Les bobards du 11 septembre, ancêtres des fausses nouvelles modernes

11 septembre 2001
Les lumières à la place des deux tours du World Trade Center détruites le 11 septembre 2001.
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Publié 11/09/2021 par Pascal Lapointe

Il y a 20 ans, au moment des attentats islamistes du 11 septembre 2001, il n’y avait ni Facebook ni YouTube. Et pourtant, la quantité de fausses nouvelles qui a entouré cet événement préfigurait l’épidémie de fausses nouvelles qui allait marquer la décennie suivante.

L’une des plus récurrentes: 4000 Juifs auraient été absents des deux tours le 11 septembre, ce qui «prouverait» qu’ils ont été prévenus.

Les vérifications de l’époque ne s’entendent pas sur qui a inventé ce chiffre. Mais chose certaine, sur les 1700 occupants des deux tours morts dans les attaques et dont on connaissait la religion, un peu plus de 10% étaient recensés comme juifs, selon une compilation du Wall Street Journal en octobre 2001. C’est un chiffre correspondant à la démographie de New York.

L’une des plus absurdes: la photo d’un touriste sur le toit d’une des deux tours, derrière lequel on voit un des avions approcher. C’est bien sûr un montage, ancêtre de toutes les photos truquées ou sorties de leur contexte qui circulent aujourd’hui sur les réseaux sociaux.

11 septembre 2001
La célèbre photo – un canular – supposément retrouvée dans les décombre du World Trade Centre.

Un missile, et non un avion, aurait percuté le Pentagone, la «preuve» étant qu’on ne voit pas les ailes de l’avion sur les photos et que les dommages sur l’édifice seraient incompatibles avec un avion. Les dommages sont au contraire compatibles avec la trajectoire suivie par l’avion et les ailes se sont littéralement désintégrées sous l’impact.

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L’absence d’appareils militaires pour intercepter ces quatre avions «prouve» qu’il s’agit d’une action du gouvernement américain. En réalité, dans toute la décennie précédente, un seul avion civil avait été intercepté par le NORAD au-dessus de l’Amérique du Nord, et il avait fallu pour cela 1 heure et 22 minutes au jet militaire F-16.

11 septembre 2001
Le Français Thierry Meyssan s’est fait connaître après les attentats du 11 septembre 2001 en affirmant qu’aucun avion n’avait percuté le Pentagone.

Un avion n’aurait pas pu faire s’écrouler les tours, il a donc fallu des explosifs. En réalité, c’est la température (plus de 1000 degrés Celsius) créée par le carburant qui brûlait qui a fait fondre les structures métalliques, jusqu’à ce que l’édifice s’écrase comme un château de cartes.

De grandes quantités d’actions de United et American Airlines — les compagnies des quatre avions détournés — auraient été achetées et vendues dans les jours avant l’attaque. Rien d’anormal dans ces transactions, comme le média de vérification des faits Snopes l’avait noté dès octobre 2001 — et même la Commission d’enquête 9/11 a vérifié ces rumeurs en 2004.

L’homme d’affaires Larry Silverstein aurait pris une assurance sur son espace du World Trade Center, couvrant entre autres les attentats terroristes. En réalité, c’était une clause courante, et la tour elle-même était déjà couverte dès 1993, lors de l’explosion d’une bombe dans son stationnement souterrain.

Nostradamus l’avait prédit. La signature du présumé extrait, «Nostradamus, 1654», révélait l’arnaque: Nostradamus est mort en 1566.

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Des fausses nouvelles aux complots

Certaines de ces rumeurs (et plusieurs autres) se sont amalgamées pour former des théories du complot. Et ces théories sont à ce point nombreuses qu’elles ont leur propre page Wikipédia.

Réfuter les théories du complot entourant le 11 septembre pose toutefois une double difficulté.

D’une part, elles amalgament une telle quantité d’affirmations — des vraies, des fausses, des trompeuses et des invérifiables — qu’il est impossible de réfuter la théorie sans commencer par la décortiquer, une affirmation à la fois.

D’autre part, ces théories se contredisent les unes les autres. Le gouvernement américain aurait lui-même organisé ces attentats. Ou bien Al-Qaïda serait vraiment responsable, mais le gouvernement américain le savait et l’avait laissé faire. Ou bien c’est le gouvernement israélien qui a organisé ces attentats. Ou bien le complexe militaro-industriel.

Ou bien il n’y a pas eu du tout d’attentats…

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fausses nouvelles
Les fausses nouvelles sont aujourd’hui plus faciles à produire et à répandre.

Du 11 septembre à la covid

Vingt ans plus tard, cette double difficulté est également présente dans plusieurs théories du complot, dont celles entourant l’actuelle pandémie de covid.

Mais les médias sociaux sont entretemps devenus un facteur important. Le pouvoir des algorithmes, qui permet de ne lire ou de n’écouter que ce qui confirme nos croyances, a permis une diffusion plus grande et plus rapide des fausses informations qu’en 2001. Même si les études démontrent que le nombre de gens qui les diffusent est relativement peu élevé.

Des auteurs ont établi que les théories du complot, historiquement, fleurissent dans des périodes d’anxiété. Or, si l’anxiété peut naître d’un événement dramatique, comme un attentat, elle peut aussi être le fruit d’une période qui, comme la nôtre, est traversée par de grands changements.

Et tout changement est, par définition, insécurisant pour bien des gens.

Auteur

  • Pascal Lapointe

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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