Écrire le temps présent, un exercice de style

Salon du livre de Toronto

Salon du Livre 2018
Nadine Bismuth (à gauche, interviewée par Anne Forrest-Wilson) a présenté son roman Un lien familial, publié aux éditions du Boréal.
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Publié 30/11/2018 par Claire Gillet

La Torontoise d’origine grecque Tassia Trifiatis-Tezgel et la Montréalaise Nadine Bismuth sont deux figures montantes de la littérature francophone canadienne.

À l’occasion de la 26e édition du Salon du Livre de Toronto, elles sont venues parler de leurs romans qui, chacun à leur manière, se focalisent sur le quotidien.

L’expérience de l’émigration

En 2011, Tassia Trifiatis-Tezgel et son mari partent s’installer à Istanbul, en Turquie. «C’était la rencontre du non-exotisme», raconte-t-elle.

Salon du Livre 2018
La romancière Tassia Trifiatis-Tezgel (à gauche, interviewée par Anne Forrest-Wilson) présentait son nouveau roman, Les platanes d’Istanbul, publié aux éditions du Passage.

«C’est très différent de voyager et de vivre dans un endroit. Nous résidions dans un quartier populaire pas nécessairement joli. Lorsque j’allais au marché, je faisais en sorte de déguiser mon accent afin de me passer pour une locale, et ainsi ne pas payer les tarifs réservés aux touristes. C’est en cela que notre expérience n’était plus du ressort de l’exotisme.»

Alors qu’elle donne des cours à des étudiants pour gagner un peu d’argent, Tassia Trifiatis-Tezgel décide d’abandonner l’enseignement pour se consacrer à l’écriture de son ouvrage, Les Platanes d’Istanbul.

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«Un jour, je suis allée jusqu’au terminus d’une ligne de bus, à l’autre bout de la ville. J’y ai vu des quartiers déserts où les vendeurs attendent des passants qui ne viendront pas, le portrait d’une société qui s’est jetée dans la modernité. À partir de ce moment-là, j’ai su que l’auteure avait pris le dessus sur la professeure.»

L’intemporalité d’Istanbul

Tassia Trifiatis-Tezgel s’emploie donc à raconter les anecdotes de sa vie sur place, au marché, dans la rue, auprès de sa nouvelle amie Özlem, une jeune Kurde avec laquelle elle noue des liens très forts.

Son roman est accompagné des illustrations de la Québécoise Caroline Lavergne, qui passe trois mois à explorer la ville en solitaire, et à la dessiner.

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Tassia Trifiatis-Tezgel s’est prêtée à une séance de dédicaces.

«Je m’intéresse au passage de la vie en général. L’intemporalité est la seule chose vraie pour l’être humain. C’est d’ailleurs pour cela que j’essaie d’assister au plus de mariages et d’enterrements possibles», s’amuse l’auteure.

«Les platanes me rappellent la Grèce où j’ai grandi, et je les ai retrouvés à Istanbul. Ce sont des arbres qui peuvent vivre plusieurs milliers d’années.»

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«Platane», c’est également le prénom que donne son amie Özlen à son petit garçon. «Une nouvelle fois, ce sont les passages de la vie qui m’ont ancrée dans cette amitié. Quand l’enfant est né, ma grand-mère est morte.»

L’intemporalité d’Istanbul, Tassia Trifiatis-Tezgel la décrit avec sa formule «pomme, pistache», des denrées que l’on retrouve dans la ville depuis toujours.

La complexité des relations humaines

De son côté, Nadine Bismuth s’intéresse à une situation familiale complexe. Elle confie d’ailleurs à l’audience que les relations conjugales et extra-conjugales sont des sujets prolifiques sur lequel elle pourrait écrire toute sa vie.

Adultère, fidélité, désenchantement, passion, son roman Un lien familial décrit le quotidien de deux narrateurs touchants et vulnérables qui se rencontrent.

Lorsque Magali apprend que son mari la trompe, elle se refuse à briser sa famille, et décide donc de lui rendre la pareille. Très soucieuse de la qualité de vie de ses enfants, elle est désemparée face à une société qui impose des standards infranchissables, et un paraître permanent.

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À l’opposé, Guillaume, père de famille monoparentale, est dingue de Magali. L’auteure décrit avec justesse la fougue et la maladresse de son amour naissant.

«Plusieurs critiques m’ont dit que je réalise des romans de mœurs. J’essaie de dépeindre ce que l’on vit aujourd’hui», explique-t-elle.

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Nadine Bismuth a présenté son roman Un lien familial, publié aux éditions du Boréal.

Utiliser le présent

«Pour moi, le quotidien renferme une angoisse existentielle», rapporte Nadine Bismuth. «Les personnages sont prisonniers du temps présent.»

Lorsqu’elle a commencé à écrire son livre, l’auteure a choisi d’instinct de faire parler ses personnages au présent.

«Contrairement au passé simple ou à l’imparfait, le présent ne permet pas de recul. J’ai fait quelques recherches, et je me suis rendu compte que l’utilisation du présent témoigne d’une déresponsabilisation narrative. J’ai alors compris pourquoi mes personnages utilisaient ce mode d’expression qui cadre parfaitement avec leur comportement.»

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Comment elle procède pour créer l’histoire? «Je laisse évoluer mes personnages eux-mêmes. C’est le livre le patron! Si votre intrigue se termine exactement comme vous l’imaginiez au départ, c’est que c’est mauvais signe.»

Auteur

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