4 films et 1 série à voir ce mois-ci sur Netflix, AppleTV, MUBI, Tou.tv, Club Illico…

Périodiquement dans l-express.ca, l’équipe de Cinéfranco, le festival torontois du film francophone, partage avec vous des suggestions de films ou de séries sur les plateformes Netflix, Crave, Apple TV, Disney, Club Illico et d’autres.

Voici quatre films et une série disponibles ce mois-ci.

ANATOMIE D’UNE CHUTE

L’oeuvre de Justine Triet a remporté 56 récompenses, dont la prestigieuse Palme d’Or du Festival de Cannes 2023 et tout récemment le Golden Globe du Meilleur scénario.

Deux écrivains, Sandra et Samuel, vivent dans un chalet alpin près de Grenoble, avec leur fils malvoyant Daniel âgé de 11 ans.

D’emblée, le film frappe: ambiance glaciale, étrange, luminosité froide issue d’un paysage montagneux enneigé. Une femme, Sandra, essaie de discuter avec une journaliste, mais une musique de plus en plus forte et intrusive empêche la communication.

C’est certainement Samuel, partenaire de Sandra, qui affirme sa présence. Il reste invisible cependant, alors que Daniel se prépare à sortir avec son chien.

Après la promenade, Daniel «tombe» sur le corps ensanglanté de son père mort. Que s’est-il donc passé? Accident? Meurtre? Suicide?

Sandra est accusée du meurtre. Elle expose son point de vue à son ami avocat, Vincent Renzi. La caméra cadre Sandra sans empathie, elle qui clame avec force son innocence: gros plans sur son menton, sur sa bouche ou encore regard frontal défiant…

Un an plus tard, le procès d’accusation implacable dénonce la tension, la jalousie dans le couple. L’avocat général agressif profite d’un enregistrement surprise de dispute dans le couple pour cogner davantage.

Mais le coup de théâtre s’abat lorsque Daniel, ayant eu la permission d’assister à tout le procès, devient le témoin clé.

Le film brille par ses interprètes remarquables, son rythme, ses ambiguïtés qui brouillent les pistes avec ce va-et-vient troublant du français à l’anglais.

SOUS EMPRISE

Roxane (Roxy) quitte Paris pour s’inscrire à l’école de Pascal Gauthier, champion du monde d’apnée No-Limit. Dès leur rencontre initiale, Pascal, en prédateur, entraîne Roxy dans une rencontre sexuelle intense. Il devient son amant toxique et son mentor, lui inculquant les dessous du métier.

Les premiers moments de formation résonnent comme un documentaire étalant les énormes risques de la plongée en apnée.

Mais les images saisissantes du film font oublier l’enjeu: Roxane et Pascal s’adonnent à un ballet plein de grâce et de fluidité dans un décor où flottent plantes aquatiques et quelques poissons.

Les paysages côtiers de Guadeloupe, de la Côte d’Azur en vues aériennes pour certaines et leurs reliefs rocheux sont rehaussés par les couleurs azur de la mer et la lumière du ciel.

La beauté du décor, capté par le directeur de la photographie Thomas Hardmeir, est mise en valeur par la véracité du jeu des acteurs qui se sont effectivement entraînés avant le tournage.

Chaque plongée de compétition est vibrante de suspense. Camille Rowe (Roxy) et Sofiane Zermani (Pascal) incarnent bien cette relation gangrénée par l’abus et la jalousie de l’amant face à la passion amoureuse de Roxy.

«Au-dessus, nous avons la terre, l’air, la lumière du soleil. En dessous, l’univers aquatique, la profondeur et la pression. Plus vous vous enfoncez dans ce monde, plus il devient sombre et plus hostile»: paroles fatidiques du professeur de l’environnement marin.

Le film est inspiré d’une histoire vraie… cause d’une poursuite judiciaire contre Netflix!

INTERDIT AUX CHIENS ET AUX ITALIENS

Prix du jury au Festival d’Annecy 2022, le film d’animation d’Alain Ughetto, réalisateur marseillais d’origine piémontaise, fait l’apologie de la lutte de sa famille pour surmonter les conditions difficiles de vie au village d’Ughettera.

Outre la dureté des hivers, le chômage, l’Église et ses prêtres dépouillent les habitants du village du peu de nourriture faisant peser un horrible chantage sur les familles démunies. Le fascisme, les patrouilles intrusives des soldats de Mussolini, l’obligation de servir militairement l’Italie, sèment la mort et le deuil.

C’est dans ce contexte socio-économique et historique que va évoluer la saga familiale d’Alain Ughetto, à commencer par l’amour entre son grand-père Luigi et sa grand-mère Cesira.

