Pour bien s’orienter, vaut mieux avoir du nez

Posséder un bon odorat et une excellente mémoire spatiale iraient de pair. Autrement dit, à l’instar des animaux qui s’orientent grâce à leur flair, les humains auraient conservé quelque chose de commun avec leurs lointains cousins.
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Publié 31/01/2019 par Isabelle Burgun

Posséder un bon odorat et une excellente mémoire spatiale iraient de pair. Autrement dit, à l’instar des animaux qui s’orientent grâce à leur flair, les humains auraient conservé quelque chose de commun avec leurs lointains cousins.

C’est ce que rapporte une récente étude québécoise publiée dans la revue Nature. «Ceux qui avaient une bonne mémoire spatiale possédaient aussi une plus grande capacité d’identification olfactive», assure Louisa Dahmani, actuellement étudiante postdoctorale à l’École de médecine d’Harvard et première auteure de l’étude québécoise.

Dans une ville virtuelle

Pour vérifier cette corrélation, 57 jeunes participants ont dû déambuler dans une ville virtuelle avec pour tâche de décider du chemin le plus court entre deux points. Dans un second temps, ils se sont livrés à un test d’identification olfactive de 40 «marqueurs odorants».

Les chercheurs ont constaté que l’un semble aller avec l’autre: ceux qui se repèrent aisément sont aussi ceux qui ont un bon sens de l’odorat.

De plus, ils ont vu, à l’aide de l’imagerie par résonance magnétique, que les plus doués aux deux tâches possédaient une plus importante zone du cerveau liées à la mémoire — hippocampe droit — et un épais cortex orbitofrontal médian, lié à l’olfaction.

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Le cerveau adulte plus rigide

Ils ont validé leurs résultats avec des patients atteints de lésions dans cette dernière zone du cerveau et ont confirmé leur manque d’orientation et d’olfaction. Il s’agissait d’adultes ayant subi des AVC ou des ablations de tumeurs au cerveau.

«Lorsqu’on subit une lésion dans le très jeune âge, le cerveau possède la plasticité pour réaménager les zones dédiées aux sens, ce qui n’est pas le cas chez les adultes. C’est pourquoi nos participants en souffraient et avaient moins de talent pour s’orienter», explique la jeune chercheuse.

L’équipe conjointe de chercheurs du département de psychiatrie de l’Université McGill et de l’Institut universitaire en santé mentale Douglas apporte ainsi sa petite pierre à une théorie défendue de longue date en biologie, sur l’apport du sens de l’olfaction à l’orientation.

La plupart des animaux

Se diriger à l’odeur serait en effet un mécanisme biologique partagé par la plupart des animaux.

«Repérer les changements chimiques de son environnement permet de réagir adéquatement à ce qui survient, c’est l’un des plus vieux comportements que partagent la majorité des vertébrés», convient le directeur du Groupe de recherche en activité physique adaptée de l’UQAM, Réjean Dubuc.

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«Même si, chez nous, on observe un meilleur contrôle de cette réponse sensorielle grâce à notre gros cortex — l’important centre de la mémoire et de l’apprentissage — qui nous permet de réprimer ces réactions.»

poisson
Les lamproies ont des «narines» sur la peau pour se guider. (Illustration: Wikipedia Commons)

Système de guidage

Mais même chez un animal possédant un système nerveux beaucoup plus simple que le nôtre, les choses ne sont pas aussi simples qu’elles en ont l’air.

C’est ce qu’a constaté l’équipe du Pr Dubuc en mettant à jour une seconde voie cérébrale chez la lamproie, un vertébré aquatique et redoutable prédateur de poissons.

Cette découverte rapportée dans une autre étude, lève le voile sur les dessous de l’olfaction comme source de locomotion et sur les échanges entre les centres olfactifs et locomoteurs du cerveau.

En réaction à de nouvelles odeurs, notre système nerveux active rapidement les zones du cerveau à la base des mouvements. À côté de cette voie directe qui est la nôtre, il existerait une voie parallèle formant un système de guidage plus efficace — bien que plus lent — qui permet à la lamproie de moduler ses mouvements.

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Des «narines» dans la peau

Ce système se trouve partiellement dans sa peau: en plus de ses «narines», ce poisson possède des cellules sensorielles olfactives dans la peau, ce qui le rend particulièrement efficace lors de sa prédation. Car ce poisson, s’il est consommé encore en Europe, s’avère un prédateur si efficace qu’il est considéré comme nuisible et espèce envahissante des Grands Lacs.

Ainsi, lorsqu’il repère une proie dans les courants marins, il s’en approche rapidement afin d’y accrocher son disque buccal, avec lequel il va sucer le sang du poisson.

Mieux comprendre la locomotion de la lamproie offre une piste de recherche inusitée afin de parvenir un jour à inhiber l’odorat de ce prédateur. En d’autres termes, se servir de son nez pour brouiller les pistes!

Auteur

  • Isabelle Burgun

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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