Toilettes : des banquettes percées aux sièges chauffants

Julien Damon, Toilettes publiques
Julien Damon, Toilettes publiques, essai sur les commodités urbaines, Paris, Les Presses de Sciences Po, 2023, 210 pages, 28,95 $.
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Publié 16/09/2023 par Paul-François Sylvestre

En moyenne, une personne va quatre ou cinq fois par jour aux toilettes pour un total de dix minutes. Cela représente 0,7% de notre existence, soit à peu près six mois. Suffisamment de temps pour que le sociologue Julien Damon publie Toilettes publiques, essai sur les commodités urbaines.

Dès les premières lignes, l’auteur souligne que, «chaque jour, chaque être humain se déleste d’environ un litre d’urine et de 200 grammes de matière fécale» (365 litres et 73 kg par an). Pour l’humanité, en 2023, on parle de 3 000 milliards de litres et 600 milliards de kilos à évacuer et à traiter.

L’ouvrage se penche sur les édicules, WC, sanisettes et autres latrines accessibles au public hors des domiciles. «Observer les sociétés par la lunette de leurs toilettes», écrit Damon, «ouvre des éclairages singuliers sur les villes, les cultures, les inégalités, les civilisations, les mœurs.»

L’empereur Vespasien

Dès le premier siècle de notre ère, l’empereur romain Vespasien (9-79) introduit un impôt sur l’urine collectée par les tanneurs. Il donne son nom aux vespasiennes. Avant lui, les Romains ont construit des latrines publiques, des rangées de banquettes percées d’orifices donnant sur des rigoles latérales.

Dans l’Antiquité, on excrète «tout en discutant à plusieurs, sans froisser les pudeurs». Rome demeure le précurseur des égouts, des toilettes et du recyclage.

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Du moyen âge au siècle des lumières, les évolutions sont lentes. Les latrines de l’époque sont appelées des «garde-robes» qui n’ont pas grand-chose à voir avec nos penderies contemporaines.

D’abord sur les boulevards parisiens

C’est le développement des villes qui a entraîné l’essor des fameuses vespasiennes. Ces guérites cylindriques abritant des urinoirs à une place exclusivement pour hommes sont d’abord installées sur les boulevards parisiens vers 1830. En 1845, Paris compte 500 vespasiennes.

Au tournant du XIXe siècle, des «chalets de nécessité» dans lesquels il est possible de s’asseoir se joignent aux pissotières. Hommes et femmes, dans des compartiments bien séparés, peuvent s’y libérer.

Ces toilettes publiques ne tardent pas à être décriées. «Ligue de vertu et brigade de mœurs y traquent les outrages à la pudeur», leur reprochant d’être des lieux de rencontre réprouvées, de drague. «La prostitution, homosexuelle et hétérosexuelle, y trouve un édifice commode pour certaines prestations.»

On pense surtout aux hommes

À Paris, au début des années 1980, des sanitaires publics à entretien automatique sont testés dans l’espace public. Ils sont esthétiques, propres et accessibles à tous, femmes et hommes. «Passé à la postérité sous le nom déposé de sanisette, ce bloc moulé de béton d’environ cinq tonnes est une prouesse technologique.»

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L’aménagement urbain a surtout été envisagé du côté masculin. Pissotières autrefois et urinaires aujourd’hui en témoignent à leur manière. Pendant longtemps, des machines à préservatifs ont installées dans les toilettes des hommes, alors que celles des femmes étaient rarement équipées de produits d’hygiène menstruelle.

Au XXIe siècle, des transgenres, des non-binaires et des intersexes se sentent marginalisés, «dissuadés d’utiliser des commodités dont l’accès réparti binairement ne leur convient pas». Solution? Fournir des toilettes mixtes sans assignation d’un genre, comme dans les trains, les avions, certains restaurants et bars.

Il y a une Journée mondiale des toilettes

Depuis 2001, il existe une World Toilet Organization. En 2013, l’ONU a déclaré que le 19 novembre est la Journée mondiale des toilettes.

Au moment où vous lisez ces lignes, il existe des installations ultramodernes: «cuvettes et sièges chauffants, ambiance musicale, éclairage personnalisé, tout est au service d’une expérience de qualité».

Auteurs

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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