L’animation en image par image (stop motion), le décor et les dialogues enveloppent cette histoire d’immigration et de dur labeur d’innocence et de tendresse.

Les visages illuminés par les grands yeux des personnages quelquefois affamés, ou curieux ou bouleversés, les voix nuancées et chaudes d’Ariane Ascaride (Cesira) et d’Alain Ughetto, les arbres en forme de brocolis, confèrent un aspect touchant artisanal au film.

L’apparition des mains du réalisateur faisant bouger les personnages ou les objets souligne le passage de main en main de son héritage familial. L’infrastructure routière de la France (tunnels sous les montagnes, voies ferrées…) doit beaucoup à ces «Italiens qui savent tout faire».

«Alain Ughetto fait de l’histoire de sa famille un récit universel empreint de douleur, de solidarité et de fraternité…», a commenté Franceinfo Culture. À ne pas manquer!

À noter que le film d’animation Interdit aux chiens et aux Italiens est au programme du Festival Cinéfranco Jeunesse, qui se déroulera du 20 février au 7 mars au Cineplex Empress Walk, 5095 rue Yonge à Toronto (station de métro North York Centre).

DE ROSINE À CLAUDE JEANNE

Française d’origine, établie à Toronto depuis 1972, Claudia Lebeuf a été directrice administrative du Théâtre français de Toronto pendant 10 ans.

Le regard pétillant, elle raconte sa vie avec un charme fou, un humour craquant et un savoir approfondi dans le documentaire De Rosine à Claude Jeanne.

C’est un voyage fascinant d’exploration dans le temps, cousue de documentaires d’archives, de portraits de famille, de correspondance et de détails passionnants sur la vie de Rosine, l’arrière-grand-mère de Claudia/Claude Jeanne, une femme hors du commun, à la «vie très originale» enjambant deux siècles (1838-1931).

Rosine est trilingue, musicienne (piano), cantatrice à sa guise, dessinatrice, peintre, économe à la congrégation Notre Dame de Sion qu’elle quitte à l’âge de 35 ans après 13 années de noviciat.

En filigrane tout au long du récit: les éloges pour les femmes de la famille. Dont Jeanne, troisième fille de Rosine, qui s’est sacrifiée pour élever les enfants de sa soeur Alice. En traçant les similitudes entre sa vie et celle de son arrière-grand-mère Rosine, Claude Jeanne partage son épopée canadienne avec entrain.

Le Toronto francophone aux précieux jalons brille alors de mille feux: Micheline Saint-Cyr, la Chasse Galerie, le théâtre du P’tit Bonheur, les comédiens et metteur en scène comme le brillantissime Guy Mignault…

Ce documentaire est un vrai bonheur grâce au dynamisme de Claude Jeanne et à son infatigable passion pour la vie. «Il faut voir dans tout échec la petite étincelle qui vous permet d’aller plus loin», dit-elle avec son sourire charmeur.

Et vive l’aventure à l’âge de 87 ans!

LES HONORABLES

Ludovic et Lucie Dessureaux, tous deux juges, ne vivent plus ensemble. Ils viennent de vivre la perte de l’une de leurs trois enfants, Gabrielle, jeune athlète sauvagement tuée.

Son présumé assassin, Tristan Rabeau, vient d’être acquitté, au grand dam de la famille entière: Alicia, avocate, et son frère Raphaël, sbire du malfrat Viateur La joie, tout comme son oncle Gaétan Dessureaux. Tristan joue au chat et à la souris avec une famille qui cherche à se venger.

Dix épisodes distillent les fortes émotions, les envies de tuer, les ratages sur un fond de trafic de stéroïdes absorbés par de jeunes athlètes. «L’idée derrière Les Honorables était plutôt d’en souligner la dureté et les ratés», lance l’auteur.

«C’était l’occasion aussi de braquer, pour une fois, les projecteurs sur les victimes, qu’on entend généralement trop peu dans le cadre des procès.»

Le mystérieux Viateur La joie n’est autre que Martin Dubreuil, dissimulé derrière sa barbe. Patrick Huard est époustouflant dans ses accès de douleur, de peine, de désirs de vengeance, d’amour avec Lucie et de protection de sa famille.

Les femmes jouées par Macha Grenon (Lucie), Mylène Mackay (Alicia), Myriam Gaboury (Gabrielle) sont attachantes dans leurs gammes émotionnelles.

Mais celui qui inspire le plus d’effroi c’est Kevin Houle, le psychopathe narcissique Tristan Rabeau, dont la personnalité perverse fait craindre le pire. Le chemin du deuil est miné…

La saison 2 vient de commencer. À ne pas manquer.