Éloge de la traduction littéraire

Lori Saint-Martin, Un bien nécessaire
Lori Saint-Martin, Un bien nécessaire. Éloge de la traduction littéraire, essai, Montréal, Éditions du Boréal, 2022, 304 pages, 29,95 $.
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Publié 08/05/2022 par Paul-François Sylvestre

Si vous lisez le roman d’un auteur russe, espagnol, japonais ou suédois, il est fort probable que vous ne remarquez pas qui l’a traduit. Pourtant, cette personne a donné une deuxième vie au texte. Elle a fait Un bien nécessaire, titre d’une longue réflexion de Lori Saint-Martin, romancière, essayiste et traductrice.

Dès la première page, elle précise que «la majorité des traducteurs littéraires sont en fait des traductrices». Pour cette raison, Saint-Martin opte pour la féminisation des mots: elle écrit autrices, éditrices, réviseuses et traductrices, «un féminin pluriel qui englobe le masculin».

Une ode à la traduction

L’autrice précise que ce livre est son ode à la traduction. «Partout, je mêle réflexion, opinions et exemples concrets dans l’espoir de faire comprendre la démarche des traductrices et la qualité de leur engagement.»

L’ouvrage est truffé de mots comme «traduction énergie, traduction incandescente, échange, dialogue, rapprochement». Si la littérature est un miracle, la traduction l’est aussi.

L’adage italien traduttore, traditore (traducteur, traître) est bien connu. Il n’en est pas fait mention comme tel ici. Il y est plutôt question de toute une panoplie de métaphores qui illustrent la beauté de ce travail.

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En voici quelques exemples: voyages, transparences, sauvetages, tendre, abîmes, voix, musique, danse, corde (traduire, c’est se trouver sur une corde raide pour ouvrir un nouveau chemin dans sa langue).

Sur la corde raide

«Cette corde raide, cette danse, ce mouvement des yeux – du sol vers les cimes – représente pour moi l’essence de la traduction. Sa beauté, sa précarité, son impossibilité, sa nécessité absolue» (reflétée dans le titre de l’ouvrage).

Comme la traduction suit un texte original, elle devient seconde dans le temps. Or, il résulte de ce travail un nouveau texte offert à un nouveau lectorat. «Et, ce faisant, devient première inaugurale.»

Un chapitre porte sur l’interprétation simultanée, domaine que l’autrice bilingue connaît très bien.

Si le va-et-vient entre deux voix, deux langues, peut être source de tension, c’est aussi une source d’invention, «une félicité profonde pour moi, une fête». Quand Lori Saint-Martin devient interprète, elle est pleinement heureuse. «Mes deux cerveaux roulent à plein régime, je suis là, bilingue, unie, totalement perdue – et complètement retrouvée – dans la traduction.»

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De la traduction à l’invention

En passant de l’original à la traduction, il y a nécessairement transformation, donc création. Tout en reprenant les traits essentiels de l’original, la traduction «en divergera toujours». Selon le public visé, blueberries devient myrtilles ou bleuets.

Ce qu’on retient surtout de ce brillant essai, c’est que traduire et écrire se logent à la même enseigne. Dans les deux cas, «c’est trembler, douter, chercher, tâtonner, corriger, revenir en arrière, réécrire, réécrire encore».

Lori Saint-Martin a signé, avec son conjoint Paul Gagné, plus de cent trente traductions de l’anglais qui leur ont valu de nombreuses récompenses, dont quatre Prix littéraires du Gouverneur général. Parmi les autrices traduites, on retrouve Louise Penny.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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