Les nouveaux arrivants à l’épreuve du logement

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Les nouveaux arrivants sont souvent considérés comme des locataires à risque d'insolvabilité par certains propriétaires. Cela ouvre la porte à des abus. Photo: iStock/com/monstArrr_
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Publié 20/05/2024 par Soufiane Chakkouche

Face à la crise du logement à Toronto, l’une des catégories les plus impactées est celle des nouveaux arrivants. Or, dans l’esprit de certains propriétaires, nouveaux arrivants riment avec insolvabilité par manque de garanties. Dès lors, les abus prolifèrent sans pour autant avoir de recours efficaces à la disposition de cette population qui, dans l’urgence, accepte bien souvent ces pratiques contraires à la loi.

La mère des priorités pour un immigrant, lorsqu’il foule le tarmac de la Ville Reine pour la première fois, est d’avoir un toit au-dessus de sa tête. L’urgence est d’autant plus accrue lorsqu’il s’agit d’une famille avec enfants.

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Meryem Fahssi. Photo: courtoisie

«Ce qui rend la tâche encore plus rude c’est la pression d’avoir un bail afin d’entamer d’autres procédures très importantes, comme l’inscription de mes enfants à l’école ou la demande de la carte santé Ontario. Ces deux démarches sont tributaires de la présentation d’un bail d’habitation ou une preuve de domiciliation», explique Meryem Fahssi, arrivée à Toronto avec homme et enfants en octobre dernier, en provenance du Maroc.

Pour rappel, limiter la location de logements à des gens qui n’ont pas d’enfants est illégal dans la province.

Jusqu’à un an de loyer d’avance requis

Or, sans un passé fiscal ni une expérience professionnelle au Canada, trouver un logement s’apparente au parcours du combattant.

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En effet, dépourvus de garant, d’historique de crédit (le fameux credit score) et de fiches de paie réclamés par les propriétaires, les nouveaux arrivants se heurtent souvent à des refus catégoriques lorsqu’on ne leur demande pas tout bonnement de payer plusieurs mois de loyer à l’avance.

«De ma propre expérience, souvent on nous exigeait le paiement d’une avance d’un an de loyer en espèce», rapporte Mme Fahssi.

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Des propriétaires demandent parfois plusieurs mois de loyer d’avance pour leur logement. Photo: Ville de Toronto

Un retour d’expérience que confirme Christophe Kapanga Mutonji, travailleur juridique communautaire des Services juridiques au Centre francophone du Grand Toronto (CFGT).

«C’est un cas récurrent. On a souvent de nouveaux arrivants qui viennent nous dire que le propriétaire leur a demandé plusieurs mois de loyer à l’avance. Malheureusement, beaucoup d’entre eux sont dos au mur et finissent par payer.»

Une pratique illégale

Pourtant, ce qui semble être une pratique courante est tout sauf légale aux yeux de la loi, comme l’explique M. Mutonji.

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Christophe Mutonji. Photo: courtoisie

«La législation est claire là-dessus, les propriétaires n’ont pas le droit de demander plusieurs mois de loyer d’avance. Ils ne peuvent prétendre qu’au premier et au dernier mois, et ce dernier ne peut pas servir à autre chose qu’honorer le loyer du dernier mois, il ne peut pas servir à faire des réparations ou quoi que ce soit d’autre.»

En tant que locataire, il n’est pas interdit de payer à l’avance autant de mois que l’on souhaite, et c’est bien cette brèche juridique que des propriétaires peu scrupuleux exploitent pour blanchir ce tour de passe-passe.

Recours inefficaces

Quant aux recours mis à disposition des locataires afin de demander justice, ils sont bien souvent inefficaces au vu du caractère urgent de la démarche.

«Les locataires peuvent aller devant la Commission de la location immobilière pour demander remboursement et dédommagement, mais cela prend beaucoup de temps, alors qu’ils sont à la rue et n’ont pas le temps d’attendre. Malheureusement, il n’y a pas une sanction vraiment dissuasive pour changer cette pratique», déplore M. Mutonji.

Tout cela n’est bien entendu pas sans conséquence sur la santé mentale de ces nouveaux résidents. «On était en porte-à-faux du fait que le logement est un paramètre primordial pour notre équilibre mental. Pour nous, c’était une grande source de frustration durant nos premières semaines», se rappelle Mme Fahssi.

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«Selon moi, le logement est le plus gros défi des nouveaux arrivants à Toronto.»

Se diriger vers les organismes communautaires

Cependant, cette mère de famille active conseille de ne pas baisser les bras, et de surtout se diriger sans attendre vers les associations et organismes communautaires tels que le Centre francophone.

«Bien évidemment que seul, c’est extrêmement difficile de négocier sans garanties, ni rentrées salariales confirmées. Dans notre cas, on a d’abord cogné aux portes du CFGT pour nous conseiller et nous sensibiliser à nos droits, mais aussi à nos obligations en tant que futurs locataires», recommande-t-elle

Même son de cloche du côté du service juridique du CFGT. «Il faut se tourner vers les organismes d’aide au logement qui, eux, collaborent avec des propriétaires honnêtes», atteste M. Mutonji.

Du reste, dans le même sens pragmatique, laisser toutes ses économies pour payer son loyer d’avance n’est pas la meilleure façon de commencer une nouvelle vie.

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Plus que cela, le sentiment d’insécurité qui en résulterait pourrait pousser l’immigrant à penser à deux fois avant de s’installer au Canada, voire à aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs, loin des 6% de cible d’immigration francophone hors Québec fixée par le gouvernement fédéral.

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