Un Canadien rapporteur spécial de l’ONU sur les minorités

Fernand de Varennes, doyen, Faculté de droit, Université de Moncton
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Publié 07/08/2017 par Gérard Lévesque

Depuis le 1er août dernier, c’est un Canadien qui remplace la Hongroise Rita Izsak au poste de Rapporteur spécial de l’Organisation des Nations Unies (ONU) sur les questions relatives aux minorités: Fernand de Varennes, doyen de la Faculté de droit de l’Université de Moncton, a en effet remporté l’élection à ce poste le 23 juin dernier, à Genève, lors d’une réunion du Conseil des droits de l’homme.

C’est le Conseil des droits de l’homme qui ratifie ou non, par élection, les nominations des rapporteurs spéciaux mises de l’avant par le président de cet organe intergouvernemental du système des Nations Unies lors d’une des sessions régulières de ce Conseil qui peut durer jusqu’à trois semaines. L’élection du professeur de Varennes a eu lieu la dernière journée de la 35e session du Conseil qui avait débuté le 6 juin.

Natif de Saint-Paul, au Nouveau-Brunswick, Fernand de Varennes dispose maintenant de trois ans pour promouvoir la mise en œuvre de la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques dans l’ensemble des États membres des Nations Unies.

Il doit entre autres examiner, superviser, conseiller et faire rapport sur les situations des droits des minorités, y compris devant l’Assemblée générale des Nations Unies, à New York. Il doit aussi effectuer des études et missions dans divers pays, et se livrer à des activités générales de promotion.

La carrière du doyen de Varennes comprend une vingtaine d’années d’enseignement du droit en Australie. Il a aussi travaillé sur les questions des minorités, des droits linguistiques et des droits humains en Éthiopie, aux pays baltes, en Indonésie, en Irlande du Nord et dans plusieurs autres pays. Il est aussi professeur associé au Centre des droits de la personne de l’Université de Pretoria, en Afrique du Sud, et l’auteur de quelque 200 publications en une trentaine de langues.

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En 1989 et 1990, il a été l’analyste juridique du Programme de contestation judiciaire, à Ottawa.

Fier d’être le premier Canadien élu pour le mandat de rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités, Fernand de Varennes m’a confié il y a quelques jours: «J’espère que ce mandat aux Nations Unies me permettra de travailler de plus près avec le gouvernement canadien afin que ce dernier puisse jouer un rôle de plus en plus important en ce qui a trait à la promotion et à la protection des minorités à travers le monde. Nous pouvons je crois, dans le contexte mondial actuel, avoir une présence et influence encore plus importantes et positives devant ce qui, malheureusement, semble être une montée de l’intolérance dans plusieurs parties du globe.»

Lorsque le Canada est intervenu dans d’autres pays pour soutenir les droits de la personne, il est arrivé que les dirigeants de ces pays n’aient pas apprécié l’intervention canadienne. Ils ont alors réagi en attirant l’attention publique sur la façon dont le Canada traitait les Premières nations ou les minorités. Cette tactique de tentative de discréditer le Canada se poursuivra-t-elle?

Le fait qu’un Canadien a maintenant ce mandat international pour la promotion et la protection des droits de la personne pourrait-il inciter le gouvernement fédéral et les gouvernements de nos provinces et territoires à corriger dès maintenant des situations inéquitables ou à améliorer le sort réservé à ses minorités afin d’éviter d’être embarrassés au niveau international?

Le cas échéant, voici des exemples récents d’injustices à l’endroit de membres d’une minorité de langue officielle.

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Rachel Notley, première ministre de l'Alberta

Le 14 juin dernier, l’Alberta a rendu public le texte de sa première politique en matière de francophonie que je vous ai présenté dans ma récente chronique Il n’y a pas de droits sans obligations. Quelques passages de cette politique laissent croire que des fonctionnaires de tendance anglo-suprématiste ont réussi leur pari de faire avaliser par le gouvernement NPD des éléments importants de la politique anti-française du gouvernement précédent.

À la note 2 de la Politique, on peut lire les deux phrases suivantes: «La Loi linguistique (1998) …stipule qu’un individu peut employer le français ou l’anglais dans tous les tribunaux de l’Alberta. En pratique, lorsqu’une personne exerce ce droit, les services d’un traducteur sont proposés au profit de la cour et des autres parties.»

Ainsi, les avocats de la Couronne pourront continuer de plaider que, bien que les francophones ont le droit d’utiliser le français devant les tribunaux albertains, ils n’ont pas le droit d’y être compris en français!

Ces fonctionnaires ont même réussi à faire inscrire dans la politique ce qui pourrait embarrasser la première ministre de l’Alberta qui, en tant que responsable des affaires intergouvernementales, est appelée à signer les ententes Canada-Alberta.

Dans une chronique publiée en octobre 2015, j’ai signalé que le ministre des Relations internationales et intergouvernementales de l’Alberta, Cal Dallas, était un des ministres qui refusaient de signer la version française des ententes Canada-Alberta.

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Dans la politique rendue publique le 14 juin dernier, on peut lire le passage suivant: «Pourvu qu’il y ait une traduction juridique, le Gouvernement de l’Alberta signera en français et en anglais l’Entente Canada-Alberta sur les services en français et le Protocole d’entente relatif à l’enseignement de la langue de la minorité et à l’enseignement de la langue seconde, les deux versions étant également exécutoire.»

Ainsi, sauf pour deux exceptions, le présent gouvernement de l’Alberta poursuit la politique du gouvernement précédent de refuser de signer la version française des ententes Canada-Alberta.

Cet état de fait va forcer le gouvernement fédéral a décidé s’il va poursuivre la complaisance du gouvernement Harper qui tolérait ce mépris albertain à l’endroit de l’une de nos deux langues officielles.

De toute évidence, nos gouvernements ont du travail à faire s’ils désirent vraiment mettre en œuvre le principe constitutionnel de progrès vers l’égalité de statut ou d’usage du français et de l’anglais.

Auteur

  • Gérard Lévesque

    Avocat et notaire depuis 1988, ex-directeur général de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Souvent impliqué dans des causes portant sur les droits linguistiques. Correspondant de l-express.ca, votre destination pour profiter au maximum de Toronto.

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