2 séries, 2 films et 2 courts-métrages à voir sur Club Illico, Apple TV, Tënk, Acorn…

Périodiquement dans l-express.ca, l’équipe de Cinéfranco, le festival torontois du film francophone, partage avec vous des suggestions de films ou de séries sur les plateformes Netflix, Apple TV, Disney, Club Illico et plusieurs autres.

Voici deux séries, deux films et deux courts-métrages disponibles ce mois-ci.

TESTAMENT

Le septuagénaire Jean-Michel Bouchard réside dans une maison de retraite dirigée par Suzanne Francoeur. Célibataire, sans enfant, il aime se promener dans de beaux cimetières tout en débitant ses vérités comme un long fleuve de litanies.

«Plus je vieillis et plus je suis déconnecté de tout.» Il s’ennuie de ses morts, lit les notices nécrologiques comme un vieux. En tant qu’archiviste, Jean-Michel va contribuer à la marche de l’histoire, car «on ne peut rien cacher aux archivistes».

Enfin, un groupe de jeunes se manifeste pour demander la destruction d’une fresque historique murale annonçant le génocide des Premières Nations.

Un scandale médiatique exige une solution réclamée par une ministre de la Santé ridicule: «La laïcité de l’État est pour nous fondamentale, et à cause de ça nous sommes poursuivis en Cour suprême à la fois par les Juifs et les Arabes… Les Autochtones, c’est un problème insoluble… On gouverne avec les apparences…»

Suzanne Francoeur, au pied du mur, doit trouver une solution quand surgit dans son bureau Robert Lepage en sous-ministre de la Culture flanqué d’Yves Robert en Directeur des Arts. Leur superbe interprétation est un vrai bijou scénaristique! Leurs tirades politico-culturelles sont hilarantes et cousues de propos satiriques: «Tous les ministres sont incultes, c’est un prérequis au Canada.»

L’appropriation culturelle, les livres remplacés par des jeux vidéo en maison de retraite, le règne féministe projettent une vision mouvante d’une société à la dérive, selon Denys Arcand, soutenu avec grâce par ses interprètes, dont l’immense Rémy Girard.

MAUVAISE FOI

Sarah est juive. Ismaël est musulman. Ils s’aiment depuis quatre ans et attendent un bébé pour leur plus grand bonheur. Maintenant qu’ils vivent ensemble, il est temps pour Sarah de présenter son fiancé à ses parents Lucie et Victor Breitman.

«Les Pollaks seront surpris quand ils verront ta tronche», lance Milou, l’ami juif d’Ismaël. Ce n’est pas peu dire! Les Breitman sont secoués. De son côté, Ismaël n’ose pas parler de Sarah à sa mère.

Outre la tension parentale, les gestes surgis des identités respectives des amoureux érodent leur relation. Sarah installe un symbole religieux (la mezuza) à l’entrée de l’appartement. Ismaël fait le ramadan.

La discorde règne: le prénom du bébé, sa religion, la circoncision attisent leur zizanie sur fond de conflit israélo-palestinien martelé aux nouvelles télévisées.

Le malaise n’épargne pas les amis du couple. «Les Juifs en ce moment n’ont pas de quoi être fiers. C’est des barbares. Regarde comme ils massacrent nos frères palestiniens», accuse Karim. «Quels frères? Tu ne sais même pas où se trouve la Palestine», s’insurge Milou.

Le film date de 2006 et reste d’actualité en 2024!

Étoile d’Or du premier film, Roschdy Zem navigue entre gravité, humour et tendresse, avec une distribution de choix du regretté Jean-Pierre Cassel (qui appelle Ismaël Israël), jusqu’à la jeune Leila Bekhti, la superbe Cécile de France et un Pascal Elbé très crédible.

L’Amour serait-il un baume dans les relations épineuses entre Juifs et Musulmans… À vous de voir!

MADELEINE

Madeleine est une centenaire pleine de vie et d’humour. Son amie brésilienne, de 67 ans plus jeune qu’elle, veut l’amener à la plage. Elles embarquent dans une voiture de fortune qui les lâche en plein désert saharien avec chameau et tempête de sable…

Entre animation et images réelles documentaires, ce voyage prend des allures épiques. La tendre alchimie entre ces deux femmes que des générations séparent est touchante.

Quel est donc le secret de longévité de Madeleine? Son naturel optimiste et sage ou tout simplement apprendre à nager? «On ne peut pas mourir sans savoir nager. C’est pour ça que ça tarde que je ne meure pas.»

Ce film plein de charme s’est mérité le Prix du Public et le Prix du Meilleur Personnage au Sommet du cinéma d’animation en 2023, entre autres multiples récompenses.

