Un coup de main pour lutter contre la morosité

Cabaret U-Mano

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Publié 23/01/2007 par Yann Buxeda

«Cabaret U-Mano». Bien des idées peuvent transparaître à travers cette mystérieuse locution. D’aucuns y ressortiront la notion d’humanisme, d’autres y verront un appel au contact physique, à travers le terme mano. Justement, le Cabaret U-Mano s’avère l’expression même de ce que l’être humain peut faire de plus artistique dès lors qu’il laisse ses mains s’exprimer avec spontanéité. Une symbiose parfaite entre le monde du spectacle et celui du rêve, entre les mouvements d’une marionnette et le corps de son manipulateur.

«C’est la rencontre de trois matériaux complètement différents qui se seraient découverts un fort taux d’adaptabilité les uns par rapport aux autres, pour donner un produit fini unique et précieux.»

La vision quelque peu chimique avec laquelle le Québécois Raynald Michaud, metteur en scène du Cabaret U-Mano, décrit le processus qui a amené à la création de sa troupe pourrait paraître absconse, de prime abord. Et pourtant, s’essayer au jeu de la définition du Cabaret U-Mano est révélateur de la grande difficulté que l’on éprouve à trouver les mots justes pour transmettre le trop plein d’émotions perçu après près de deux heures de spectacle.

Au final, seul un borborygme étouffé vient exprimer la frustration de n’avoir eu l’impression de ne passer qu’une petite demi-heure en salle: «Wow!» Et qu’il soit anglophone, francophone ou allophone, le «Wow!» est généralement évocateur d’un plaisir indescriptible et inattendu. Et sans pousser le spectateur jusqu’à l’orgasme, force est de constater que la troupe réussit à provoquer des émotions tout à fait particulières.

Sur une bande sonore revisitant de grands classiques de la chanson, aussi bien francophone qu’anglophone, les dix membres du Cabaret U-Mano donnent vie à différentes marionnettes dans une ambiance digne des plus belles heures du cabaret à l’ancienne.

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Consécutivement, Kiko le latin lover, Lorraine la diva, Mauve la starlette et d’autres stars viennent interpréter leurs numéros, entrecoupés par les présentations muettes de Conrad le travesti.

Des personnages mis en vie par la dizaine de membres du cabaret, qui ne se contentent pas de manipuler leurs compagnons mais qui interagisssent avec eux.

Un choix que Raynald Michaud défend avec passion: «Déjà, cacher les marionnettistes serait une hérésie parce qu’ils sont beaux! Plus sérieusement, dans le cadre du spectacle, le marionnettiste amplifie la scène en accompagnant sa marionnette. Quand un pianiste joue, il ne cache pas ses mains…» En résulte des marionnettes qui impressionnent par la vitalité dont elles sont insufflées.

Chaque personnage possède un caractère propre, une attitude originale qui fait qu’il développe une affinité spécifique avec le public. Un jeu de scène poussé à son paroxysme par la troupe, qui propose en ligne (http://www.cabaretu-mano.com) une biographie complète de chacune de ses stars.

Mais si l’interaction entre la marionnette et son manipulateur est travaillée au micron près, l’esthétique des personnages y est également pour beaucoup dans le succès du spectacle. Les protagonistes ont ce petit air spécifique aux créations de Tim Burton, qui se mêle à ravir avec les costumes strass et paillettes à tendance sexy confectionnés pour chaque numéro. Une influence cinématographique dont s’amuse le metteur en scène: «Le créateur des marionnettes, Serge Deslauriers, est un grand amateur de Burton. Mais jamais ce n’est apparu concrètement dans nos recherches d’esthétique. Ce doit être un résidu subconscient…»

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Expérience internationale

La troupe québécoise n’en est évidemment pas à son premier coup d’essai. Créé en 1999 sous le patronyme de Soma international par Serge Deslauriers, Reynald Michaud et Énock Turcotte, le trio officie depuis la fin du siècle dernier. Auteur d’un premier spectacle à trois intitulé Cabaret décadanse, ils ont parcouru successivement l’Europe, l’Asie et l’Amérique du Sud en représentation.

Une opportunité qui leur a permis de confronter leur art à différents publics, comme le confie Reynald Michaud: «Les cultures sont très diverses. En Europe, notamment en Espagne, les gens étaient hystériques, et hurlaient pendant les numéros. C’était très intense. En Irlande, c’était assez différent, les gens dansaient avec les marionnettes. L’Asie n’avait pas du tout la même approche. Au Japon, pendant le spectacle, on pouvait entendre une mouche voler entre les numéros. Par contre, les applaudissements de fin de spectacle étaient particulièrement chaleureux. Chaque public a ses codes, c’est vraiment intéressant.»

Une fracture culturelle qui a confronté la troupe à diverses réactions. Autant dire qu’après cette expérience, l’appréhension d’un public anglophone, réputé assez froid, n’était pas non plus source d’inquiétude majeure. Au final, malgré une certaine tendance à la retenue, Toronto se sera un peu découvert en cette période de grand froid, laissant jaillir du public bon nombre de cris et applaudissements entre et même pendant les numéros.

Parvenir à sortir le public torontois de sa léthargique passivité, voilà bien une preuve que le Cabaret U-Mano n’est pas spectacle à laisser de côté. Il sera heureusement possible de venir se délecter de la représentation jusqu’au 18 février prochain.

Cabaret U-Mano, au Diesel Playhouse, 56 Blue Jays Way, jusqu’au 18 février. Billets de 34,50 $ à 59,95 $. Renseignements au 416-971-5656.

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