Un roman qui conjugue passions et déchirements de l’être

"Famien (sa voix dans le brouillard)" de Michel Dallaire

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 21/02/2006 par Paul-François Sylvestre

Originaire de Hawkesbury mais établi à Sudbury, Michel Dallaire publie depuis bientôt 25 ans. Il alterne aisément entre le roman et la poésie, excellant dans ces deux genres. Un de ses romans a remporté le Prix Jacques-Poirier du Salon du livre de l’Outaouais et un autre a été finaliste au Prix des lecteurs Radio-Canada. Un de ses recueils de poésie a remporté le Prix Trille Or de l’APCM et un autre a été finaliste au Prix Trillium. Il vient de publier Famien (sa voix dans le brouillard), un ouvrage qui allie fort bien le poétique et le romanesque.

Le titre du roman renvoie à une femme, une poète qui détient un manuscrit convoité par un éditeur d’Ottawa. Gaspard Langlois est envoyé en Côte d’Ivoire pour faire signer un contrat d’édition à cette femme aussi envoûtante qu’ensorcelante.

Le roman est parsemé de vers extraits du manuscrit. Au début, je me suis demandé si Dallaire s’était mis dans la peau d’une Africaine pour écrire cette poésie. Peut-être, mais un vers confirme qu’il s’agit de poésie dans la plus pure tradition de l’auteur.

À la page 62, il écrit: «savoir orienter l’histoire / qui mérite de survivre / (le feu intérieur ne dit-il pas tout?)». Cette parenthèse est typique du style qu’affectionne Michel Dallaire. Elle se retrouve même dans le titre du roman.

Gaspard Langlois passe incessamment d’un continent à l’autre, d’un pays à l’autre, d’Ottawa à Abidjan, d’une «pluie verglaçante» à «un soleil incendiaire».

Publicité

Il oscille entre le rêve et le réel; tantôt il écoute un chœur d’oiseaux «dans le grand érable près de sa fenêtre», tantôt il écoute, «près du papayer, un guitariste (qui) plaque quelques accords…» Gaspard transgresse les frontières physiques, psychologiques et émotives; il cherche constamment à «franchir les fenêtres de sentiments insaisissables».

Michel Dallaire excelle dans l’art d’écrire de façon dense et comprimée, voire saccadée. Son roman de 170 pages s’étale sur 49 courts chapitres et plusieurs pages renferment jusqu’à 20 paragraphes dont certains ne font qu’une ligne de trois à cinq mots.

Cela a pour effet de nous faire sentir l’urgence du sentiment évoqué. Et comme l’action se déroule sur un fond de guerre civile, l’auteur n’hésite pas à «permettre aux mots et aux sens de s’abandonner à l’instinct, à la peur ou à l’amour. Leur donner la chance de combattre ou de revendiquer ou d’être simplement».

Les personnages de Gaspard et de Famien sont non seulement bien campés, ils sont aussi finement ciselés. La rencontre du Canadien et de l’Ivoirienne vibre d’intensité et de fougue. Gaspard n’a jamais connu une personne à la fois si mystérieuse et sincère, vivant entièrement dans l’instant donné. Il est pleinement épris d’elle, «enjaillé d’elle», pour reprendre une expression ivoirienne. Famien «lui ouvre la voie d’un monde jusque-là insoupçonné».

La poète arrive dans la vie de Gaspard «comme cet éternel Autre qui, entre l’imaginaire et le réel, effleure l’existence de chacun».

Publicité

L’éditeur a raison d’affirmer, en quatrième de couverture, que Famien (sa voix dans le brouillard) est un roman de contraste, qui marie lyrisme et réalisme, conjuguant les plus vives passions et les plus profonds déchirements de l’être.

Michel Dallaire, Famien (sa voix dans le brouillard), roman, Éditions L’Interligne, Ottawa, 2005, 176 pages, 19,95$.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur