Roman savoureusement intimiste de Claude Tatilon

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 08/10/2013 par Paul-François Sylvestre

Quelques jours, quelques semaines avant sa mort, Claude Tatilon mettait la touche finale à un roman d’aventures fondé sur la réalité historique.

L’action d’Une fleur au fusil se passe en bonne partie durant les années 1942-1945, en pleine Résistance française. Malgré ces heures sombres de l’Histoire, le roman se veut surtout un vibrant plaidoyer en faveur des plaisirs de la vie, plus un commentaire intéressant sur «la peinture émotionnelle».

Le personnage principal est Gabriel Loverelli, un Marseillais qui s’engage dans les Forces navales françaises libres pour suivre l’exemple de son père disparu à Dunkerque en 1940 et lutter contre l’intolérable occupation allemande. Gabriel se rend en Angleterre avec son ami Henri, comme «cul et chemise», dira-t-il. Mais Henri, poète à ses heures, «a la métaphore plus noble; il préfère parler de Castor et Pollux […] ou de Montaigne et la Boétie.»

Pour se rendre en Angleterre, Gabriel et Henri doivent traverser l’Espagne, puis le Portugal. Ils rencontrent une Maria que l’auteur décrit comme un «petit bout de femme dont la détermination doit faire au moins vingt fois sa taille». On pense tout de suite à Manuela, veuve de Claude Tatilon.

En arrivant en Angleterre, pour une formation comme opérateur de radio clandestine, Gabriel voit son adolescence «basculer dans l’âge de l’incertitude et de tous les dangers». Lui et Henri apprennent comment coder des messages qu’ils devront envoyer depuis la Provence. Occasion en or pour défendre «ma pauvre France» et déjouer «les salauds qui l’occupent».

Publicité

À Londres, Gabriel rencontre la charmante Kate, une femme-rêve qui a tôt fait de lui rappeler chaque jour «la beauté de la vie et le bonheur d’exister».

Le rêve, comme vous vous en doutez bien, se transforme en passion. Mais une autre réalité attend Gabriel: «le monstre de la guerre, la lutte, l’engagement, tout ça. […] Oui, papa, le devoir! L’engagement, la vaillance, l’honneur… Tout ça.»

Kate ne parle pas le français et les échanges entre elle et Gabriel font très peu l’objet de dialogues. Ces échanges n’en demeurent pas moins très éloquents parce que soulignés d’un trait noir par le silence. «Des choses sont dites, importantes, sans que nous ayons besoin de les dire. Notre intimité, moulin sans paroles, s’épanche en confidences muettes.»

La seconde partie du roman se déroule au lendemain de la victoire des forces alliées et porte essentiellement sur la peinture, vocation première de Gabriel. Les réflexions de l’auteur sont tellement prenantes qu’on se demande si Claude Tatilon n’était pas peintre à ses heures…

Il écrit que Gabriel «aime ça quand l’art se gonfle au point de faire éclater les coutures du réel». Ce qui lui pose le plus de difficultés, «c’est comment trouver les couleurs du rêve». L’art dont il est question ici, c’est la peinture émotionnelle, celle qui «renvoie l’observateur à lui-même, c’est-à-dire à ses propres émotions face à l’œuvre qu’il a sous les yeux».

Publicité

De tous les romans écrits par Claude Tatilon – Helena, Les Portugaises ensablées, La Soupe au pistou – Une fleur au fusil demeure sans doute son legs le plus important. Pas autobiographique, peut-être, mais savoureusement intimiste!

Claude Tatilon, Une fleur au fusil, roman, illustrations de Christine Tatilon, Toronto, éditions du Gref, 2013, 185 pages, 18,95$.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur