Visons contaminés: la grippe H5N1 plus près de nous?

H5N1, vison
Des visons malades laissent croire que la grippe aviaire, ou H5N1, serait en train de subir des mutations qui l’approchent sensiblement de nous. Photo: Institut de la fourrure du Canada.
Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 09/02/2023 par Agence Science-Presse

La grippe aviaire, ou H5N1, serait-elle en train de subir des mutations qui l’approchent sensiblement de nous? C’est le signal d’alarme lancé après sa détection en Espagne, dans un élevage de visons.

Lorsque les animaux avaient commencé à mourir en octobre 2022 dans cet élevage du Nord-Ouest du pays, on a d’abord soupçonné une mutation du coronavirus. Des analyses de laboratoire ont plutôt révélé qu’il s’agissait du H5N1.

Les travailleurs ont été placés en quarantaine, l’ensemble de l’élevage — plus de 50 000 animaux — a été euthanasié, et leurs restes, brûlés.

H5N1 n’est plus exclusif aux oiseaux

Finalement, aucun humain n’a été malade. Mais l’incident, tel qu’il a été décrit en janvier dans la revue Eurosurveillance — consacrée au suivi des maladies infectieuses — relance les inquiétudes sur l’évolution du H5N1.

Il faut rappeler que ce H5N1, ou «sous-type H5N1 du virus de la grippe A», que l’on appelle communément «grippe aviaire», n’est pas la seule souche de grippe à affecter les oiseaux. Et il n’est plus exclusif aux oiseaux.

Publicité

Sa première observation chez un humain remonte à 1997, à Hong Kong. Elle coïncidait avec une éclosion dans les élevages de poulets. Depuis, les cas humains sont restés rarissimes, quoique le taux de mortalité soit très élevé.

Aucun de ces cas n’a toutefois montré de mutations qui lui auraient permis de se transmettre entre humains.

La «grippe espagnole» possiblement une «grippe aviaire»

Entretemps, de mutation en mutation, on a vu le virus se répandre chez de plus en plus d’espèces d’oiseaux sauvages, provoquant à l’occasion des éclosions majeures, en 2004-2005 notamment.

Il a été détecté pour la première fois chez des porcs en 2005, accroissant les craintes d’une pandémie similaire à celle de 1918-1919, appelée à tort «grippe espagnole». Celle-ci était possiblement elle aussi, à l’origine, une grippe «aviaire».

2022 a été à cet égard une année-clé: rien qu’au Canada, des millions d’oiseaux d’élevage ont été contaminés. Et, à travers le monde, des contaminations semblent suivre les routes migratoires des oiseaux sauvages.

Publicité

En plus de détecter tout à coup le virus chez toutes sortes d’animaux sauvages, dont des renards, des ours et des chats, présumément à la suite d’un contact avec un oiseau mort. Y compris, au Québec, chez des mammifères marins, comme le phoque commun.

Au moins deux mutations

En temps normal, un virus est réservé à une seule espèce. Pour qu’un oiseau puisse contaminer un représentant d’une autre espèce, il faut que «son» virus ait subi une mutation… Et au moins une de plus pour qu’il puisse ensuite se répandre dans cette nouvelle espèce.

Dans le cas du H5N1, un quart de siècle après l’alerte de Hong Kong, ça commence donc à faire beaucoup de mutations.

Et si le phoque commun a peu de contacts avec notre espèce, il n’en est pas de même d’animaux d’élevage comme le vison. En plus du fait que ces visons se sont transmis le virus entre eux, et que la transmission entre mammifères semblait jusqu’ici plus difficile.

Mécanisme ou signal

«C’est clairement un mécanisme pour lancer une pandémie de type H5», commente dans la revue Science le virologue britannique Tom Peacock.

Publicité

«Un signal d’alarme», nuance la chercheuse en médecine vétérinaire Isabelle Monne, du Laboratoire de l’Union européenne sur la grippe aviaire, où les échantillons espagnols ont été analysés.

Une des mutations observées cette fois, appelée T271A, se trouve dans un gène servant à produire une enzyme, la polymérase. Cette mutation, qui avait déjà été observée chez d’autres mammifères, permettrait au virus de se répliquer plus facilement dans des tissus de mammifères.

Une autre mutation, elle aussi observée dans le passé et censée faciliter cette transmission, n’a toutefois pas été observée chez les visons espagnols. C’est un signe encourageant, notent les auteurs de l’étude dans Eurosurveillance.

Quel que soit le niveau réel de risque pour les humains, l’élevage du vison pourrait en payer le prix. Déjà critiqué depuis longtemps par les défenseurs des droits des animaux, il risque à présent de se retrouver avec un argument de plus chez ceux qui réclament son abolition.

Auteur

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur