Tout individu peut recourir aux tribunaux, mais…

Le succès n'est pas garanti: l'exemple d'un plaignant déterminé

Le siège de l'Ordre des enseignantes et des enseignants de l'Ontario est situé au 101, rue Bloor Ouest, Toronto M5S 0A1
Le siège de l'Ordre des enseignantes et des enseignants de l'Ontario est situé au 101, rue Bloor Ouest, Toronto M5S 0A1.
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Publié 09/04/2020 par Gérard Lévesque

Tous les citoyens ont le droit de recourir aux tribunaux pour faire corriger une injustice, réelle ou imaginaire, à leur égard. Certains sont toutefois plus actifs et déterminés que d’autres. Voici l’exemple des dossiers 39001 et 38431 initiés par un même individu, et qui ont parcouru toutes les étapes du cheminement judiciaire, de la première instance jusqu’à la Cour suprême du Canada.

Dossier 39001: Bouragba (demandeur) c. Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario (intimé)

Diplomé (1995) de l’université d’État d’ingénierie civile de Moscou, en Russie, et détenteur d’un baccalauréat en éducation (2004) de l’Université d’Ottawa, Ahmed Bouragba (A. B.) est enseignant et membre de l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario («l’Ordre»).

Ahmed Bouragba
Ahmed Bouragba

Il enseigne d’abord l’immersion française en 7e-8e année pendant deux ans au Durham District School Board, puis au Ottawa-Carleton District School Board, toutes les matières devant être enseignées en français dans le programme d’immersion, aux cycles primaire, moyen et intermédiaire.

De 2008 à 2012, il est délégué syndical représentant la Fédération des enseignantes et des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario (FEEO) pour la région d’Ottawa-Carleton. De 2012 à 2014, il siège au Conseil de l’Ordre.

Plainte contre la direction de l’école de son fils

Le 5 octobre 2014, A. B. dépose des plaintes contre la directrice d’une école secondaire et deux administrateurs du conseil scolaire.

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Le comité d’enquête de l’Ordre décide, le 10 décembre 2014, que les plaintes ne seront pas renvoyées à l’étape du Comité de discipline.

Cependant, en vertu de l’alinéa 26(5)(d) de la Loi de 1996 sur l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario, le Comité d’enquête donne un avertissement écrit à A. B. en raison de la façon dont il s’est exprimé et du ton qu’il a utilisé dans ses communications avec Diane Lamoureux, la directrice de l’école fréquentée par le fils de A. B.

Le 29 octobre 2015, le Comité d’enquête refuse de renvoyer les trois plaintes restantes à l’étape disciplinaire.

En Cour divisionnaire

A. B. sollicite le contrôle judiciaire des décisions du Comité d’enquête, au motif que les décisions étaient déraisonnables. Il allègue également qu’il y avait conflit d’intérêts, crainte raisonnable de partialité, manquement à l’équité procédurale, deux poids deux mesures, et que le comité d’enquête était irrégulièrement constitué.

Le 22 novembre 2018, les juges Jill Copeland, Katherine Swinton et Julie Thorburn, de la Cour divisionnaire, rejettent avec dépens les deux demandes de contrôle judiciaire de A. B.

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Dans la première demande, DC 16-2174, les trois juges indiquent que l’allégation de A. B., à l’effet qu’il a été privé d’équité procédurale, est sans fondement. Dans la deuxième demande, DC 16-2199, les juges sont d’avis que l’allégation de partialité est également sans fondement.

En Cour d’appel de l’Ontario

Le 24 mai 2019, la Cour d’appel de l’Ontario rejette la demande d’autorisation d’interjeter appel présentée par A. B.

En Cour suprême du Canada

A. B. demande alors l’autorisation d’en appeler en Cour suprême du Canada. Par l’entremise de Maître Christine Lonsdale, du cabinet McCarthy Tétrault, l’Ordre fait valoir que les questions pour lesquelles l’autorisation d’interjeter appel est demandée sont importantes pour les deux parties, mais ne soulèvent pas de préoccupations d’importance nationale. Il signale aussi que les attaques de A. B. contre l’intégrité des juges sont sans fondement.

Le 2 avril 2020, la Cour suprême du Canada rejette avec dépens la demande d’autorisation d’appel présentée par A. B.

Comme le plus haut tribunal du pays ne précise pas les raisons de sa décision, vous pouvez tenter de les identifier en prenant connaissance de la documentation pertinente en cliquant sur les liens dans cet article.

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Dossier 38431: Ahmed Bouragba, en son propre nom et au nom de ses fils et de son épouse (Tarik Bouragba, Yassin Bouragba et Hassani Djamila) contre Sa Majesté la Reine, ministre de l’Éducation de l’Ontario, Denis Chartrand, Ordre des enseignantes et enseignants de l’Ontario, Paul Marshall, Richard Lewko, Conseil scolaire de district catholique de l’Est de l’Ontario, Lyne Racine, Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario, Stéphane Vachon, Diane Lamoureux, Annie Sicard, Ottawa Catholic School Board, Norma McDonald, Ottawa-Carleton District School Board, Kevin Gilmore, Tribunal des droits de la personne de l’Ontario et Geneviève Debané.

