Un peu de chaleur avec les carnavals d’hiver

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Le Palais de glace du premier Carnaval de Québec, en 1894. La structure de glace haute de sept étages avait été l’attraction principale de cette première édition. Photo: Louis-Prudent Vallée, 1894, BANQ, Wikimedia Commons, domaine public au Canada
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Publié 05/02/2023 par Marc Poirier

Nous sommes au beau milieu de l’hiver, au «mitan» de la saison, comme on le dit par chez nous. Et qui dit hiver dit souvent apathie, déprime légère et lassitude. C’est sans doute pour cette raison que les carnavals et autres fêtes d’hiver sont si populaires partout dans le monde.

Ce besoin d’agrémenter la saison obscure remonte, comme bien des fêtes, à très longtemps.

On peut noter les Lupercales, qui se déroulaient dans la Rome antique à la mi-février. À cette époque lointaine, des jeunes se donnaient rendez-vous au Lupercal, une grotte au pied du Palatin, cette colline mythique de Rome sur laquelle étaient situés les palais des empereurs romains.

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Les Lupercales se déroulaient au pied du mont Palatin, dans la Rome antique, en février. Peinture: Andrea Camassei, vers 1635. Wikimedia Commons, domaine public

Selon la légende, c’est dans cette grotte où, vers 750 ans av. J.-C., une louve (Lupercal vient du mot latin lupa qui signifie «louve») aurait allaité des frères jumeaux abandonnés, Rémus et Romulus, qui allaient devenir les fondateurs légendaires de Rome.

Petit détour pour dire que les «luperques», comme s’appelaient ces jeunes qui se retrouvaient au Lupercal, étaient vêtus d’une simple peau de bouc et couraient follement tout autour du Palatin en fouettant ceux qu’ils rencontraient, particulièrement les femmes. D’autres historiens affirment que les luperques étaient des prêtres.

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Heureusement, cette tradition n’a pas traversé les âges.

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Les masques sont à l’honneur lors du Carnaval de Venise. Photo: Önder Köktürk, 2020, Wikimedia Commons, CC-SA-4.0 International

Plus près de nous – près étant très relatif –, le Carnaval de Venise est considéré comme étant le plus ancien du monde. La première mention de son existence remonte à un édit de 1094.

D’ailleurs, le mot carnaval viendrait du latin médiéval carnelevare (verbe formé de carne «viande» et de levare «supprimer»), parce que la fête prend fin avec le début du carême, période durant laquelle les chrétiens devaient s’abstenir de manger de la viande. Le mot est ses variantes ont été repris dans la majorité des langues européennes.

Au XIIIe siècle, les masques font leur apparition au Carnaval de Venise. Cela permet aux membres des différentes classes sociales de se mêler les unes aux autres, dans un certain anonymat. Il y a des fêtes, du théâtre et même de l’opéra, donnant ainsi au Carnaval de Venise une renommée qui attire des princes de toute l’Europe.

Comme au temps des luperques, c’est une occasion de se déguiser et de lâcher son fou (mais non plus son fouet).

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De Venise à Rio à la Nouvelle-Orléans

De Venise, le concept du carnaval se propagera dans toute l’Italie, en Europe, puis aux quatre coins du monde. Si le Carnaval de Venise est le plus ancien, le plus célèbre mondialement est sans doute celui de Rio, au Brésil.

Les colons européens qui débarquent sur le Nouveau Continent apporteront la tradition du carnaval. C’est ce que font les Portugais en prenant possession du Brésil, par une fête appelée l’Entrudo, signifiant «entrée», dans le sens de début du carême.

Voulant se débarrasser de cette fête qui donnait lieu à des batailles de rue, la bourgeoisie brésilienne importe le modèle du Carnaval de Paris – même dans les détails des costumes – pour fonder le Carnaval de Rio en 1840.

Celui-ci intégrera également des traditions africaines perpétuées par les esclaves, comme la samba, danse emblématique du Brésil. Ses défilés extravagants sont célèbres.

