Le droit à l’avortement n’est «jamais acquis» au Canada

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La réouverture du débat entourant le droit à l’avortement par la Cour suprême des États-Unis provoque des remous au Canada. Photo: Gayatri Malhotra, Unsplash
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Publié 04/05/2022 par Inès Lombardo

La réouverture du débat entourant le droit à l’avortement par la Cour suprême des États-Unis a provoqué des remous à la Chambre des communes. Au Canada, il ne s’est trouvé que certains députés conservateurs pour ne pas condamner l’ouverture de cette porte.

Malgré un droit fort, le gouvernement fédéral peut faire plus pour réduire les inégalités entre les provinces, sans pour autant légiférer, affirme la Coalition pour le droit à l’avortement au Canada (CDAC). Le premier ministre Justin Trudeau a annoncé que deux de ses ministres étaient sur le dossier pour assurer ce droit aux Canadiennes.

Pas criminel, donc légal

Grâce à l’arrêt Morgentaler de la Cour suprême du Canada, en 1988, l’avortement consenti n’est plus criminalisé. La situation américaine relance toutefois le débat du côté canadien de la frontière.

La députée du Bloc québécois, Christine Normandin, a présenté une motion par consentement unanime concernant le libre choix des femmes en matière d’avortement, le 3 mai.

Le libellé de la motion bloquiste – refusée – était rédigé en ces termes: «Que la Chambre réitère que le corps de la femme n’appartient qu’à elle seule, et reconnaisse son libre choix en matière d’avortement, pour quelque raison que ce soit.»

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La députée bloquiste Christine Normandin. Photo: Inès Lombardo, Francopresse

Refus conservateur de réaffirmer le droit à l’avortement

Un refus oral d’un ou d’une député.e suffit pour rejeter ce genre de motion. C’est ce qui s’est passé mardi, depuis les bancs conservateurs.

Cela déçoit la députée Normandin, visiblement secouée en mêlée de presse. «C’est un droit qui existe, mais qui est constamment attaqué. On l’a vu par le passé par le biais de projets de loi privés [des Conservateurs].»

«C’est important de conscientiser les gens, qu’ils comprennent qu’il y aura encore ce genre de tentatives par des moyens de plus en plus détournés et sournois. Il faut que les Canadiennes soient vigilantes.»

Mot d’ordre de ne pas commenter

«Qui ne dit mot consent», a assuré la ministre fédérale des Affaires étrangères Mélanie Joly, face au mot d’ordre de ne pas commenter le débat sur l’avortement qui aurait circulé dans les rangs conservateurs. Ces derniers étaient censés ne pas commenter le débat sur l’avortement, selon Radio-Canada.

Mais certains se sont offert cette liberté, comme Alain Rayes, qui a tweeté qu’il était pro-choix, «pour mes deux filles et toutes les femmes».

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Les candidats de la course à la chefferie conservatrice Jean Charest, Patrick Brown et Roman Baber se sont empressés de réitérer leur position pro-choix.

Pierre Poilievre est resté discret. Mais il avait promis en 2020 qu’il empêcherait l’adoption de projets de loi pro-vie.

La réaction de Leslyn Lewis attendue

C’est la réaction de Leslyn Lewis, seule candidate de la course ouvertement pro-vie, qui était particulièrement attendue cette semaine. Elle est restée silencieuse jusqu’à maintenant.

Les autres partis ont tous réitéré que le droit à l’avortement était un choix des femmes de disposer de leur corps comme elles l’entendent.

Justin Trudeau a assuré le 4 mai que le ministre de la Santé, Jean-Yves Duclos, et la ministre des Femmes et de l’Égalité des genres et de la Jeunesse, Marci Ien, devaient «rapidement» étudier la manière de verrouiller ce droit… «Pas seulement maintenant, mais sous n’importe quel autre gouvernement dans l’avenir.»

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Parti conservateur du Canada
La candidate à la direction du Parti conservateur, Leslyn Lewis.

«On ne doit pas légiférer davantage» sur l’avortement

Jagmeet Singh s’est voulu rassurant. «Au Canada, je ne crois pas qu’on ait un problème avec ce droit qui est fort. La question ici, c’est l’accès aux services d’avortement.»

Le chef du NPD fait notamment référence aux défis persistant dans plusieurs provinces en matière d’accès à l’avortement, tant sur la couverture des frais que sur la proximité de ce service. Car c’est une encore réalité: dans certaines provinces en région éloignée, des femmes doivent conduire des centaines de kilomètres pour avorter.

À la question de savoir s’il fallait légiférer pour protéger davantage et de manière plus uniforme le droit à l’avortement au Canada, la députée Normandin a répondu par la négative. Comme Christine Normandin, Joyce Arthur, directrice générale de la CDAC.

«Là où il y a de la place pour l’amélioration, c’est l’accès à l’avortement. Le fédéral pourrait augmenter les transferts de fonds en santé aux provinces, pour avoir plus de poids et les encourager, par exemple, à adopter un programme de santé sexuelle et reproductive, avec un meilleur accès à l’avortement.»

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Le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh. Photo: Inès Lombardo, Francopresse

Inégalité entre les provinces

Elle souligne aussi que le fédéral pourrait renforcer la Loi canadienne sur la santé pour régler les problèmes d’accès, au Nouveau-Brunswick notamment, où seulement trois hôpitaux pratiquent l’avortement.

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Pour Joyce Arthur, l’accès pourrait rester un problème latent dans d’autres provinces si le fédéral ne fait rien, sans pour autant légiférer.

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Joyce Arthur, directrice générale de la Coalition pour le droit à l’avortement au Canada.

«La situation entre les États-Unis et le Canada en matière d’avortement est très différente politiquement», admet la directrice de la CDAC.

«Aux États-Unis, il y a beaucoup de restrictions à l’avortement. Au Canada, le Code criminel est sous juridiction fédérale. Les provinces ne peuvent pas passer de loi qui pourrait menacer l’avortement. Mais c’est vrai qu’ils peuvent le faire autrement.»

C’est ce qu’a tenté de faire le gouvernement conservateur de Blaine Higgs au Nouveau-Brunswick, qui refuse de couvrir les frais d’avortement en dehors des hôpitaux publics.

Et en matière d’avortement, la province qui fait plus mauvaise figure est l’Île-du-Prince Édouard, où les avortements sont pratiqués seulement depuis 2017. Avant cette date, l’avortement n’était pas interdit, mais il n’y avait aucun médecin qui pouvait en pratiquer.

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«Il faut que les Canadiennes restent vigilantes», a conclu la députée Christine Normandin.

Avortements d’Américaines au Canada?

La ministre fédérale de la Famille, des Enfants et du Développement social, Karina Gould, a évoqué en chambre la possibilité pour les Américaines de se faire avorter au Canada si l’arrêt de la Cour suprême américaine Roe c. Wade qui autorise l’avortement aux États-Unis était annulé.

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Elle n’a pas précisé comment ce service serait couvert pour ces femmes.

L’arrêt Morgentaler de 1988 décriminalise l’avortement. Aucune loi n’encadre l’avortement, mais plusieurs droits fondamentaux le protègent, tels que les droits «à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne» enchâssés dans la Charte canadienne des droits et libertés.

En outre, ce service est financé par l’État, en vertu de la Loi canadienne sur la santé.

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