Trois séries et deux films pour commencer l’année

Périodiquement dans l-express.ca, l’équipe de Cinéfranco, le festival torontois du film francophone qui vient de fêter son 25e anniversaire, partage avec vous des suggestions de films ou de séries sur les plateformes Netflix, Apple, Amazon, Crave, HBO, Disney et d’autres.

Voici trois séries et deux films disponibles en ce début d’année 2023.

LA NUIT OÙ LAURIER GAUDREAULT S’EST RÉVEILLÉ

Madeleine, Mado, la matriarche de la famille Larouche décède laissant ses enfants dans le plus grand désarroi. 30 ans que la zizanie dure dans la fratrie.

Mireille, thanatologue venue embaumer sa mère, revient après 25 ans d’absence, pour confronter Julien, son frère aîné. Denis, souffrant d’accumulation compulsive, essaie de comprendre sa famille. Il porte un regard protecteur sur le petit frère Elliot tout juste sorti d’une cure de désintoxication.

Tout a commencé une nuit d’octobre 1991 quand Mireille, 14 ans, entre dans la chambre de Laurier Gaudreault… Que s’est-il donc passé cette nuit-là pour créer tant de haine et de souffrance?

Le réalisateur et scénariste Xavier Dolan nous embarque dans un suspense, d’une spirale si insoutenable qu’on est forcé d’avaler les 5 épisodes en une seule fois, pour tout savoir, pour tout comprendre.

Dolan ne nous épargne rien surtout avec ses gros plans:  le sordide de l’esthétique de la mort (Mireille décrispe les doigts de la main de sa mère morte pour lui mettre le vernis à ongles), les points de suture de sur le front abîmé d’Elliot, les actes sexuels malsains, les soûleries, la drogue, les longs baisers sur la bouche.

La distribution est absolument formidable: Patrick Hivon, Éric Bruneau, Magalie Lépine-Blondeau, Julie Le Breton avaient déjà joué ces rôles au Théâtre National de Montréal en 2019. Xavier Dolan a fait de la pièce éponyme de Michel Marc Bouchard un petit chef-d’œuvre d’adaptation, sélectionné au Festival du film Sundance en janvier 2023. Drame familial, thriller psychologique secoué par des flashback, suspenses, surprises, décors, costumes et musique captivants, cette série est fascinante!

CLUB ILLICO avec abonnement.

HPI

Audrey Fleurot (Morgane Alvaro dans la série française HPI) avait habitué le public à ses rôles dramatiques puissants dans des séries phares comme Un Village français (Hortense), Engrenages (Joséphine Karlsson) ou Le Bazar de la Charité (Adrienne de Lenverpré) pour n’en citer que quelques-uns.

Dans HPI (Haut Potentiel Intellectuel), Audrey Fleurot change de registre pour jouer une femme excentrique, «bordélique», affectueuse et bonne maman, une sorte de Madame Sans-Gêne non pas à la Sophia Loren mais bien à la Audrey Fleurot haute en couleur.

Malgré son haut potentiel intellectuel Morgane Alvaro, 3 enfants à charge de deux pères différents, 5 crédits à payer, caractère rebelle vis-à-vis des autorités, se contente de faire les ménages à la DJPI de Lille.

Un soir de ménage (épisode 1), Morgane rapporte aux enquêteurs du meurtre d’Antoine Levasseur, ses justes constatations. La police l’engage et durant les 7 épisodes suivants, les enquêtes de meurtre se succèdent avec en filigrane l’évolution des riches relations entre personnages.

Morgane doit gérer la garde de ses enfants, ses relations tendues avec sa mère, ses sentiments ambigus pour Ludo, le père de 2 de ses enfants. Elle n’est pas toujours en bons termes avec la patronne du département Céline Hazan.

Et il y a Adam Kadarec (l’excellent Mehdi Nebbou) commandant de police, très agacé par les manières cavalières d’Alvaro. Mais insidieusement, Morgane semble l’attirer. Il fait des rêves érotiques, il est charmé par sa tenue (épisode 7).

Morgane parle aussi de sa «coolitude». Vont-ils vivre une histoire d’amour?… Rendez-vous saison 2 et bientôt saison 3 en cours d’écriture.

Club Illico avec abonnement.

MIXTE (1963)

À Saint-Jean-d’Angély en Charente-Maritime, pour la première fois en 1963, 11 filles se joignent à une centaine de garçons au lycée Voltaire pour en faire une école mixte.

C’est un tsunami éducatif, hormonal et sociétal qui s’abat alors!

Dès le premier épisode, c’est la révolution! Le proviseur ainsi que son surveillant général, M. Bellanger, veulent renvoyer les filles ailleurs. Les profs les méprisent et les ignorent outrageusement.

Les garçons se posent des questions sur les seins des filles entre autres interrogations. Tous les garçons convoitent Annick Sabiani, non pas pour son excellence scolaire, mais pour son beau physique à la Brigitte Bardot.

