Une histoire de collectionneurs princiers

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Publié 04/10/2011 par Gabriel Racle

Lorsque l’on visite un musée, surtout en Europe, on se doute bien que leurs riches collections de tableaux ou d’œuvres d’art ne se sont pas constituées en un jour. Mais on n’a pas toujours la possibilité d’en connaître l’histoire.


En visitant les collections du Louvre, à Paris, on imagine que les rois de France y sont pour quelque chose, sans parfois en savoir plus. Et ces contributions sont souvent un héritage national posthume dû à l’histoire plutôt qu’à la volonté de leur détenteur.


Les rois de France sont loin d’être les seuls amateurs d’art qui ont pu léguer leur nom et leurs œuvres d’art à l’histoire. Le musée du Prado à Madrid doit beaucoup aux rois d’Espagne. Les collections du musée de l’Ermitage, à Saint-Pétersbourg sont d’abord celles des Romanov, des tzars collectionneurs. Mais on connaît peut-être mois le rôle des princes Esterházy et leur contribution au musée des Beaux-Arts de Budapest, en Hongrie.


Les Esterházy sont une famille du nord de la Hongrie, non occupé par les Turcs lors de l’invasion de 1547. Mais François Esterházy (1533-1604) réagit contre cette situation. Ce sont ses descendants, son fils Nicolas 1er dit le Magnifique et son petit-fils Paul qui, par leur fidélité au Saint-Empire romain germanique, dirigé par les Habsbourg, et leurs combats contre les Turcs, assurent la renommée et la prospérité des Esterházy. En 1686, l’empereur Léopold 1er confère à Paul le titre de prince en reconnaissance des services rendus.


Des mécènes


Les Esterházy ont un goût marqué pour les arts et les ont soutenus dans divers domaines, dont l’architecture avec la construction de châteaux et de palais, confiée à des architectes de renom. La musique classique a aussi leur faveur et ils appuient des compositeurs comme Joseph Haydn, Franz Schubert ou Franz Liszt.


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Ils se distinguent particulièrement dans le domaine de la peinture et leur contribution sera une des richesses du Musée des beaux-arts de Budapest (Szépmüvészeti Múzeum). Nous pouvons connaître la façon dont cela s’est produit grâce à un livre d’histoire et d’art publié par la Pinacothèque de Paris, à l’occasion d’une exposition qui s’est déroulée dans le cours de l’année.


Naissance d’un musée


La naissance du musée. Les Esterházy, princes collectionneurs, Pinacothèque de Paris, 240 x 280, relié, 320 p., 150 illustrations, 42,75 €. L’ouvrage s’ouvre par un «Historique des collections d’art des princes Esterházy», rédigé par Orsolya Radvanyi, conservatrice au Musée des beaux-arts de Budapest, et dont il intéressant de lire la façon dont elle présente cette contribution, à titre officiel.


«La famille Esterházy est l’une des familles aristocratiques les plus riches et les plus importantes en Hongrie à partir du XVIe siècle. Grâce à son pouvoir politique et sa fortune, elle joue un grand rôle dans la destinée du pays; mais son rôle de mécène constitue aussi un exemple, à son époque et pour l’avenir, pour les citoyens aisés, désireux de soutenir et de promouvoir la culture hongroise.


Grâce à leur culture et leur engagement, les princes Esterházy ont collectionné, conservé et amoncelé, durant plusieurs siècles, des trésors de valeur inestimable dans leurs châteaux et palais pour les remettre finalement généreusement à l’État hongrois, comme contribution au bien et à l’éducation publics.»


La collection


Après les pages consacrées à cet historique, l’ouvrage décrit, documents illustrés à l’appui, cette impressionnante contribution artistique des Esterházy. Au siècle des Lumières, la collection s’accroît toujours avec Nicolas II (1765-1833), pour atteindre à la mort de celui-ci 1156 tableaux.


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L’ouvrage les classe par école: École italienne, École espagnole, École française, École du Nord, École allemande. À lui seul, ce classement donne une idée des choix éclairés des princes Esterházy, et de leur vision artistique encyclopédique, pour constituer leur collection.


On en a parlé comme d’une «galerie idéale», avec une prédilection pour l’art italien, où se retrouvent les grands noms de la peinture classique: Raphaël, Le Tintoret, Bernardo Bellotto, Bernardo Strozzi, parmi les Italiens; Claude Lorrain, Philippe de Champaigne, Pierre Mignard, comme grands noms français; des écoles du Nord, Frans Hals, David Teniers le Jeune; Lucas Cranach l’Ancien, Angelica Kauffman de l’école allemande et parmi les Espagnols, Murillo, Zurbaran, Cano, pour citer quelques exemples.


L’ouvrage offre une particularité très intéressante. Il met en valeur de très beaux détails de tableaux par des gros plans. Ainsi, la couverture du livre, ici reproduite, est un détail de La Vierge et l’Enfant avec le petit saint Jean de Raphaël. Ce célèbre tableau, présenté dans son intégralité en page 51, est surnommé «La Madone Esterházy».


Ce superbe livre d’histoire montre comment une collection somptueuse s’est constituée au fil du temps, permet de découvrir des œuvres d’art insoupçonnées et rendra incontournable une visite du musée de Budapest aux amateurs d’art qui se rendront dans cette superbe ville, qui pour elle-même vaut déjà un détour.

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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