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Les chars allégoriques font la renommée du Carnaval de Rio. Photo: iStock.com/Marcelo Fonseca

C’est également l’héritage français qui donnera lieu au plus célèbre carnaval des États-Unis: le Mardi gras de la Nouvelle-Orléans.

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Le nom de Mardi gras prête un peu à confusion parce que les festivités s’amorcent en principe bien avant, soit le 6 janvier, jour de l’Épiphanie, pour culminer au mardi précédant le début du carême.

Cette fête revêt une grande importance pour la Louisiane. À preuve, l’État a légiféré en 1875 afin de faire du Mardi gras un jour férié.

Si le Mardi gras moderne de la Nouvelle-Orléans prend forme dans les années 1830, les balbutiements d’une fête à cette époque de l’année en Louisiane remontent aux débuts du XVIIIe siècle, dès l’arrivée des Français, plus précisément à Mobile, alors capitale de la jeune colonie.

Maintenant située dans l’État d’Alabama, Mobile célèbre toujours un carnaval du Mardi gras, tout comme quelques autres villes américaines, dont Saint-Louis (quartier Soulard) au Missouri et Galveston au Texas.

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Le faste est toujours au rendez-vous au Mardi gras de la Nouvelle-Orléans. Photo: Carol M. Highsmith, United States Library of Congress’s Prints and Photographs divisionunder the digital ID highsm.11700, domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=40228337

«Carnaval, Mardi gras, carnaval. Chantons tous le joyeux carnaval» – chanson thème du Carnaval de Québec

Après l’Europe, l’Amérique du Sud et les États-Unis, le Canada voudra lui aussi goûter aux joies des fêtes d’hiver.

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Dès l’époque de la Nouvelle-France, des rassemblements entre voisins et amis avaient lieu entre la fête des Rois et le Mardi gras.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le premier carnaval digne de ce nom au Canada n’a pas eu lieu à Québec, mais à Montréal!, En 1883. Il s’agissait surtout de compétitions sportives et de petits défilés, le tout organisé par des clubs et des associations sportives de la ville. Après quelques éditions, l’évènement est abandonné en 1890.

En 1894, la ville de Québec adopte essentiellement le même concept que celui de Montréal et tient son premier carnaval, du 29 janvier au 3 février.

L’idée est venue du propriétaire du Quebec Daily Telegraph, Frank Carrel, qui avait lancé un appel dans son journal anglophone l’année précédente pour qu’un tel évènement ait lieu, question de raviver l’activité économique de la capitale québécoise.

Un comité d’organisation a été mis sur pied, présidé par Henri-Gustave Joly de Lotbinière, avec à la présidence d’honneur le gouverneur général du Canada, lord Aberdeen, ainsi que son épouse. Les temps ont bien changé…

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Le caractère bilingue de la ville de Québec était encore bien présent à cette époque, comme en fait foi le programme de l’édition de 1912, dont la page couverture et le contenu sont presque complètement dans les deux langues officielles du Canada. Le nom de la fête était d’ailleurs Carnaval Mardi gras Carnival.

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Page couverture du programme du «Carnaval Mardi gras Carnival» de Québec de 1912. Photo : Quebec Daily Telegraph, 1912. Domaine public au Canada.

Le Carnaval de Québec aura lieu sporadiquement au cours des décennies suivantes. Ce n’est qu’en 1955 qu’il deviendra un évènement annuel.

L’idée d’une fête hivernale se propagera un peu partout au Canada, autant dans les régions francophones qu’anglophones, dans les grandes villes que les plus petites.

Par exemple, le hameau francophone de St-Isidore, dans le Nord de l’Alberta, a son carnaval depuis 1993. Cette localité, fondée dans les années 1950 par des agriculteurs venus du Saguenay–Lac-Saint-Jean, s’est fortement inspirée au départ du Carnaval de Québec, avec son bonhomme, ses duchesses, ses sculptures de neige, etc.

Aujourd’hui, le Carnaval de St-Isidore attire presque un millier de personnes. Il permet notamment de promouvoir la culture et l’identité francophones de cette région rurale dans une province à forte majorité anglophone.

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