Vibrant hommage à la littérature

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Publié 19/03/2008 par Paul-François Sylvestre

Fils de Mordecai Richler, Noah Richler a sillonné le Canada pendant trois ans, à la rencontre de ses romanciers et conteurs. À la recherche surtout de leurs histoires parce que, si on veut connaître un pays, il faut commencer par connaître les histoires qui le hantent. Son périple a donné lieu à un récit de voyage littéraire intitulé Mon pays, c’est un roman.

Ce livre de 500 pages est une version abrégée de l’ouvrage original de langue anglaise. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit d’un atlas littéraire du Canada. Comme il est question d’une kyrielle d’écrivains, depuis Margaret Atwood jusqu’à Richard Wright, en passant par Dionne Brand, Austin Clarke, Yann Martel, Lisa Moore et Russell Smith, pour n’en nommer que quelques-uns, je me limiterai aux propos que l’auteur a recueillis auprès de romanciers francophones.

Au départ, Noah Richler note que les romanciers et conteurs façonnent les époques et les lieux que nous occupons. À ce titre, les arts littéraires ne sont pas des luxes gratuits. Les écrivains parlent de nous et «pour peu que nous tendions l’oreille, ils ont beaucoup à nous apprendre».

Parmi les exemples cités par Richler, je retiens La Kermesse, de Daniel Poliquin. Ce dernier «se sert de la participation du Canada à la Première Guerre mondiale, habituellement traitée avec componction, pour construire une délicieuse satire». L’auteur précise qu’il est peut-être plus facile d’arriver à cela «à partir de la position marginale qui est celle d’un Franco-Ontarien vivant à Ottawa».

Le seul autre romancier franco-ontarien mentionné dans cet atlas littéraire est Francis Chalifour qui, aux yeux de Richler, montre «une volonté de rouvrir le débat sur les mérites du fédéralisme». Il faut préciser que Poliquin et Chalifour figurent parmi les rares romanciers franco-ontariens dont les textes ont été traduits en anglais.

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Parlant de fédéralisme, l’auteur précise que, dans le Québec d’aujourd’hui, il semble plus tabou pour un artiste de se déclarer fédéraliste qu’homosexuel. Personne ne fait de cas que Michel Tremblay soit gai, «mais qu’il remette en cause sa foi souverainiste, et voilà que certains réclament sur-le-champ son excommunication».

Richler comprend facilement pourquoi Michel Basilières, auteur québécois né de parents anglophone et francophone, a quitté sa province pour s’établir à Toronto, où il a écrit L’Oiseau noir, comédie gothique mordante ayant pour sujet le Montréal catholique et la victoire du Parti québécois en 1976. Au Québec, confie Basilières, «on n’est pas libre de faire de la satire».

Le romancier Gaétan Soucy demeure le plus encensé. Il est présenté comme «un des stylistes les plus extraordinaires et les plus inventifs de tout le pays», comme «l’un des écrivains actuels les plus emballants, que ce soit au Québec, en France ou au Canada – et, tant qu’à y être, partout dans le monde!».

Pour illustrer son admiration, Richler cite un long passage du roman La petite fille qui aimait trop les allumettes.

De son entretien avec Antonine Maillet, l’auteur retient que les Acadiens se sont servi de l’humour, celui de La Sagouine, pour sortir du Grand Dérangement, pour tourner la page sur la Déportation.

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«C’est à ce moment-là, clame Maillet, que nous avons cessé d’être des survivants pour devenir des êtres humains.» Et Richler de prédire que le reste du pays finira bien par acquérir un jour «la confiance et le sentiment d’appartenance de la première tribu canadienne, d’une nation qui n’a jamais accepté d’autre autorité que la sienne».

Avec Mon pays, c’est un roman, Noah Richler signe un vibrant hommage aux auteurs canadiens et, surtout, à la littérature même.

Il y révèle la richesse et la diversité d’un pays où s’affrontent des récits discordants, récits qui sont souvent beaucoup plus révélateurs que l’histoire officielle.

Noah Richler, Mon pays, c’est un roman: un atlas littéraire du Canada, essai traduit par Lori Saint-Martin et Paul Gagné, Montréal, Éditions du Boréal, 2008, 512 pages, 34.95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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