Yolande Bastarache tenait à ses bonheurs

Yolande Bastarache, Détresse et nostalgie
Yolande Bastarache, Détresse et nostalgie, nouvelles, Ottawa, Les Presses de l’Université d'Ottawa, 2023, 116 pages, 21,95 $.
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Publié 27/04/2024 par Paul-François Sylvestre

Après Mon village, la côte, Les Presses de l’Université d’Ottawa nous offrent un autre recueil de nouvelles de Yolande Bastarache, décédée en 2019. Les seize textes de Détresse et nostalgie décrivent les aléas du quotidien qui croisent cette insaisissable soif de l’horizon.

Le début de la première et de la dernière nouvelle commence par un poème. On y lit: «Les bonheurs viennent et s’en vont si vite, si vite, / le temps est si court. / Je ne veux plus perdre mes bonheurs, / je veux les garder plus longtemps.»

Souvent autobiographique

On devine que les textes sont souvent autobiographiques.

On apprend que, à onze ans, l’auteure était «une petite fille parfaitement innocente, jouant dans les champs de marguerites, courant entre les pierres plates sur la plage, libre comme le vent et ne voyant que la beauté dans la nature».

Dans une nouvelle, Yolande Bastarache écrit qu’un collant à mouches en spirale pendait du plafond, dans le coin le plus éloigné de la table. Chez nous, il pendait plutôt juste au-dessus de la table.

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Le même texte mentionne qu’une femme a eu vingt-deux grossesses, dont douze survivants. Ma grand-mère a eu dix-huit enfants, mais seulement onze ont survécu.

Rimes et dissonances

Je ne sais pas si la rime est ici volontaire, mais toujours est-il que «le troisième frère était devenu fonctionnaire et s’était perdu dans ses papiers et formulaires».

Toujours côté style, on trouve cette comparaison: «sourire comme les annonces de dentifrices à la télévision».

J’ai été surpris de lire dans le même paragraphe: «une photo de six centimètres sur huit centimètres», puis «un homme de six pieds et un pouce». Peut-être qu’un centimètre sonne plus petit qu’un pouce et qu’un pied fait plus grand qu’un mètre…

La nouvelle intitulée Libération ne mentionne jamais le nom de la protagoniste, désignée uniquement par le mot Elle. Il y a aussi «celle-là», deux petits mots qui la blessaient profondément.

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Mauvaises nouvelles en mauvais français

Lorsqu’il est question de télévision, la nouvelliste écrit que le bulletin de nouvelles ne parle que de malheurs et horreurs. Quant aux journaux, «les mauvaises nouvelles se succèdent en caractères plus ou moins gras». La radio, pour sa part, «déverse son flot de fautes de français».

Autre temps, autre vocabulaire. Il n’est plus question d’aveugle, patient, infirmière, sourd, handicapé et Indien. Pour être politiquement correct, il faut dire non-voyant, client, préposé aux clients, malentendant, physiquement désavantagé, Autochtone.

Dans presque chaque histoire, la vie est calme et tranquille. Les crimes sont si rares qu’on ne peut en faire «un sujet de conversation de plus de cinq minutes, y compris l’introduction et la conclusion».

Enfances heureuses et spéciales

Les jeunes quittent leur coin de pays pour étudier et pour travailler. Lorsqu’Estelle revient dans son village natal, «elle se sent remplie de nostalgie, de souvenirs, de chaleur et de joie».

La jeune femme y redécouvre sa mère et sa mer. Les vagues sont tour à tour «nordiques, blafardes ou miroitantes». Un lieu de naissance demeure toujours endormi d’une enfance.

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Yolande et Michel Bastarache ont eu deux enfants handicapés. Ces êtres chers occupent une place spéciale dans la dernière nouvelle intitulée Je ne veux plus perdre mes bonheurs.

L’auteure note que des gens lui ont souvent demandé pourquoi elle ne plaçait pas ses enfants en institution. «La question me dépasse, me bouleverse, m’attriste au plus haut point. Mes enfants, Émilie et Jean-François! Je leur réponds: je les aime. Mais ils ne comprennent pas. Pourquoi je ne veux pas les mettre en institution? Parce que ce sont mes bébés, mes enfants.»

Auteurs

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

  • Francopresse

    Le média d’information numérique au service de la francophonie canadienne, qui travaille de concert avec les journaux membres de Réseau.Presse.

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