Ne pas prendre les clowns à la légère

Zed Cézard, Les clownes sont-elles politiquement incorrectes?
Zed Cézard, Les clownes sont-elles politiquement incorrectes? Réflexions queers sur les pratiques clownesques des femmes, essai, Montréal, Éditions Somme toute, collection Cultures vives, 2022, 146 pages, 19,95 $.
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Publié 26/10/2022 par Paul-François Sylvestre

Zed Cézard aborde les thèmes de culture populaire, de féminisme et de pensée queer dans un essai-enquête sur la pratique clownesque des femmes. L’ouvrage s’intitule Les clownes sont-elles politiquement incorrectes?

Qu’il s’agisse du clown, du polichinelle, du pitre, du cabotin, du charlot, du joker ou du simple comique, l’amuseur publique est connu pour divertir, et parfois pour mettre à mal les règles sociales. «Ce ne sont pas des figures légères… ou à prendre à la légère.»

Pour satisfaire aux codes artistiques et sociaux d’un lieu et d’une époque, les clowns ont la particularité de devoir à la fois plaire et de déplaire. Le public s’attend à ce que les clowns créent «une convention de déconvention», c’est-à-dire une sorte de règle implicite qui les inscrit «en dehors des cadres culturels, artistiques et sociaux dominants».

Une clown ou une clowne?

À travers l’histoire, la figure clownesque apparaît de façon univoque comme masculine. En France, les clownes semblent inexistantes avant les années 1960.

L’auteur écrit «clowne», mais selon le dictionnaire.orthodidacte.com, pour désigner une femme clown, le féminin le plus courant est tout simplement la clown, une clown.

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Zed Cézard note que l’idéologie queer débusque les zones de tabou et fait des hors-normes des terrains de pensée et d’action «propres à subvertir les catégories politiques, le queer déconstruit dans une optique d’émancipation».

Sondage auprès des clownes

Cet essai fait suite à un sondage (en anglais) administré auprès des clownes dans divers pays. Une attention particulière a été accordée aux répondantes de la France, du Brésil et du Canada, selon leurs politiques culturelles.

Une répondante ontarienne avoue qu’elle ne voudrait jamais être artiste à Ottawa. «It’s the most anti-arts city I’ve ever lived in, for a few reasons. The local community’s complete disdain for anyone or any idea that doesn’t fit the mold.»

Une répondante française témoigne de son expérience interculturelle en soulignant que les clowns russes on une super technique… Que les clowns italiens ont une énergie incroyable… Que les clowns espagnols sont très poétiques. Et que les clowns japonais sont presque minimalistes, mais dès qu’un sourcil se lève, c’est étonnamment drôle.

Plus difficile pour les femmes?

Une répondante québécoise considère «qu’être femme dans ce monde de clowns est un handicap (à cause du regard des autres et des a priori) et il m’est arrivé souvent de ne pas sentir qu’on me fait confiance parce que je suis une femme».

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Une autre clowne québécoises croit que davantage d’opportunités s’offrent aux hommes. «I did sometimes feel my male colleagues got more stage time. […] I had to prove my value and bring a lot of decent ideas on the table to be listened to. Sometimes I would propose something that wasn’t heard and my [male] partner proposed the same a minute after and it got accepted.»

Cet essai démontre à quel point les identités clownesques se présentent, à travers l’essence idéologique de leur art, comme «indiscernables et/ou indéfinissables». En ce sens, elles sont «en mesure de se soustraire aux logiques de domination». L’auteur considère les sexes et les genres comme «une fabulation sociale patriarcale».

Clown politique

En conclusion, Zed Cézard note que si les pratiques clownesques ont longtemps été réduites à leur aspect débonnaire, facile et divertissant, «il nous importe aujourd’hui de repenser le sujet d’un point de vue différents, en considérant le politique au centre même de son exercice».

La dernière phrase est presque un coup de poing: «S’il n’y a rien de plus marrant et de plus cocasse, mais aussi de plus insignifiant au regard du social, en somme, que la présence de clown‧e‧s au sein de nos sociétés, c’est qu’iels y portent un poids politique insoupçonné.»

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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