Ying Chen a toujours voulu écrire

Conversations torontoises à l’Alliance française

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Publié 30/11/2010 par Vincent Muller

«J’ai toujours voulu écrire, c’était mon rêve de devenir écrivain, mais je n’ai jamais vraiment pu me mettre à écrire en Chine, j’avais ma profession, ma vie», livrait l’écrivaine Ying Chen, mardi dernier à l’Alliance française de Toronto. L’exil revient souvent dans les œuvres de cette Québécoise d’origine Chinoise venue s’installer à Montréal en 1989 et qui a, depuis, obtenu plusieurs distinctions, dont le prix Alfred Desrochers 1999 pour Immobile paru en 1992.

«L’œuvre de Ying Chen s’impose depuis plus de 20 ans dans la sphère littéraire québécoise», explique Elvan Sayarer, étudiante en doctorat à l’Université de Toronto qui a, avec Schélomie Cherette, une autre étudiante de doctorat, créé l’organisme Conversations torontoises dont l’objectif est d’inviter des auteurs francophones à Toronto.

Le rapport à l’exil a été longuement évoqué lors de cette rencontre dans la mesure où il s’agit de l’un des thèmes de prédilection de l’auteure.

Née en 1961 à Shanghai où elle a obtenu une licence-ès-lettres françaises, elle est venue s’installer au Canada en 1989 où elle a étudié à l’Université McGill de Montréal durant trois ans.

Mémoire de maîtrise

C’est là qu’elle a écrit son premier roman, La Mémoire de l’eau, qui est en fait une partie de son mémoire de maîtrise retravaillé, publié en 1992, un an après qu’elle ait quitté l’université.

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«C’est assez éprouvant comme expérience d’écrire dans une langue que j’ai apprise à 18 et dans laquelle je ne m’exprimais pas quotidiennement» livre-t-elle.

«Ça ne veut pas dire que c’est un rejet du Chinois», précise Ying Chen. «J’ai toujours voulu écrire. C’était mon grand rêve de devenir écrivain, mais je n’ai jamais vraiment pu me mettre à écrire en Chine à cause de ma profession et de ma vie.»

«À McGill j’étais en immersion dans le français dans mon département, je passais tout mon temps dans la langue. C’était aussi une époque où je n’étais pas bien, je me sentais partie sans être partie, je me posais des questions sur le destin, les peuples.

Il y avait un dilemme entre le besoin de se détacher et le besoin d’appartenance. Ce paradoxe a toujours été là», explique-t-elle, ajoutant que son œuvre Quatre Mille Marches: un rêve chinois, paru en 2004, explique un peu cet état d’esprit.

Elvan Sayarer évoque un lien particulier avec la Chine qui se repère dans un rapport ambigu avec la langue chinoise, notant que si Mémoire de l’eau relate l’histoire de la Chine contemporaine, il y a absence de vocabulaire chinois alors qu’il y en a un coréen ou japonais. «Il y a beaucoup de symboles chinois, mais je ne voulais pas écrire un livre chinois», explique l’auteure.

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«La Chine est toujours présente, elle ne peut pas sortir de ma vie comme ça. Mes livres sont en même temps plus grands que la Chine, et aussi plus petits: la réalité que je raconte est universelle, les questions d’identité, l’exil, les instincts. En même temps, ils sont plus petits car ils ne peuvent pas représenter la Chine.»

Le style de Ying Chen se caractérise par des références ethniques et géographiques peu nombreuses, voir absentes et beaucoup d’introspection. «J’ai du mal à catégoriser une réalité, chaque fois qu’on catégorise une réalité on la dénature», considère l’auteure.

Chinoiseries

Bien que l’évocation de la Chine ou de la culture chinoise ne soit pas forcement explicite dans ses œuvres, les lecteurs les plus attentifs comprendront les allusions.

Elle qui n’écrit qu’en français s’est essayée à la traduction de certains de ses textes en chinois, mais ceux-ci ont été assez mal reçus, contrairement aux textes français qui eux ont tous été bien accueillis.

«Si j’écrivais en chinois, ce ne serait pas les mêmes thèmes. La langue elle-même est source d’inspiration, il y a aussi le défit d’écrire dans une autre langue que sa langue maternelle», explique l’auteur.

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À en croire son succès, elle a su relever ce défi à merveille.

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