Avortements sauvages chez Geneviève Blouin

Geneviève Blouin, Le Mouroir des anges
Geneviève Blouin, Le Mouroir des anges, roman, Montréal, Éditions Alire, 2022, 262 pages, 25,95 $.
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Publié 07/12/2022 par Paul-François Sylvestre

Le droit à l’avortement fait couler beaucoup d’encre dans les médias. Voici qu’il occupe la première place dans Le Mouroir des anges, roman policier de Geneviève Blouin qui campe un personnage choisissant d’avorter sauvagement des femmes qui ont pourtant déjà choisi d’opter pour cette procédure.

L’action se déroule dans une banlieue québécoise, avec toute sa fausse banalité et sa trompeuse tranquillité.

Une Asiatique, un Noir et une Blanche…

Les principaux personnages sont une Asiatique, un Noir et une Blanche. Ils œuvrent au même poste de police, mais ont une vie en dehors de leur travail, voire des relations entre eux.

Miuri, l’enquêtrice d’origine japonaise, aime recueillir des indices, résoudre des mystères, «plonger le scalpel de son regard dans l’esprit des gens et en extraire les vérités cachées».

Jacques, le policier noir, découvre que faire répéter plusieurs fois un fait ou un incident a ses mérites. «Cela permet aux témoins de clarifier leurs souvenirs et aux malhonnêtes de s’empêtrer dans leurs mensonges.»

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Nicole, la secrétaire blanche, cache qu’elle attend un enfant de Jacques. Pas question de le garder. Lorsqu’elle reçoit secrètement un ange en chocolat, le danger plane. As de la musculature, Nicole prépare sa contre-attaque…

Crimes signés

Le mantra des enquêteurs s’énonce comme suit: «un événement, c’est un détail, deux, c’est une coïncidence, trois, c’est une tendance». Un quatrième avortement sauvage pointe à l’horizon.

Chaque crime est signé. On trouve toujours un ange de plâtre sur la scène de l’agression.

On sait déjà que les anges sont connus comme des gardiens ou des messagers. Ils ont déjà représenté des enfants morts-nés. Au XIXe siècle, les avorteurs clandestins étaient appelés «les faiseurs d’anges».

Ressemblance avec l’actualité

On pourrait croire que le sujet du roman a été inspiré par une récente décision de la Cour suprême américaine. Or, l’autrice a commencé à y travailler presque dix ans passés. En tant qu’historienne et ancienne adjointe juridique, elle voyait se dessiner le ressac.

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«La légalisation de l’avortement au Canada est récente, et il y a eu depuis de nombreux projets de loi pour limiter l’accès, voire l’interdire de manière détournée. On n’est pas à l’abri.»

Écriture intimiste et intense

L’écriture demeure à la fois intimiste et intense. Les policiers qui enquêtent sont réduits à attendre une autre victime, un cadavre, un suspect, un alibi, «attendre en espérant que ce ne sont pas les dernières heures d’une vie qui [leur] coulent entre les doigts».

Un policier a parfois une réaction crue, comme: «Ostie de câlice de tabarnak, fucking shit de ciboire de crisse».

En entrevue avec d’autres médias, Geneviève Blouin affirme qu’elle aborde le polar, la fantaisie, le roman historique, la science-fiction ou nouvelle de la même façon.

«À la base, il y a un conflit ou un drame humain que j’ai envie d’explorer. Je réfléchis au meilleur décor pour le mettre en lumière ou aux circonstances dans lesquelles il serait possible, puis je construis l’arrière-monde approprié.»

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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