Bonne posture du bilinguisme, en dépit du manque d’enseignants

Canadian Parents for French
Nicole Thibault et Chantal Bourbonnais ont reçu l’insigne de Chevalier de l’Ordre des Palmes académiques remise par l'Ambassade de France au Canada. Photo: Patrick Woodbury, Le Droit
Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 28/04/2023 par Charles Fontaine

En dépit du déclin du français comme langue maternelle, des militantes du bilinguisme assurent que cette valeur canadienne se porte bien. L’intérêt d’apprendre le français est bien présent, mais les efforts doivent être déployés dans les programmes d’immersion et dans le recrutement d’enseignants, relève-t-elles.

La PDG du réseau Canadian Parents for French (CPF), Nicole Thibault, et la directrice générale de l’Association canadienne des professionnels de l’immersion (ACPI) se sont vu remettre l’insigne de Chevalier dans l’ordre des Palmes académiques de la part de l’Ambassade de la France au Canada le 28 mars dernier.

Cet honneur vise à reconnaître les personnes ayant rendu des services à l’éducation et qui contribuent au rayonnement de la langue et de la culture française dans le monde.

CPF se concentre à donner des outils aux parents anglophones qui veulent faire apprendre le français à leur enfant. L’ACPI promeut quant à elle les programmes d’immersion de langue française.

Profitons-en pour faire le point de la situation du bilinguisme au pays et dans la région, où les deux langues officielles se côtoient naturellement.

Publicité

Pénurie d’enseignants

«On pourrait mettre 100 000 élèves de plus dans les programmes d’immersion dès demain si on avait plus d’enseignants et de salles de classe», laisse tomber Nicole Thibault en se basant sur un sondage maison de CPF.

«De manière très conservatrice, il manquerait 10 000 enseignants de français langue seconde et en immersion pour répondre à la demande», ajoute sa collègue Chantale Bourbonnais.

Les voisines de bureau travaillent souvent sur les mêmes dossiers, ayant toutes les deux l’objectif d’accroître le bilinguisme au pays.

Même si le pourcentage de la population ayant le français comme langue maternelle est en baisse, le nombre de personnes bilingues augmente, ce qui les encourage.

Le nombre de Canadiens ayant la connaissance de l’anglais et du français a d’ailleurs augmenté de 6% de 2016 à 2021.

Publicité

Poursuivre l’immersion

«La pandémie n’a pas aidé, mais juste avant, ça allait très bien», affirme Mme Thibault.

«Avant, beaucoup de gens s’inscrivaient dans le cours de français de base. Mais maintenant, il y en a plus en immersion, qui est un apprentissage plus intense. C’est bien que les jeunes s’inscrivent au programme d’immersion, mais il faut les encourager à poursuivre jusqu’à la 12e année.»

De 2016 à 2021, cette formation a attiré 7% d’élèves de plus. Comme le mentionne Mme Bourbonnais, ce chiffre pourrait être plus élevé si les ressources étaient au rendez-vous.

«Dans les dernières années, la croissance d’inscription en immersion française est fulgurante et ça crée une grosse pression pour le système. On manque de professeurs et de salles de classe.»

«On peine à suffire à la demande. C’est un beau problème.»

Publicité

70% des enseignants d’immersion n’ont pas le français comme langue première

En plus du manque de personnel, les enseignants francophones se font de plus en plus rares dans les programmes d’immersion.

«On a beaucoup de diplômés du programme d’immersion qui veulent enseigner. Mais ce n’est pas la même paire de manches de parler et d’enseigner le français», explique la directrice générale de l’ACPI.

«En 2018, 56% des professeurs n’avaient pas le français comme langue première. On pense que c’est maintenant près de 70%. C’est un problème pour la transmission de la culture. Quand on ne vit pas en français, on n’assimile pas toute la culture francophone. Il faut bien les encadrer.»

Plonger dans la langue française dès l’enfance

Ayant grandi à Aylmer sous des parents anglophones, il aurait été facile pour Nicole Thibault de suivre sa scolarité entièrement en anglais. Sa mère a pourtant insisté pour qu’elle fréquente une école francophone, alors qu’elle ne parlait aucunement la langue.

«Au début je ne comprenais rien, mais je l’ai appris parce que j’étais en situation de survie. Ma mère ne savait pas que ça allait changer ma vie. Cette voie-là m’a ouvert des portes pour des amis et des emplois», relate-t-elle.

Publicité

L’anglophone a été tellement intéressée par la langue française qu’elle a commencé sa carrière comme enseignante en français de base, ensuite en immersion, directrice adjointe d’une école et elle est maintenant à la tête d’un réseau qui milite pour le bilinguisme.

Thibault et Bourbonnais s’entendent pour dire que le programme d’immersion est le meilleur moyen de former une jeunesse bilingue, puisque 80% d’une journée de classe se déroule en français.

La francophonie «pure laine» en déclin

À la vue de la baisse de la proportion de francophones, nombreux sont ceux qui craignent la disparition de la langue française dans leur petit coin de pays, surtout à l’extérieur du Québec.

Les deux actrices du milieu nous assurent qu’il n’y a pas d’inquiétude de ce côté. «J’ai 60 ans et quand j’avais 20 ans j’entendais ce discours-là», se rappelle Mme Bourbonnais.

«La francophonie est encore vibrante, mais ça change. La francophonie pure laine est peut-être vouée à disparaître à certains endroits, mais il y a plus des personnes bilingues.»

Publicité

«Ça ne va pas mourir si tu vas chercher des gens quand ils sont jeunes et que tu leur montres que la francophonie est un monde dynamique», ajoute sa collègue.

Moins de 20% de Canadiens bilingues

On observe cependant une grande marge d’écart entre la proportion de Canadiens favorables au bilinguisme (80%) et ceux qui parlent les deux langues officielles (18%).

Le défi des associations est d’inciter les apprenants en immersion langue française de continuer à parler en français après leurs études. «Ils vont sortir de l’école d’immersion en étant bilingues et on les perd un peu après. C’est ça le défi», remarque Mme Bourbonnais.

«Notre but est qu’ils puissent tenir une conversation avec des francophones et se sentir à l’aise, explique Mme Thibault. On a besoin de l’école pour apprendre la langue, mais après, ça revient à l’individu de poursuivre l’apprentissage de son côté.»

Avec la présence du Québec au pays, les deux amies en sont convaincues, le français restera toujours bel et bien vivant.

Publicité

Auteurs

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur