Reprise économique : entre optimisme et vigilance

L’analyse de Martin Coiteux

Alors que le variant Delta fait planer des incertitudes sur la reprise économique, l'économiste Martin Coiteux apporte son éclairage et analyse ses enjeux.
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Publié 17/09/2021 par Clément Lechat

Après une chute historique du produit intérieur brut (PIB) de 5,4% en 2020, la croissance sera de retour en 2021 avec augmentation prévue de 6%, selon la Banque du Canada. Une reprise économique «impressionnante», selon Martin Coiteux, chef en analyse économique et stratégie globale pour la Caisse de Dépôt et Placement du Québec, ancien ministre et ancien professeur à HEC Montréal.

«Malgré une récession profonde, la reprise a été très rapide. Bien plus rapide qu’après la crise économique et financière de 2007-2008. En ce qui concerne les États-Unis, ils ont déjà récupéré le niveau d’activité économique d’avant crise. À ce rythme-là, ce niveau sera dépassé», observe-t-il.

Reprise économique, Martin Coiteux,
Martin Coiteux.

Vaccination et optimisme

Au Canada, l’activité économique n’a pas encore atteint le niveau pré-récession de 2020. Martin Coiteux se veut cependant optimiste. «On commence enfin à s’en approcher. L’emploi tarde encore à retrouver son niveau d’avant la pandémie, ce qui est assez courant dans ce genre de situation post-récession», explique l’économiste.

Cette reprise énergique tient à de multiples raisons, comme l’action budgétaire très «musclée» des gouvernements envers les personnes et les aides aux entreprises.

D’autre part, l’intervention «marquée» des banques centrales a su redonner confiance aux marchés financiers en injectant de nouveaux dollars dans l’économie, selon M. Coiteux.

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Enfin, l’intensification de la campagne de vaccination joue un rôle dans la relance économique. Plus de 77% des Canadiens de plus de 12 ans ont reçu deux doses de vaccin.

Reprise économique, Martin Coiteux,
L’intensification de la vaccination fait espérer une reprise économique soutenue.
Source: Agence de la santé publique du Canada

Bien que le variant Delta fasse planer des doutes sur la reprise, l’économiste reste confiant. «Même un pays avec un haut taux de vaccination, comme Israël, peut connaitre une hausse des cas assez importante. Mais la bonne nouvelle est que nous sommes mieux protégés. Cela permet la pleine normalisation des activités économiques, notamment dans le secteur des services», insiste-t-il.

Une relance économique déséquilibrée

Néanmoins, la reprise économique cache certaines disparités, comme entre les différents secteurs d’activité.

Les biens dits «durables» (matériaux de construction, ordinateurs, téléphones portables, voitures) voient leur consommation s’envoler, tout comme l’investissement immobilier résidentiel. Un essor fulgurant né avec la pandémie, mais auquel il est difficile de répondre.

À l’inverse, le secteur des services reste encore largement déprimé.

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De plus, la relance économique n’a pas la même intensité dans toutes les provinces. Par exemple, le recul du taux de chômage est moindre en Alberta et en Ontario, où il atteint respectivement 8,5% et 8% en juillet, qu’au Québec et en Colombie-Britannique.

Le secteur pétrolier dans l’Ouest a largement souffert de la chute des prix du baril lors de la crise. Sauf que… «Malgré la remontée des prix, il y a des enjeux structurels qui font en sorte que l’économie albertaine a encore devant elle un certain nombre de difficultés», décrypte Martin Coiteux.

«En Ontario, l’économie est diversifiée et dynamique, mais en même temps davantage tributaire du secteur automobile que le Québec», poursuit-il.

Or, la pénurie mondiale de semi-conducteurs déstabilise les capacités de production dans la province. L’industrie automobile est pourtant un secteur central de l’économie ontarienne, qui représentait 2,4% de son PIB en 2017.

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La pénurie mondiale de semi-conducteurs affecte l’industrie automobile ontarienne. Photo: Pixabay

Pénurie de semi-conducteurs et inflation

Les exportations de véhicules neufs de l’Ontario vers les États-Unis sont aujourd’hui en berne. Or, selon Statistique Canada, 90% des automobiles produites dans la province étaient destinées aux États-Unis avant la crise.

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Au niveau national, l’agence fédérale note une baisse de 18,9% des exportations de voitures automobiles et de camions légers au deuxième trimestre de 2021. De leur côté, les ventes de voitures neuves ont chuté de 7,2%.

La demande de ces puces informatiques, utilisées dans les téléphones, les ordinateurs ou encore les téléviseurs, a fortement augmenté. Mais dans le même temps, la pandémie a perturbé les chaînes d’approvisionnement internationales. Cette pénurie pourrait même enrayer la reprise économique.

«Il y a des investissements à faire. Des milliards de dollars sont injectés», assure Martin Coiteux, pour qui la pénurie devrait perdurer au moins jusqu’en 2023. Pour le moment, elle agit comme un véritable «goulot d’étranglement», tant sur le marché des véhicules d’occasion que sur celui du neuf, où les prix ont augmenté de 7,2% en un an.

De façon générale, Martin Coiteux souligne que la reprise économique se caractérise par une inflation aux multiples causes. L’indice des prix à la consommation (IPC) a en effet subitement augmenté de 4,1% en un an. La question est maintenant de savoir si cette hausse des prix n’est que temporaire, ou si elle s’installera dans la durée.

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