Toutes les cartes géographiques sont fausses

Benjamin Furst, Les erreurs dans les cartes
Benjamin Furst, Les erreurs dans les cartes, essai sur une idée originale de Jean Poderos, Paris, Éditions Courtes et longues, coll. Les Erreurs, 2021, 144 pages, 56,95 $.
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Publié 23/03/2022 par Paul-François Sylvestre

Parmi les erreurs cartographiques les plus célèbres, il y a la Californie comme une île, l’Arctique comme un continent et une chaîne de montagnes qui divise l’Afrique en deux d’Est en Ouest. Voilà quelques exemples ce que nous apprend Les erreurs dans les cartes de Benjamin Furst.

À la base, «toute carte est fausse parce qu’elle trie, synthétise, simplifie un espace dont la complexité se prête mal à la représentation exhaustive».

Intérêts politiques ou religieux

Des erreurs ont longtemps été prises pour des vérités, entretenues par des puissances politiques ou religieuses. Ainsi, le Moyen Âge et la Renaissance ne remettent pas en question la notion d’une Terre au centre de l’univers, en parfaite adéquation avec le dogme chrétien.

Évoquée par Platon puis par de nombreux auteurs de l’Antiquité, la mythique Atlantide apparaît sur plusieurs cartes. Dans un cas, «l’Atlantide recouvre l’Amérique, divisée en dix royaumes dont celui d’Atlas, fils de Poséidon».

On n’hésite pas non plus à créer des contrées mystérieuses comme l’Eldorado.

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cartes
Un casse-tête Ravensburger représentant une carte de pays mythiques.

Carte d’une Nouvelle-France fantasmée

En Amérique centrale, les cartes des codex aztèques juxtaposent une dimension temporelle à la représentation spatiale. «Aux éléments topographiques et hydrographiques sont fréquemment conjugués des hiéroglyphes et des représentations picturales qui font référence aux événements mythologiques et historiques.»

Des cartes de la Nouvelle-France présentent un territoire plus immense que réel, «traduisant le fantasme d’une maîtrise totale». Ainsi, la Province de Louisiane s’étend jusqu’aux Grands Lacs sur une carte de Louis Hennepin et Jean-Baptiste Homann.

Les mappemondes médiévales divisent un univers circulaire et entouré d’un océan primordial en trois continents séparés les uns des autres par une masse d’eau rectiligne: la Méditerranée entre l’Europe et l’Afrique, le Nil entre l’Afrique et l’Asie, et le Tanaïs entre l’Asie et l’Europe.

Carte de la Nouvelle-France dessinée par Samuel de Champlain.

Royaumes fictifs

À partir du XVIIe siècle, souverains et généraux s’appuient de plus en plus sur la cartographie pour préparer leurs campagnes militaires. Encore faut-il qu’elle soit précise. Selon l’auteur, Napoléon a sans doute perdu Waterloo à cause d’une carte erronée.

Une page d’Atlas peut parfois servir l’imposture. En 1821, un aventurier écossais fait sensation en revenant d’Amérique centrale et en se proclamant cacique du Poyais, un royaume fictif dans l’actuel Honduras.

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«La géographie, ça sert d’abord à faire la guerre», écrivait Yves Lacoste en 1976. La cartographie aussi, comme l’on bien compris les autorités soviétiques qui n’hésitent pas à produire des fausses cartes de l’URSS.

Le Sud en haut de la carte

Une carte peut nous faire perdre le Nord. C’est le cas de celle inventée par Stuart McArthur. Il était agacé de toujours voir son Australie natale coincée dans le coin inférieur droit des cartes. En 1979, il crée la Carte corrective universelle du monde en plaçant le Sud en haut de la carte… Et mettant l’Australie au centre du monde.

Les querelles de frontières influent sur la cartographie. Une position ambiguë du Cachemire varie selon qu’il soit revendiqué par l’Inde, le Pakistan ou la Chine.

Même une carte du Canada, datant de 2008, élargit sa souveraineté pour inclure une partie du pôle Nord, au-delà des eaux internationales.

Australie
L’Australie

Toutes les cartes omettent des détails

L’auteur parle de Paper Streets et Paper Towns en décrivant les plans de développement urbains, qui dessinent un espace en devenir. Ces cartes portent des projets plus qu’elles ne décrivent la réalité d’un territoire.

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Benjamin Furst conclut son ouvrage en ces termes: «Toute carte est fausse. Parce qu’elle ne peut représenter le territoire dans ses moindres détails… Parce qu’elle est un dessin en deux dimensions d’un espace en trois dimensions, une figuration figée d’un espace en évolution… La carte doit simplifier la réalité.»

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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