Une langue sert à parler et aussi à penser

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Publié 16/03/2010 par Paul-François Sylvestre

La langue française n’appartient pas aux seuls Français, mais à tous ceux qui, dans le monde, la parlent, la modulent, l’enrichissent, l’aiment et la défendent. Bref, à tous ceux qui la font vivre.

Mais pour comprendre les subtilités de langue française, il faut parfois détenir une clé; autrement, on ne comprendrait pas des expressions comme «mon chien est mort» (Québec), «prendre le train onze» (Congo), «marchands-tabliers» (Sénégal) ou «un mêle-tout» (Belgique). Cette clé est maintenant disponible grâce à Nicole Ricalens-Pourchot qui publie Les Facéties de la francophonie: dictionnaire des mots et locutions courantes et même voyoutes.

Les mêmes mots peuvent dire plus, moins ou totalement autre chose. Le mot «cœur» est un bon exemple. Un cœur qui ne pompe pas, en Côte d’Ivoire, est une personne qui se dégonfle. Quelqu’un qui n’a pas le cœur juste, au Gabon, est une personne en colère.

Au Québec si quelqu’un a «le cœur là où que les poules ont l’œuf», c’est une personne qui ne pense qu’à ses intérêts. À La Réunion, en Louisiane et au Québec, une histoire peut nous casser le cœur ou nous attrister.

Les Facéties de la francophonie met l’humour au service de la culture. C’est un outil ludique pour toutes les personnes qui aiment les mots de la langue française et ses déclinaisons de sens dans les diverses communautés francophones. Les expressions ou locutions sont regroupées sous 28 catégories: Amour et sexe, Boire et manger, Faune et flore, Métiers et professions, Villes et campagnes, etc. Dans chaque catégorie, il y a plein de mots et locutions qui nous surprennent, nous font sourire et surtout nous invitent à un bon usage pour s’assurer d’être bien compris.

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Dans la catégorie «Métiers et professions», on apprend que l’effeuilleuse suisse n’est pas une stripteaseuse mais plutôt une femme engagée pour débarrasser les ceps de jeunes pousses inutiles.

Si la fouille à la douane est une chose, elle en est une autre à la Réunion; il s’agit de l’arrachage du vétiver cultivé pour le parfum de ses racines.

En Côte d’Ivoire, le gâteau n’a parfois rien à voir avec la pâtisserie; dans la phrase «t’es sûrement un gâteau, t’as trop d’argent», on parle d’une personne qui est un informateur pour la police.

«Comme on pourra le constater, le vocabulaire français n’est pas en panne; la créativité lexicale bat son plein même si la langue française, ici et là, perd du terrain au profit de langues vernaculaires et de l’anglais», écrit Nicole Ricalens-Pourchot.

Son dictionnaire de locutions courantes et même voyoutes montre toute la variété de sens capable d’exprimer d’autres façons d’envisager le monde, voire d’autres sensibilités et traditions. En ce sens, notre langue française ne sert pas seulement à parler, mais aussi à penser.

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Ce compte rendu des Facéties de la francophonie est ma façon de souligner la Journée mondiale de la Francophonie (20 mars). Mais vous cherchez peut-être les clés des locutions mentionnées dans le premier paragraphe. Les voici: «mon chien est mort» (Québec) veut dire perdre tout espoir; «prendre le train onze (Congo), c’est faire le trajet à pied; les «marchands-tabliers» (Sénégal) sont les vendeurs sur le bord des rues; et «un mêle-tout» (Belgique) n’est pas une personne désorganisée, mais plutôt quelqu’un qui se mêle de tout avec indiscrétion ou curiosité malsaine.

Nicole Ricalens-Pourchot, Les Facéties de la francophonie: dictionnaire des mots et locutions courantes et même voyoutes, Montréal, Éditions Bayard, 2010, 416 pages, 34,95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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