serait plus nuisible pour la santé que les effets du soleil sur la peau, selon ce qu’on peut lire sur plusieurs sites. Mais les produits chimiques contenus dans les écrans protecteurs représentent-ils vraiment un danger?

Cancer de la peau fréquent

Le cancer de la peau est le plus fréquent au Canada: il représente au moins 40% des nouveaux cancers diagnostiqués chaque année.

La plupart sont causés par un contact prolongé avec les rayons UV, qui sont aussi à l’origine des coups de soleil, du vieillissement prématuré de la peau et des cataractes.

Pour s’en protéger, la Société canadienne du cancer recommande d’appliquer un écran protecteur — par exemple, une crème ou un vaporisateur.

Inquiétudes sur Internet

Or, la sécurité et la composition de ces écrans protecteurs suscitent de l’inquiétude, notamment sur Internet. Les crèmes solaires sont accusées, entre autres, de contenir:

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– des substances toxiques et des nanoparticules qui peuvent provoquer des cancers;

– de favoriser le développement de mélanomes, ou d’entraîner une carence en vitamine D, laquelle est liée par la communauté médicale à des maladies métaboliques dont l’ostéoporose et le rachitisme chez les enfants, et à des cancers de la peau.

Si la majorité de ces allégations découlent de mauvaises interprétations d’études scientifiques, certaines méritent qu’on s’y attarde pour démystifier la dangerosité des crèmes solaires.

Les substances toxiques

Les agents actifs des crèmes solaires sont de deux types: les filtres chimiques, composés de molécules organiques qui pénètrent dans la peau, et les filtres minéraux, qui agissent comme une barrière à la surface de l’épiderme.

Certains produits à large spectre, qui protègent à la fois contre les rayons UVA et UVB, combinent les deux types de filtres.

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La plupart des crèmes qu’on trouve en magasin contiennent un ou plusieurs des 17 filtres chimiques autorisés au Canada, parmi lesquels l’avobenzone, le Mexoryl SX, l’octinoxate et l’oxybenzone. Les écrans solaires minéraux quant à eux, utilisent de l’oxyde de zinc et/ou du dioxyde de titane.

Ingrédients dangereux?

Selon l’Environmental Working Group (EWG), un organisme américain de défense de l’environnement, l’oxybenzone, appelée aussi benzophénone 3, peut imiter le comportement des hormones.

Du moins chez les poissons qui ont été exposés à des doses élevées ou chez les rats qui en ont mangé pendant 21 jours. Ce potentiel a aussi été identifié dans des études sur des cellules.

Chez les humains, le seul problème de santé identifié est la photodermatite, une réaction cutanée déclenchée chez certaines personnes par l’exposition au soleil.

L’octinoxate et l’enzacamène présentent, pour leur part, un faible potentiel d’agir comme une hormone et ainsi, la possibilité de perturber le système reproducteur des rats qui en mangent. Ce qui ne correspond pas à l’utilisation normale d’un écran solaire et empêche toute extrapolation des résultats à l’humain.

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Des cas d’allergie ont aussi été signalés pour l’octinoxate.

Au-delà des filtres, il y a un autre ingrédient montré du doigt: le palmitate de rétinyle, aussi connu sous le nom de rétinol. Ce dérivé de la vitamine A est ajouté aux écrans solaires pour réduire le vieillissement de la peau.

Une étude menée en 2012 par le Programme américain de toxicologie a montré que le rétinol accélérait le développement de tumeurs et de lésions cutanées chez des souris exposées à des lumières UV. Mais il est difficile d’extrapoler ce constat aux risques de cancer de la peau chez l’homme.

Bref, on peut choisir d’éviter ces ingrédients par prudence, mais pour le moment, il n’est pas démontré qu’ils sont nocifs pour l’humain. En supposant qu’on s’enduise de crème solaire, et qu’on ne la mange pas!

Nanoparticules instables

L’oxyde de zinc et le dioxyde de titane ont quant à eux le défaut de laisser un résidu blanc sur la peau. Pour remédier à cet inconvénient et rendre leur produit translucide, les fabricants de crèmes solaires les utilisent sous forme de nanoparticules.

