Un homme moderne? 500e anniversaire du réformateur Jean Calvin

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 18/08/2009 par Gabriel Racle

«Pour bien des historiens, le monde moderne lui-même – ses conceptions scientifiques, économiques et politiques, son attitude à l’égard de la culture – ne peut se comprendre sans prendre en considération l’apport de [cet homme] et de ses disciples.»

Ces paroles, d’un historien lui-même, concernent un penseur et un réformateur dont on célèbre de par le monde, et à Genève notamment, le 500e anniversaire de naissance: Jean Calvin.

Et, précise notre auteur, il a «laissé une empreinte indélébile sur la religion et la culture d’Europe, d’Amérique du Nord, d’Afrique du Sud et partout ailleurs où des immigrants», inspirés par ses idées et ses doctrines, tentaient de créer des communautés qui s’y conformaient.

Il n’est donc pas inutile de profiter de cet anniversaire pour jeter un coup d’œil sur cet homme et son action, que l’on soit ou non d’accord avec ses idées et ses motivations, car on ne peut qu’y gagner en compréhension de l’histoire de notre environnement social et de ses retombées qui, semble-t-il, perdurent jusqu’à nos jours.

Et l’ouvrage dont proviennent ces citations peut s’avérer d’une aide précieuse, car il présente Calvin d’une manière très éclairante, en courts chapitres très sous-titrés, avec des illustrations humoristiques d’un grand dessinateur suisse: Calvin, sans trop se fatiguer, de Christopher Elwood, publié chez Labor et Fides en 2009, 180 pages.

Publicité

L’humanisme

Né le 10 juillet 1509 dans la ville française de Noyon, et donc citoyen français – mais il passera la majeure partie de sa vie comme exilé en Suisse, à Bâle et à Genève – Jean, excellent élève, étudie d’abord dans un collège à Pars, où règne une discipline de fer, qui influencera peut-être l’insistance qu’il mettra à Genève sur la discipline.

Mais son père, qui le destinait à une carrière ecclésiastique, change d’idée et l’envoie étudier le droit à Orléans puis à Bourges. Contrairement à Luther, un ancien moine dont les idées réformatrices se répandent, Calvin n’étudiera jamais la théologie.

Ses études de droit mette Calvin au contact des grands maîtres de l’humanisme, le célèbre Pierre de L’Estoile (1480-15370, l’italien Andrea Alcati (1492-1550) et l’humanisme le séduit. L’humanisme de la Renaissance des XVe et XVIe siècle est «un mouvement de réforme culturelle et intellectuelle lancé depuis l’Italie… Les humanistes s’intéressaient à faire revivre les valeurs littéraires de l’Antiquité classique». (p. 18) Leur mot d’ordre était: «retour aux sources».

La Réforme

Calvin en retiendra certainement la grande leçon, déjà prônée par Luther: la réforme de l’Église.

Loin des milieux conservateurs de Paris, qui pourfendent les idées de Luther et de ses partisans, Calvin se réfugie à Bâle, après divers cheminements. Il expose alors ses idées dans un livre à la base de son action, rédigé en latin, qu’il traduira lui-même en français, un geste sans précédent à une époque où les érudits écrivaient en latin pour d’autres savants, connu sous le nom d’Institution de la religion chrétienne.

Publicité

C’est un retour aux valeurs de la Bible – donc une influence de l’humanisme – qui ont été dévoyées «par les pratiques institutionnelles de l’Église et que le mouvement de la Réforme permet de redécouvrir».

À Genève, où il finit par échouer, Calvin s’efforce de mettre en pratique ses idées et de les imposer à l’organisation de la ville dont il assume la direction «morale», en accord finalement avec le petit Conseil qui administre cette république qui a opté pour la Réforme et mis à la porte son évêque.

Mais il sera accusé de despotisme. «La passion de Calvin s’exprime particulièrement dans de nombreuses confrontations avec toutes sortes d’adversaires politiques ou autres. Il rédige des textes virulents contre des opposants qu’il affuble de titres désobligeants – papistes, anabaptistes, libertins spirituels, nicodémites.» (p. 1260 Influence).

Néanmoins, son mouvement se développe en France, en Écosse, en Angleterre, en Allemagne et par les flux migratoires, gagnera ultérieurement le Nouveau Monde. Le 27 mai 1564, Calvin meurt paisiblement. Mais son influence s’étend bien au-delà des cercles religieux: il est légitime que l’on en parle à l’occasion de son anniversaire.

Influence morale

Peu de personnes ont exercé une influence aussi forte; aussi bien religieuse et morale que culturelle et politique.

Publicité

Sa valorisation de la responsabilité individuelle conduira à la démocratie moderne; on lui attribue même (parfois trop) un rôle dans l’essor du capitalisme. Par la simplicité de son style, il a fortement contribué à la création de la langue française classique.

Il a favorisé l’instruction publique pour tous, afin que chacun puisse lire la Bible. Il s’est élevé sans cesse contre les injustices sociales de son temps.

«Calvin est un moderne, Calvin pense la cité… Ce qui fait qu’à mon avis, il y a une importance de Calvin en dehors du protestantisme, en dehors des milieux strictement religieux; toutes nos traditions politiques et intellectuelles ont été façonnées de façon plus ou moins directe par l’influence de Calvin.» (Bernard Cottret, historien)

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur