En Amérique du Nord, la langue française baigne depuis trois siècles dans une mer anglophone. Cela ne nous a jamais empêché de parler, de chanter et d’écrire en un français de qualité. Or, voilà qu’une nouvelle mouture de notre langue vient grincher nos oreilles.
En commandant le roman After de Jean-Guy Forget, j’aurais dû me méfier et m’attendre à ce que des mots anglais parsèment le récit. Un «whatever», un «all right» ou un «nightlife» par-ci par-là ne font plus sourciller, mais quand je lis «au peak de mes déchéances» et «un Nous always too far» dans le premier paragraphe du livre, je me pose sérieusement des questions.
Le tarois
La romancière franco-ontarienne Hélène Koscielniak a déjà défendu le bien-fondé d’écrire des dialogues exactement comme les jeunes les prononcent, dans un franglais qu’elle appelle le «tarois». Je veux bien, tant que la narration demeure correctement française.
After est le premier roman de Jean-Guy Forget. Il est écrit au je qui «lis pretty much toujours sous l’effet de substance, même complètement fucking wasted».
Je n’hésite pas à dire que l’écriture de ce roman est diablement gaspillée. Forget avoue que sa «masculinité est trouée…», tout comme son français, pourrais-je ajouter.
L’auteur souhaite se «détacher de certains conditionnements, des normes de la masculinité et de l’hétérosexualité», mais la langue utilisée bousille complètement sa démarche, aussi honnête soit-elle.