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Quelques études ont suggéré que ces particules de petite taille pourraient amener la formation de radicaux libres — fragments libérés d’une molécule, plus instables, capables de réagir davantage avec les molécules de leur entourage — qui pourraient pénétrer la peau et endommager les cellules.

Des études parrainées par la Food and Drug Administration des États-Unis et l’Union européenne ont toutefois conclu que les nanoparticules d’oxyde de zinc et de dioxyde de titane ne pénétraient pas au-delà de l’épiderme. Et ce, même si la peau est endommagée, par exemple par une éraflure.

L’Association canadienne de dermatologie a même officiellement déclaré qu’il n’existe aucun indice que l’application de produits contenant de l’oxyde de zinc et du dioxyde de titane micronisés puisse engendrer de la toxicité.

À ne pas inhaler

Les nanoparticules peuvent toutefois provoquer des lésions pulmonaires lorsqu’elles sont inhalées, ce qui est le cas lorsqu’on choisit une protection solaire en vaporisateur.

Bref, les nanoparticules contenues dans les écrans solaires minéraux ne sont pas non plus nocives pour la santé, à moins qu’elles soient inhalées, par exemple en utilisant une protection solaire en vaporisateur. Dans ce cas, elles peuvent causer des lésions pulmonaires.

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Le temps passé au soleil

Un certain nombre d’études ont révélé que les utilisateurs fréquents de crème solaire présentaient plus de mélanomes, un type de cancer de la peau.

Mais quand on y regarde de plus près, on constate que généralement, ceux qui s’enduisent d’écran protecteur sont aussi ceux qui passent plus de temps au soleil, un important facteur de risque du mélanome, avec les coups de soleil à répétition.

D’autres études n’ont pas abouti à des conclusions aussi claires.

Les écrans solaires ne suffisent pas à protéger des cancers de peau, mais lorsqu’ils sont utilisés correctement, ils aident à prévenir les coups de soleil, ce qui diminue le risque de mélanome.

La carence en vitamine D

Un bon écran solaire bloque les rayons UV et protège contre le cancer de la peau. Mais ce faisant, il empêche la production naturelle de vitamine D. Or, plusieurs études montrent que des niveaux plus élevés de vitamine D chez les personnes exposées au soleil peuvent jouer un rôle dans la réduction du risque de mélanome.

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Heureusement, l’humain n’a pas besoin de s’exposer au soleil pour produire de la vitamine D. Et en cas de carence, on la trouve en supplément et dans certains aliments enrichis, comme le lait de vache et les boissons de soya.

De plus, une étude publiée en mai dans le British Journal of Dermatology, a comparé les niveaux de vitamine D après une semaine de vacances chez une centaine de personnes — dont un groupe témoin qui n’était pas allé au soleil — qui avaient ou non utilisé un écran solaire.

Les chercheurs ont conclu que les écrans solaires, même utilisés de manière optimale pour prévenir les coups de soleil, permettraient une bonne synthèse de la vitamine D issue du soleil.

FPS 30

À moins d’en manger, d’en inhaler ou de s’exposer de longues heures au soleil, les crèmes solaires n’entraînent pas de graves dangers de santé. Tandis que les risques de développer un cancer de la peau sans protection sont, eux, mieux documentés.

Au Canada, la recommandation générale est d’utiliser un produit avec un facteur de protection FPS 30 à «large spectre», qui protège à la fois contre les rayons UVB et UVA.

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Depuis 2007, l’Environmental Working Group (EWG) établit chaque année un guide d’achat des écrans solaires en passant en revue les ingrédients contenus dans les produits affichant un FPS et vendus aux États-Unis. La version 2019 a étudié quelque 1 300 produits.

Le groupe dispose aussi d’une banque de données, Skin Deep, qui répertorie et évalue le niveau de sécurité, pour la santé et l’environnement, de plus de 70 000 produits de soins et de leurs ingrédients.

Auteur

  • Catherine Crépeau

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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