L’incendiaire de Sudbury : jouer avec le feu et les mots

Chloé LaDuchesse, L’incendiaire de Sudbury
Chloé LaDuchesse, L’incendiaire de Sudbury, roman, Montréal, Éditions Héliotrope, collection Noir, 2022, 246 pages, 25,95 $.
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Publié 01/10/2022 par Paul-François Sylvestre

Des paumés disparaissent à Sudbury. Seraient-ils des cobayes pour l’étude clinique d’une redoutable chercheuse universitaire qui a «peu d’égards pour la dignité humaine»? Voilà le sujet du roman L’incendiaire de Sudbury, de Chloé LaDuchesse.

L’autrice est surtout connue pour son recueil Exosquelette, finaliste du Prix du Gouverneur général. Elle a été poète officielle de Sudbury de 2018 à 2020.

Fiction criminelle

L’incendiaire de Sudbury est sa première incursion dans la fiction criminelle. Elle est aussi la première hors Québec à publier dans la collection Noir des Éditions Héliotrope.

Protagoniste et narratrice, Emmanuelle se terre à Sudbury depuis quelques années. Elle joint les deux bouts grâce à des contrats de design web pour des clients plus ou moins réglos. Elle croise des gens à la morale flexible.

Les paroles de certains personnages transmettent sans distinction «des éclairs de lucidité et d’éhontés mensonges».

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Sudbury en retard de dix ans sur tout

Sudbury est aussi le sujet du roman. Bien que née à Montréal, Chloé LaDuchesse est une fière Sudburoise par adoption.

Elle peint diverses facettes de cette ville coincée dans un cratère de météorite, attirant puis broyant les âmes. Tout est possible à Sudbury, on peut s’y cacher, et même devenir des criminels, «juste le degré ça change».

Dans ce roman grouillant de vie et d’humour, on apprend que Sudbury a toujours été «en retard de dix ans sur tout le monde et en toutes choses».

Il est possible de prévoir, un jour, que le quartier Moulin à fleur «serait victime d’une vague d’embourgeoisement qu’annonçaient précocement les trois commerces végétaliens et le magasin de tables tournantes hors de prix ».

«Sudbury est une ville où l’on revient constamment sur ses pas.»

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De l’anglais un peu partout

Dans ce roman, la langue parlée se situe à divers registres.

La présence de mots, d’expressions et de périphrases en anglais demeure très courante. Sans surprise, on trouve: cool, full sensuel, se garder en shape, shiner ma moto dans mon driveway… Ou encore: être teamed up, une situation upsetting, tu vas être so happy.

Il y a aussi des tournures comme «c’est quoi qu’elle a fait ça pour?»

Mais ça devient plus corsé à certains moments. Le passage suivant m’a fait sursauter: «back in the days we wouldnt’t dare de cochonner la place de même, we had respect». Il n’y a jamais de traduction pour les passages en anglais.

Par son travail, Emmanuelle est condamnée à vivre de petites magouilles. Elle croise des gens entre l’errance et l’indigence. Elle joue avec le feu, en fait même un mode de vie.

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Pour Em, Sudbury est un aquarium géant où le poisson se frappe continuellement aux mêmes murs (voir la couverture du livre).

L’écosystème de Sudbury

En lisant L’incendiaire de Sudbury, on assiste, d’un chapitre à l’autre, «au grand chamboulement de l’écosystème du crime de la ville».

Dès qu’il y a une nouvelle piste, Em se pose deux questions. «Est-ce qu’il savait que je savais? Est-ce que ce que je savais était même vrai?»

L’intrigue peut laisser croire que la corruption ronge tout. Mais c’est plutôt la gentrification qui repousse les classes populaires dans les marges, où personne n’est sans reproche.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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