Au début les esprits s’échauffent. Jean-Pierre Magnan, en voulant défendre sa sœur Michèle, éborgne le diabolique Descamps… Ensuite, il devient la honte de ses parents car il fréquente une jeune fille d’Algérie, Simone, très vulgaire comme tous les Pieds Noirs.

M. Bellanger, lui, est marié avec l’infirmière de l’école, Jeanne qui est lesbienne, une condition vue comme dénaturée. L’épisode 5 illustre la violence et la haine de voyous contre des acteurs homosexuels du théâtre de la ville.

Cette série qui semble dépeindre les mœurs des années soixante, parle en fait de notre époque : les relations de force entre hommes et femmes, le patriarcat, la condition féminine, le divorce, les relations sexuelles, la famille…

8 épisodes passionnants interprétés de façon convaincante avec des clins d’œil sur des comédiens bien connus comme Anne Le Ny (Mme Giraud), Amira Casar (Irène), Marie-Christine Barrault (la mère de Melle Couret), Gérard Laroche (Louis Douillard)

Les costumes d’époque, la musique rock de Johnny Halliday, la trame sonore de chanteuses à la mode comme Juliette Gréco, projettent une image d’une France truffée de complexes et de préjugés d’avant 1968.

8 épisodes pleins de rebondissements à ne pas manquer! Cette série, créée par Marie Roussin, a été classée comme une des meilleures de l’année 2021.

Prime Video avec souscription.

PAS D’CHICANE DANS MA CABANE!

Quand on parle de divorce, on parle de statistiques, de sa fréquence comme si ce n’était qu’un sujet d’adultes. Pas d’chicane dans ma cabane!, premier long métrage de Sandrine Brodeur-Desrosiers, offre une perspective originale à hauteur d’enfants.

Justine, 12 ans, ne peut plus supporter d’entendre et de voir ses parents se disputer. Elle en est tellement affectée qu’elle décide de provoquer leur divorce avec l’aide de ses amis.

Voilà un pari osé qui va réussir à libérer la parole des enfants sur le divorce!

Le film commence par des témoignages d’enfants s’exprimant sur le bien et le mal qu’ils ressentent à propos de la séparation de leurs parents. Ces témoignages, ainsi que les réactions provoquées par le tribunal des jeunes qui juge les parents de Justine, rythment bien le film tout en insistant avec conviction sur l’utilité du courage d’affronter les parents.

C’est un véritable plaisir de voir ces jeunes acteurs savamment mélanger des préoccupations d’adultes avec les émotions et la naïveté de leur préadolescence.

Guillaume le chromosome a un côté harceleur en classe qui s’estompe vite quand on apprend ce qu’il cache. Théo est jaloux de Guillaume et le provoque. Ernestine cesse de vomir quand elle trouve sa raison d’être en tant qu’avocate et amie de la bande de Justine, la sardine.

Charlotte St-Martin, Justine au centre de l’intrigue, interprète avec justesse la gamme d’émotions oscillant entre frustration, peine, tendresse, révolte, le tout dominé par un fort sentiment de remédier aux querelles constantes de ses parents.

CRAVE FR et APPLE TV avec souscription. À louer 5.99$ sur iTunes.

ON EST FAIT POUR S’ENTENDRE

La malentendance ou surdité semble être un thème ambiant dans le cinéma français et américain. En 2014, La Famille Bélier, film franco-belge d’Éric Lartigau, nous a émus aux larmes. En 2021, son remake Coda oscarisé, de Sian Heder, nous a enchantés avec sa riche gamme d’émotions.

Puis Darius Marder réalise le drame puissant d’un musicien frappé de surdité soudaine dans Sound of Metal aux 91 récompenses.

On est fait pour s’entendre se place dans la lignée de ces films. En fait, son réalisateur Pascal Elbé s’inspire de sa propre histoire pour traiter avec humour la perte de l’ouïe du personnage Antoine qu’il incarne lui-même.

Antoine s’aliène tout le monde: sa voisine Claire exacerbée par le bruit qu’il fait, ses élèves qui l’accusent de les ignorer, ses collègues qui le trouvent bien étrange. Enfin le quinquagénaire admet avoir un problème d’ouïe à remédier.

Entre un appareil auditif qui lui joue des siennes, son ami Francis qui, en guise d’aide, vient draguer les filles de son groupe de soutien collectif, Antoine continue d’enfiler les malentendus et mésaventures comiques.

Le film est traversé de moments délectables. Antoine ne supporte pas d’entendre les bruits de mastication de sa collègue qu’il tance copieusement alors qu’elle ne comprend pas ce qui se passe. Le test de l’ouïe est très drôle.

Les personnages sont très attachants comme la petite Violette, fille de Claire, emmurée dans son silence après la mort de son père. Claire, la veuve, superbement jouée par Sandrine Kiberlain est soutenue par une distribution d’acteurs dynamiques, sensibles et pleins d’humour.

Un film à double entente qui fait sourire et réfléchir!

CRAVE FR avec souscription.