3 séries, 1 film, 4 courts-métrages à voir ces temps-ci sur les plateformes

Périodiquement dans l-express.ca, l’équipe de Cinéfranco, le festival torontois du film francophone, partage avec vous des suggestions de films ou de séries sur les plateformes Netflix, Crave, Apple TV, Disney, Club Illico et d’autres.

Voici trois séries, un film et quatre courts-métrages disponibles ce mois-ci.

ALPHONSE

Nicolas Bedos, réalisateur et scénariste d’Alphonse, nous plonge dans le monde intrigant des désirs sexuels de femmes âgées.

Prime Vidéo a introduit cette série sans faire de bruit car M. Bedos est accusé d’agression sexuelle et de viol… Mais quelle histoire!

Jacques Bisson, gigolo septuagénaire, est en perte de vitesse. Pour maintenir sa clientèle de femmes mûres, il fait appel à son fils, Alphonse, quadragénaire en pleine déroute professionnelle et conjugale.

Jacques initie son fils à l’art de satisfaire ces vieilles dames excentriques, riches, fantaisistes.

Actes et références sexuels ne manquent pas et prennent des tournures drôles.

Ainsi une des clientes, Adèle Clément, est folle de Victor Hugo et de poésie. Jacques, outré qu’elle ne lui ait pas donné la grosse somme d’argent dont Alphonse a hérité, se plaint qu’il a dû «se taper toute la Pléiade» en plus de Paul Valéry!

Outre sa fixation littéraire, Adèle a un neveu drogué qui veut la dévaliser… Une histoire compliquée qui introduit des personnages inattendus, dont Wilfred joué par l’ineffable Vincent Macaigne.

La distribution est époustouflante. Outre Pierre Arditi en pleine forme et Jean Dujardin très convaincant, c’est un ballet de grandes dames du cinéma qui défilent: Nicole Garcia, Marie-Christine Barrault, Chantal Neuwirth, Elsa Zylberstein, Laura Morante.

Charlotte Gainsbourg décroche le pompon en épouse infidèle, castratrice…

Une série déroutante par moments, pleine de surprises, d’aventures teintées d’humour et d’intrigues.

Prudes, abstenez-vous si vous ne pouvez voir de la nudité, de l’activité sexuelle ou entendre les insinuations misogynes et homophobes.

PAX MASSILIA

Au coeur des actualités télévisées françaises, Marseille devient le lieu d’une nouvelle forme d’esclavagisme moderne transformant de «jeunes paumés» en forçats du trafic de drogue.

Venus de partout pour une poignée d’euros, ils deviennent «jobbers», c’est-à-dire guetteurs, rabatteurs, et finissent par se faire abattre.

Pax Massilia, reflet frappant de cette réalité, plonge dans les entrailles brutales et meurtrières d’un groupe de policiers aux méthodes douteuses à la chasse de truands de la drogue qui s’entredéchirent.

Cette série rappelle, dès le premier épisode, la tragédie des balles perdues qui tuent des innocents piégés dans des fusillades de règlements de compte.

Le sang, les coups de poing violents, les coups de poignard répétés, les égorgements rythment la série. Les chantages émotifs insoutenables, imposés aux jeunes jobbers, s’ajoutent à des poursuites en voitures, en motos dans une ville aux mille visages.

Marseille est un personnage en soi avec ses plans aériens magnifiques ou ses cités ouvrières qui contrastent avec le luxe des villas des riches escrocs.

Olivier Marchal, réalisateur et scénariste, aime tellement cette ville qu’il s’y est installé. Ce roi du polar aux nombreux films et séries policiers à succès semble diriger les scènes d’action au millimètre près.

Ses acteurs, de Duvauchelle à Jallab, crient de vérité dans leur rôle inspiré par de réels professionnels. Les dialogues sont cinglants et cyniques: «Je ne compte que l’argent, pas les morts».

Au top des 10 séries les plus vues sur Netflix dans 70 pays, cette série de 6 épisodes est passionnante!

DÉTECTIVE SURPRENANT – LA FILLE AUX YEUX DE PIERRE

Dès les premières vues aériennes du Cap-aux-Meules, dès les premières phrases à l’écran, «L’Archipel des Iles de la Madeleine compte 12 000 habitants seulement deux meurtres ont été commis en plus de 20 ans», le ton est donné, effrayant et bouleversant!

Rosalie Richard, 19 ans, fille du maire, Roméo Richard, est retrouvée morte sur la plage, mains liées dans le dos, gros coquillage saillant de sa bouche. Dans une communauté où tout se sait, le mystère reste béant.