L’intitulé de la cause est long en raison du nombre d’individus et d’institutions poursuivis par le demandeur.

En Cour supérieure de justice de l’Ontario

Ahmed Bouragba (A. B.) dépose une poursuite en Cour supérieure de justice de l’Ontario, à Ottawa, en son nom et aux noms des membres de sa famille, particulièrement son fils Tarik.

Il réclame notamment une somme de 9 millions de dollars en dommages pour violation de droits constitutionnels, discrimination, représailles, manquement à des obligations de fiduciaire et souffrances morales infligées délibérément.

Dans une décision initiale rendue le 1er novembre 2016, le juge Robert Beaudoin suspend son action jusqu’à la présentation d’une motion en modification de la déclaration.

A. B. présente une autre motion en Cour supérieure, demandant au juge qui avait prononcé l’ordonnance précédente de se récuser et sollicitant une injonction interlocutoire. Le juge Robert Maranger entend cette motion le 20 avril 2017. Dans son endossement, il écrit qu’il n’a pas compétence pour trancher la motion tant que l’action précédente est suspendue.

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En Cour divisionnaire, puis en Cour d’appel

A. B. demande l’autorisation d’interjeter appel de cette ordonnance, mais la juge Gladys Pardu, de la Cour divisionnaire, rejette sa demande. Il veut interjeter appel de cette ordonnance à la Cour d’appel, mais il doit obtenir une prorogation du délai pour ce faire, ce qui lui est refusé par une décision rendue le 5 septembre 2018 par les juges Paul Rouleau, Robert Sharpe et Katherine van Rensburg,

En Cour suprême du Canada

A. B. demande l’autorisation d’en appeler en Cour suprême du Canada. Il affirme vouloir soutenir la confiance du public en la Cour supérieure de justice, à Ottawa, et éliminer la conspiration judiciaire. Il s’appuie sur l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, la Convention relative aux droits de l’enfant (Nations Unies) et sur la Loi sur l’éducation de l’Ontario.

Un intimé (le Tribunal des droits de la personne) s’abstient, les autres demandent le rejet de la requête.

Au nom du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario, qu’A. B. avait saisi de son affaire, Maître Sabrina Fiacco informe la Cour que le tribunal ne prend pas position sur la demande d’autorisation d’appel mais, si la demande est accueillie, le tribunal va déposer une réponse et participer à l’audience.

Demandes de rejet

Au nom de Sa Majesté la Reine (représentée par le ministre de l’Éducation) et de Denis Chartrand, Maître Jeffrey Claydon demande le rejet de la requête de A.B. pour les raisons énoncées le 7 septembre 2018 par les trois juges de la Cour d’appel de l’Ontario ainsi que les raisons énoncées par la juge Gladys Pardu.

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Au nom du Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario, Stéphane Vachon, Diane Lamoureux et Annie Sicard, Maître Paul Marshall note que le dossier ne reflète aucune importance nationale ou importance pour le public. Il réitère la même position au nom du Ottawa Catholic School Board et de Norma McDonald, ainsi qu’au nom du Conseil scolaire de district catholique de l’Est de l’Ontario et de Lyne Racine.

Au nom de l’Ordre des enseignantes et enseignants de l’Ontario, Paul Marshall et Richard Lewko, Maître Charlotte Anne Malischewski demande le rejet de la requête de A.B. pour les raisons énoncées par les juges de la Cour d’appel.  A. B. réplique aux intervenants.

Le 14 mars 2019, la Cour suprême du Canada rejette la demande d’autorisation d’appel, avec dépens en faveur des intimés: Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario, Stéphane Vachon, Diane Lamoureux, Annie Sicard, Conseil scolaire de district catholique de l’Est de l’Ontario, Lyne Racine, Ottawa Catholic School Board et Norma McDonald.

Retour en Cour supérieure de justice

Le 24 septembre 2019, la protonotaire Marie Fortier, de la Cour supérieure de l’Ontario, entend une requête des membres de la famille Bouragba visant à modifier le texte de l’action suspendue le 1er novembre 2016 par le juge Beaudoin.

Le 7 février 2020, la protonotaire rejette la requête et ordonne que les membres de la famille Bouragba ne présentent pas d’autres requêtes avant d’avoir payé tous les dépens qu’ils doivent aux défendeurs.

Auteur

  • Gérard Lévesque

    Avocat et notaire depuis 1988, ex-directeur général de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Souvent impliqué dans des causes portant sur les droits linguistiques. Correspondant de l-express.ca, votre destination pour profiter au maximum de Toronto.

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