ENCORE PINA

Un jeune homme à la silhouette longiligne d’un blanc éclatant interprète en langage des signes la chanson de Barbara Quand reviendras-tu?

Ses mouvements sont fluides, l’ombre de ses mains se reflète sur sa chemise, son visage inspire la grâce, et la voix de Barbara résonne avec mélancolie lorsqu’elle n’est pas effacée par le bruit du train.

Ici ce ne sont que des mots. Il faut voir cet hommage touchant au documentaire de Chantal Akerman Un Jour Pina a demandé, qui avait suivi la troupe de la chorégraphe Pina Bausch en tournée en France, Italie et Allemagne pour capter «le talent féroce», selon l’Académie des Beaux-Arts.

La réalisatrice Claudie Lévesque réussit en quelques minutes à nous enrouler dans cette spirale de sons et de gestes pour nous hypnotiser.

Ici, trois artistes s’entrecroisent entre passé, présent et projection d’un imaginaire intemporel… Sans oublier que «sourds et entendants se côtoient depuis toujours et ne se rencontrent pas vraiment»… Une odyssée fascinante!

MONSIEUR SPADE

Monsieur Spade, sous les traits de Clive Owen, n’est autre que la réincarnation de Sam Spade, immortalisé par Humphrey Bogart dans le film noir Le Faucon maltais, adapté du roman de Dashiell Hammett.

Monsieur Spade a pour mission d’amener Teresa à sa famille, mais personne ne semble en vouloir. Ni sa grand-mère ni son père, Philippe Saint-André, aussi dangereux qu’insaisissable.

Alors que Sam Spade croyait mener une vie paisible à Bozouls, dans le Sud de la France, il est rattrapé par un horrible assassinat de nonnes.

Sa vie est constellée de personnages complexes, mais bienveillants, comme la riche Gabrielle ou Marguerite copropriétaire du bar de jazz, ou encore Teresa menant ses propres enquêtes.

La période des années 60 est marquée par la guerre d’Algérie, source du syndrome posttraumatique militaire de Jean-Pierre, mari de Marguerite. Plane l’ombre malfaisante de Philippe Saint-André, en possession d’un petit garçon qui pourrait changer la donne de l’histoire.

Dans cette coproduction AMC et Canal+, on parle bien le français grâce à une distribution de haute qualité composée de Chiara Mastroianni, Louise Bourgoin, Denis Ménochet, Jonathan Zaccai entre autres. Et on parle aussi un français quelque peu écorché par l’acteur Clive Owen, Britannique qui adopte l’accent américain pour signifier son origine franciscanaise. L’acteur confesse qu’il a appris son dialogue français phonétiquement.

La musique aux tonalités de jazz donne à la série cette atmosphère de mystère dans le dédale de l’intrigue. Clive Owen la porte sur les épaules avec des mesures d’humour, d’émotions et de distance bien dosées.

BELLEFOND

En plein tribunal, sous les yeux effarés du célèbre procureur Antoine Bellefond, l’homme qu’il juge criminel se suicide en clamant son innocence. Traumatisé, Bellefond décide d’enseigner le droit pénal à la faculté en attendant de se remettre. Mais sa pause s’avère de courte durée.

Noémie Ajard, fille de sa soeur Constance et de son beau-frère Christophe, lui demande d’innocenter son père qui s’accuse du meurtre de Jean-Pierre Cranjeon. Accompagné de trois de ses fidèles stagiaires, Antoine se rend dans son village de la Drôme pour élucider le mystère familial et villageois.

Dans l’enquête menée par la cheffe de police Audrey (l’ex d’Antoine), «rien ne colle».

«On est en train de faire le boulot que la gendarmerie aurait dû faire», dit Kevin, un des stagiaires. Mais voilà, la série devient le manuel rudimentaire du béaba sur l’enquête judiciaire.

À part une fin plutôt inattendue, le premier épisode de la série n’est pas servi par son personnage central interprété par Stéphane Bern, chroniqueur réputé des Secrets de l’Histoire.

Certes Stéphane Bern n’en est pas à sa première prestation. Mais ici il ne fait pas le poids avec sa rigidité, ses grimaces en guise d’émotions, le débit monocorde de ses répliques.

Dommage, car la distribution est bien menée avec Alexandra Vandernoot (Constance), Anne Caillon (Audrey), Juliette Plumecocq-Mech (Andrée) ou Jean-Marie Winling (le père d’Antoine) pour ne citer que quelques-uns des bons acteurs.

L’épisode pilote n’augure pas de bonnes choses. Seul le deuxième épisode, sur quatre, se trouve actuellement sur tou.tv. Une deuxième saison serait prévue.