Le détective Surprenant, ancien membre des crimes majeurs à Montréal, exilé dans l’Archipel, commence à enquêter, lorsque l’inspecteur-chef Sébastien Gingras, son ex-collègue, l’évince pour prendre les rênes.

L’atmosphère est tendue entre les deux hommes: chacun cherche à montrer ses compétences supérieures au fil des meurtres et des incidents.

Patrick Hivon incarne le détective Surprenant tourmenté, avec un réalisme nuancé et attachant. Il est présent dans les 6 épisodes, essuyant des propos vexants et des rejets malgré la qualité et la justesse de ses observations.

Les agents de son équipe le soutiennent, aux prises cependant avec la pression de devoir le discréditer auprès de Sébastien Gingras.

Les rebondissements ne manquent pas. Dr. Bernard Samoisette, sa femme, la psy, Julien Cormier, l’ex de Rosalie ou John Flaherty, son prof amoureux… Quels pourraient être les suspects?

Dans le décor naturel magnifique des Iles de la Madeleine, le suspense tient en haleine jusqu’au bout.

Une histoire bien ficelée, à ne pas manquer par la qualité de ses interprètes et la densité de son scénario inspiré des romans policiers de Jean Lemieux.

UN DIVAN À TUNIS

«Je me sens bien ici… comme si j’avais été appelée», lance Selma, native de Tunisie, au fantôme de Sigmund Freud.

Selma, psychanalyste de 35 ans, vient de Paris pour pratiquer son métier dans une banlieue lointaine de Tunis où tout le monde s’interroge sur son état mental. Que vient-elle faire dans cette galère où les gens manquent de tout?

Après la fuite de Ben Ali, la Révolution aura libéré la parole. Alors, elle sert à quoi cette psy?

Selma est-elle une agente du Mossad avec ce grand-père à barbe portant la chéchia, Freud, qu’elle appelle son patron?

Est-elle une prostituée? «La prostitution est interdite même avec un passeport français», lui crie un agent de police.

D’ailleurs Naïm, le policier en chef, lui rappelle que la Tunisie est un état de droit, et qu’elle doit avoir une autorisation du ministère de la Santé pour ouvrir son cabinet. Est-elle «naïve, idéaliste, stupide»?

La course pour ce papier dans les coulisses administratives est à la fois drôle et révélatrice du désordre qui règne.

Golshifteh Faharani, solaire, mène le jeu avec énergie et humour. Les acteurs qui l’entourent déploient le même sens de drôlerie dans leurs propos.

À bien tendre l’oreille, la réalisatrice nous murmure des vérités sur le pays. L’imam lui confie: «Nous, les Arabes, on a du mal à parler. C’est une question de confort» (allusion au sofa de la psy). La jeune Olfa se sent coincée…

Un véritable bijou de film plein d’humour interprété avec brio.

LES FILMS DE ALAIN CAVALIER – FRAGMENTS D’UNE OEUVRE

Émile Dufresne, assistant aux acquisitions chez Tënk et cinéaste, capte bien le sens de quatre courts-métrages du réalisateur français Alain Cavalier.

Plus que des portraits, ce sont des rencontres: le film devient cet espace partagé entre le filmeur et la filmée, dont nous sommes les témoins privilégiés.

Des films dont la générosité n’a d’égal que la belle modestie de chacune des protagonistes. Chaque court-métrage met en exergue les caractéristiques du métier et la façon dont il est pratiqué.

Dans L’Opticienne, Mme Sarfati mêle souvenirs de famille à son choix de l’optométrie. Alain Cavalier évoque ses rêves où il perd la vue. Le film s’achève sur une photo, dernier témoignage du meilleur ami d’Alain Cavalier, mort sur un champ miné. C’est très touchant.

Le portrait de Marie, La Rémouleuse édentée, dévouée à son travail dont l’une de ses mains est déformée par le métier, va droit au coeur avec l’histoire de sa vie. C’est avec une ouverture incroyable qu’elle laisse Alain Cavalier ouvrir son porte-monnaie et son sac de travail.

Mme Bouveret, elle aussi, se révèle avec sincérité: elle met sur la table ses instruments de travail, ses mains également affectées par la fabrication des matelas. La Matelassière nous touche par son courage de mère, de femme ayant vécu dans la France occupée.

La Gaveuse (Mme Bouillon) s’est avéré plus difficile à visionner malgré les mesures prises pour ne pas faire souffrir les oies. Son enthousiasme fait plaisir quand même!

Tënk offre une excellente introduction biographique et critique des films d’Alain Cavalier, à ne pas manquer!