En 1606, paraissait «chez David Douceur, Libraire juré, rue saint Jacques, à l’enseigne du Mercure arresté, avec privilège du Roi et de l’empereur» le Thresor de la Langue Françoyse, tant Ancienne que Moderne.
C’est véritablement le premier dictionnaire qui présente les caractéristiques d’un dictionnaire français monolingue et qui ouvre la voie à tous les dictionnaires français ultérieurs que nous connaissons, y compris celui de l’Académie française. Ce dictionnaire est le fruit d’une importante évolution sociale et linguistique, le passage du latin au français.
Au XVIe siècle, comme l’explique le grand spécialiste des dictionnaires anciens, le professeur Russon Wooldridge de l’Université de Toronto, «la langue [française] se cherche encore, elle acquiert un statut officiel dans la vie civile, elle est défendue et illustrée par les écrivains (Du Bellay, Ronsard) et les savants (Henri Estienne); le poids du latin est pourtant encore déterminant. Dans les écoles, le français est essentiellement une voie d’accès au latin (premiers dictionnaires de Robert Estienne).»
En 1539, le roi de France François 1er signe l’ordonnance de Villers-Cotterêts, qui fait du français la langue officielle du droit et de l’administration, en lieu et place du latin, pour faciliter la bonne compréhension des actes de l’administration et de la justice. Et la même année paraît le Dictionaire Francoislatin, contenant les motz & manieres de parler Francois, tournez en Latin de Robert Estienne, conçu pour le «soulagement de la ieunesse Francoise, qui est sur son commencement & bachelage de literature», dit-il dans la préface. Ce dictionnaire – ce mot date donc de 1539 – connaîtra quatre éditions remaniées, avec de multiples additions faisant de plus en plus de place au français.
Mais c’est un certain Jean Nicot qui le fera évoluer de la manière la plus significative avec son Thresor de la langue françoyse, qui paraît en 1606, six ans après la mort de son auteur. Jean Nicot, né à Nîmes en 1530, fut ambassadeur de France à Lisbonne de 1559 à 1561. C’est là qu’il découvre le tabac, surnommé l’herbe à Nicot, qu’il introduit à la cour du roi de France. La nicotine porte son nom.