Un roman à lire mouchoir à la main

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Publié 06/07/2010 par Paul-François Sylvestre

En 2008, Micheline Lachance publiait le premier tome des Filles tombées. Ce roman sur les filles-mères dans le Montréal des années 1850 a fait partie de mes coups de cœur de l’an passé. Le second tome des Filles tombées a récemment paru, avec comme sous-titre Les Fantômes de mon père. La romancière se révèle encore une fois une narratrice hors pair, avec un bémol toutefois.

L’héroïne des Filles tombées est Rose Cork, appelée Rose Toutcourt puisqu’on la croit orpheline de père et de mère. À la fin du premier tome, elle a trouvé sa mère, devenue religieuse. Au début du second tome, mère et fille vivent à New York, mais Rose est hantée par le père qu’elle n’a pas connu. Elle entend remuer mer et monde pour le trouver, mais ses démarches tardent à se mettre en branle car l’auteure n’en finit plus de nous raconter une autre histoire, d’un intérêt secondaire, soit celle d’une Québécoise qui a épousé le prince Félix de Salm-Salm.

C’est là que se situe mon bémol. Je reconnais qu’une minutieuse recherche a été effectuée et que l’auteure soutient brillamment tout ce qu’elle avance, notamment au sujet des péripéties du prince, de la princesse, de Maximilien 1er et des guérilleros de Benito Juares à Querétaro (Mexique).

Mais à mon avis, toutes ces aventures occupent trop de place dans le roman car ce n’est qu’à partir de la page 200 que le roman prend vraiment son envol et que le lecteur replonge dans la vie trépidante de Rose.

C’est dans les dernières 200 pages que Micheline Lachance se révèle une conteuse hors pair. Elle a même su m’arracher des larmes à deux reprises!

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Ce second tome mêle allègrement personnages fictifs et personnalités d’époque. À titre d’exemple, un ami de Rose est journaliste et couvre les hauts et les bas de Louis Riel, député de Bâton Rouge et grand défenseur des droits des Métis.

Il le suit aussi bien dans sa fuite aux États-Unis que dans l’asile québécois, voire jusqu’à Batoche où il sera capturé, puis pendu.

Avant de trouver son père, Rose va épouser un brillant chirurgien et leur vie de couple à Montréal va connaître toute une gamme de soubresauts. Dans les mois qui précèdent son mariage, Rose découvre à quel point sa belle-mère peut être snob, mesquine et cruelle; elle sera évidemment surprise de la voir devenir attendrissante et reconnaissante au soir de sa vie.

Quant à la mère de Rose, devenue religieuse, elle accepte de venir vivre avec sa fille à Montréal. Sœur Marie-Madeleine redevient Maddie Cork pour quelques années, puis se rend compte que seul le don de sa personne peut la réconcilier avec son passé et avec elle-même. Elle reprend le voile et son travail auprès… des filles tombées.

Quand Rose réussit enfin à retracer son père, Tom Cork, elle frappe un mur. Elle est en présence d’un homme qui ne regarde jamais en arrière. Pour lui, le passé est mort et enterré. «Il n’y a pas de place dans sa nouvelle vie pour les lambeaux de l’ancienne.»

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Mais je vous avouerai, en plagiant l’auteure, que les mots bouleversants de tendresse que Tom adresse aux deux femmes de sa vie (épouse et fille) nous vont droit au cœur, voire nous arrachent des larmes.

Micheline Lachance excelle dans l’art de fignoler des phrases lapidaires qui épicent fort bien sa narration. En voici quelques-unes: «les remords valent toujours mieux que les regrets»; «quand on a un insatiable appétit pour la vie, on ne meurt pas de chagrin»; «quand une femme se raconte, c’est son cœur qui parle et non son intelligence».

Collaboratrice au magazine L’actualité, ex-rédactrice en chef de Châtelaine, romancière et historienne, Micheline Lachance a reçu de nombreux prix littéraires et journalistiques au cours de sa carrière.

Biographe du frère André et du cardinal Léger, elle a préféré la voie romanesque pour nous raconter la vie de Julie Papineau, la femme du chef des Patriotes de 1837, ainsi que celle de Lady Cartier et de sa famille, qui nous a entraînés dans les coulisses de la Confédération canadienne.

Avec Les Filles tombées, Micheline Lachance a fait revivre avec brio les heurs et malheurs des filles-mères dans le Québec de la fin du XIXe siècle.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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