Les Tanguy, qui sont-ils?

Tanguy
Une scène du film Tanguy, avec Éric Berger, à droite, dans le rôle-titre, André Dussollier et Sabine Azéma dans le rôle des parents qui cherchent à pousser leur fils hors du nid.
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Publié 01/07/2024 par Michèle Villegas-Kerlinger

Les Tanguy, ou ce qu’on appelle le phénomène Tanguy, est une tendance sociale qui trouve son origine dans le film du même nom réalisé par Étienne Chatiliez et sorti en 2001.

Dans le film, Tanguy Guetz, le personnage principal, est un jeune homme de 28 ans qui vit encore chez ses parents. Le jeune homme est très instruit et enseigne à l’université; il parle plusieurs langues et prépare sa thèse. L’oisillon pourrait quitter le nid familial, mais comme le jeune y trouve son compte, il ne le fait pas au grand dam de ses parents.

Si on définit un(e) Tanguy comme une jeune personne qui reste chez ses parents au-delà d’un certain âge jugé acceptable par la société, il faut regarder le phénomène d’un peu plus près avant de les juger collectivement à l’aune de critères qui ne peuvent s’appliquer universellement.

D’après mes recherches, on peut classer les Tanguy dans au moins trois catégories distinctes. Il y a:

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1 – Les jeunes qui étudient, travaillent ou cherchent activement un emploi et qui aident leurs parents. S’ils restent chez ces derniers, c’est surtout pour des raisons économiques. Ils ont des plans à court et à long terme.

2 – Les jeunes qui ne quittent pas la maison familiale afin de s’occuper de leurs parents, avec ou sans l’accord de ces derniers. Ils peuvent avoir des plans à court et à long terme.

3 – Les jeunes qui demeurent chez leurs parents et vivent, pour ainsi dire, à leurs crochets, sans travailler, ni étudier ni aider dans la maison ou qui le font très peu alors qu’ils pourraient en faire beaucoup plus. Peu de ces jeunes ont des plans à court ou à long terme.

Il va sans dire que les jeunes personnes ayant un handicap qui les empêche de travailler, d’étudier ou d’aider à la maison ne font pas partie de ce classement ni de cet article.

Le coût de la vie

Personne n’ignore que le coût de la vie au Canada, et ailleurs dans le monde, a beaucoup augmenté depuis la pandémie de covid. Les chiffres sont éloquents et parlent d’eux-mêmes.

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Bien que le prix de certains biens et services stagne actuellement ou soit à la baisse, le prix de l’essence a bondi le 1er avril 2024 avec l’entrée en vigueur de la nouvelle taxe sur le carbone, ce qui aura pour conséquence d’entraîner des coûts plus élevés pour les entreprises et, éventuellement, les consommateurs.

Et que dire du prix d’un logement qui est encore inabordable pour le commun des mortels?

Comment le ou la jeune, qui vient de sortir du collège ou de l’université, le plus souvent endetté(e), et qui fait ses premiers pas dans le monde du travail, ferait-il ou elle pour se payer un appartement, un condominium ou une maison?

inflation, Tanguy
L’inflation au Canada mesurée par l’Indice des prix à la consommation.

Rester à la maison pour économiser

Vu la situation actuelle, certaines jeunes personnes décident de rester à la maison, tout en travaillant et en économisant de l’argent dans le but de s’acheter une propriété.

Elles donnent un coup de main à la maison pour aider leurs parents et peuvent même, si leurs moyens le leur permettent, payer une somme modique en échange du logement et de la nourriture.

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D’autres jeunes restent chez leurs parents tout en étudiant dans le but d’obtenir un premier ou un diplôme plus élevé qui leur ouvrira la porte à des emplois mieux rémunérés. Comme dans le cas précédent, ils aident leurs parents dans la mesure de leurs moyens en échange de la générosité de ces derniers.

On ne peut guère tenir ces jeunes responsables de la conjoncture économique actuelle ni critiquer ceux qui, malgré eux, doivent retarder le moment de quitter la maison familiale.

S’occuper de ses parents

Une étude fascinante est intitulée «Tanguy» revisité: de l’adolescence à l’ado-laisse sens – Petites réflexions à propos de l’autonomisation tardive de certains de nos jeunes gens. Pascal Janne, Christine Reynaert, Denis Jacques, David Tordeurs et Nicolas Zdanowicz parlent d’un autre type de Tanguy: celui ou celle qui reste chez ses parents pour «s’occuper d’eux».

Cela pourrait être pour des raisons physiques, si un des parents souffre d’une maladie invalidante par exemple, ou pour des raisons psychologiques, comme pour servir d’intermédiaire dans un couple qui ne s’entend pas.

La jeune personne peut se donner elle-même ce rôle ou il pourrait lui être imposé, consciemment ou non, par un des parents ou par les deux.

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Les Tanguy de ce groupe sont décrits comme étant des personnes «généreuses, sensibles et particulièrement perméables aux soucis de leurs proches».

Dynamique familiale dysfonctionnelle?

Dans le cas d’un parent malade, il pourrait s’agir d’une situation où la jeune personne, pour toutes sortes de raisons, d’ordre financier ou autre, devient l’aide-soignante du parent.

Il pourrait aussi être question d’une dynamique familiale dysfonctionnelle ou d’une dépendance affective qui empêche le ou la jeune de s’émanciper de ses parents et de devenir autonome.

Bien que classées ensemble, ces deux situations sont très différentes. Une famille monoparentale, par exemple, dont le parent ne peut pas s’occuper de lui-même, se compare difficilement à un parent manipulateur qui veut garder son enfant près de lui pour des raisons qui lui appartiennent.

Déficit d’autonomie

Ce dernier groupe compte un certain nombre de jeunes personnes qui pourraient devenir indépendantes, mais qui décident de rester chez leurs parents parce que cela fait leur affaire.

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Dans certains cas, il peut s’agir de parents qui ont toujours tout fait à la place de leur enfant au lieu de lui déléguer de plus en plus de responsabilités avec les années.

Ces jeunes n’ont pas été élevés pour devenir autonomes. Ils profitent des ressources des parents et donnent très peu en échange. Au Japon, ce genre de Tanguy est connu sous le nom de «célibataire parasite», ce qui n’est pas très flatteur.

Contrairement aux deux autres groupes, ces jeunes ont peu ou pas de projets à court ou à long terme. Ils ne sont pas forcément pressés de quitter le nid familial, situation dont les parents peuvent être, parfois sans s’en rendre compte, parfaitement d’accord.

Parents hélicoptères

On n’a qu’à penser aux parents qui continuent à laver les vêtements et à cuisiner, par exemple, pour un(e) enfant adulte parfaitement capable d’apprendre comment faire ces tâches.

Et que dire de ces parents qui appellent l’école pour se plaindre des notes de leur fils ou de leur fille, qui justifient tout ce que fait leur progéniture ou qui cherche du travail à sa place et l’accompagne même à une éventuelle entrevue de travail?

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Tendance mondiale

Bien sûr, les Tanguy ne sont pas uniques au Canada.

Le phénomène Tanguy, peu importe le groupe dont il s’agit, est une tendance mondiale qui est à la hausse. Rien qu’en France, à l’heure actuelle, on estime que 4,92 millions de jeunes adultes, âgés de 18 ans et plus, vivent chez leurs parents, ce qui représente une augmentation de 250 000 jeunes personnes depuis 2013.

Dans certaines cultures, les maisons intergénérationnelles font partie de leurs traditions. Il y a des pours et des contres dans ce choix comme dans le cas contraire. Il existe également des circonstances qui justifient le séjour prolongé d’une jeune personne chez ses parents, comme plusieurs cas mentionnés plus haut.

Thérapie familiale

Le vrai défi est le cas des Tanguy «généreux», si le parent manipule son enfant, et surtout le cas des «parasites», celui-là pouvant être le résultat d’une dynamique familiale dysfonctionnelle, le fruit d’une parentalité inadéquate.

Ces deux groupes pourraient éventuellement tirer profit d’une thérapie familiale pour que les jeunes deviennent des personnes à part entière et des citoyens responsables qui contribuent positivement à la société.

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Quoi qu’il en soit, les Tanguy du troisième groupe risquent de demeurer longtemps chez leurs parents s’ils n’ont pas acquis les outils nécessaires à leur autonomisation.

Le passage de l’enfance à l’âge adulte est semé de réussites et d’échecs qu’il faut savoir encaisser et dont il faut apprendre.

Priver son enfant de ces expériences essentielles à son développement en le couvant à l’extrême ne fait que lui couper les ailes avec lesquelles il ou elle pourrait autrement prendre son plein essor et voler.

Auteurs

  • Michèle Villegas-Kerlinger

    Chroniqueuse sur la langue française et l'éducation à l-express.ca, Michèle Villegas-Kerlinger est professeure et traductrice. D'origine franco-américaine, elle est titulaire d'un BA en français avec une spécialisation en anthropologie et linguistique. Elle s'intéresse depuis longtemps à la Nouvelle-France et tient à préserver et à promouvoir la Francophonie en Amérique du Nord.

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